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Économie bleue - Biotechnologie marine: quelles perspectives d’avenir ?
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Économie bleue - Biotechnologie marine: quelles perspectives d’avenir ?
Grâce aux avancées technologiques, les chercheurs peuvent désormais découvrir les secrets des océans. Selon l’auteur, la biotechnologie marine est une façon d’exploiter cela afin de développer plusieurs secteurs de notre économie.
La pression constante sur les ressources naturelles de la terre pousse de plus en plus les scientifiques à explorer le potentiel qu’offrent les océans. Ceux-ci, il convient de le rappeler, couvrent 70,8 % de la surface du globe. Depuis plus de trois décennies, des chercheurs précurseurs, convaincus que les organismes marins pouvaient être des sources d’applications innovantes, se sont évertués à en découvrir les secrets.
C’est cependant grâce aux avancées technologiques que les chercheurs peuvent peu à peu valoriser leurs découvertes. La biotechnologie marine est justement ce nouveau champ d’application, alliant moyens technologiques et connaissances des écosystèmes marins. Quelles perspectives d’avenir cela offre-t-il à une île Maurice qui compte, ne l’oublions pas, 2,3 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive ?
À ce jour, plusieurs secteurs de notre économie sont directement liés aux océans et littoraux. Notamment ceux du tourisme, du portuaire et de la pêche. Le gouvernement, avec la collaboration du privé, vise maintenant à innover dans d’autres secteurs prometteurs, comme la production d’énergies renouvelables, l’aquaculture et l’industrie pharmaceutique.
Nous avons certes raison de miser sur un espace océanique infiniment plus vaste que nos terres. Celles-ci étant d’ailleurs privées de ressources naturelles. Il faudra toutefois faire preuve de pragmatisme face au secteur de la biotechnologie marine car il en est encore à ses premiers balbutiements.
De la recherche scientifique à l’offre commerciale, en passant par la découverte prometteuse, l’évaluation des applications, la course à l’investissement, l’obtention d’un brevet, la communication, le branding… La route est longue.
Si un pays comme la France, deuxième au sein du peloton de tête en ce qui concerne la technologie marine, peine encore à prendre ses marques, c’est parce qu’il est difficile de booster ce secteur dans un contexte de morosité économique. D’autant plus que les investissements pour la mise en oeuvre de technologies marines sont très élevés.
Protection des écosystèmes
Répertorions certains éléments qui pourraient entraver le développement du secteur de la biotechnologie marine :
1) Difficulté de trouver des investisseurs. Ils sont peu enclins à prendre des risques dans un secteur encore très jeune. Il est d’ailleurs difficile de trouver des rapports et des chiffres précis sur la viabilité des biotechnologies marines.
2) Risques trop élevés des financements de la recherche par rapport aux possibilités de réussite.
3) Contraintes imposées par la protection des écosystèmes lors des récoltes en mer.
4) Complexité des molécules d’origine marine et, en conséquence, des procédés pour leur synthèse.
5) Difficulté et longue durée des procédures pour l’autorisation de commercialisation des médicaments sur les principaux marchés.
6) Rareté du capital humain apte à répondre aux besoins immédiats du secteur. La formation coûte cher et prend du temps, sans parler du problème de l’exode des cerveaux.
7) Éparpillement du secteur. Les principaux agents évoluant dans ce secteur innovant n’ont pas encore acquis les vertus de la collaboration, ce qui nuit grandement à la dynamique de groupe et freine la valorisation économique d’une découverte.
Les contraintes ci-dessus ne devraient pas nous enfermer dans le défaitisme car nous avons plusieurs bonnes cartes à jouer. Il serait dommage de ne pas tenter le coup car les produits issus de la mer offrent des perspectives à haute valeur ajoutée.
Nous devons aussi tirer des leçons de l’expérience des pays qui sont, depuis longtemps, dans ce secteur, afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Aussi périlleuse soit l’entreprise, nous pouvons libérer le potentiel de nos mers afin qu’elles participent de manière plus conséquente à la croissance économique.
Nos jokers
1) Notre plus grand atout tient au fait que nous n’avons pas les mêmes écosystèmes que dans les zones froides et tropicales. Nous jouons donc sur un autre tableau que les États-Unis, la France et le Japon.
N’oublions pas que l’essentiel de la biodiversité marine ne sera mis à jour qu’à la fin du siècle, ce qui implique que tous les espoirs sont permis. Notamment en matière de remèdes pour diverses maladies, et ce à partir de ressources marines.
Nos eaux ne peuvent manquer de receler des secrets, propres à l’océan Indien. De plus, la cité éducative implantée à Maurice s’avère une des plus prometteuses pour ce qui est des perspectives de recherche sur place et de capital humain qualifié.
2) Nous avons toutefois la lourde tâche d’identifier, dans un premier temps, les compétences requises et d’encourager l’implication d’éventuels entrepreneurs dans l’orientation du cursus et de la formation afin de mieux répondre aux attentes du marché. Dans un premier temps, nous avons néanmoins la lourde tâche d’identifier les compétences requises.
Les diverses instances de recherche doivent également être bien distinguées. Ce qui relève que la mission de l’université – même si on évoluait vers des Research Chairs dotées par des mécènes ou des entreprises – doit rester distincte et indépendante des unités de Research & Development des grandes entreprises ou des secteurs d’activité. Aux uns la recherche fondamentale, aux autres la recherche appliquée.
3) Si nous voulons réussir là où d’autres ont rencontré des écueils, nous devons développer l’interdisciplinarité, dès le plus jeune âge. Nous devons ainsi prendre l’habitude de réfléchir et de travailler avec des personnes issues de diverses disciplines scientifiques afin d’affiner notre perception des choses.
Au fond, c’est tout notre système d’éducation qui doit être repensé car nous avons trop tendance à nous cantonner dans un savoir local, piégés dans des filières spécifiques et réductrices. C’est en raison d’une sorte de spécialisation précoce, conforme au mode d’évaluation du Examination Board mais certainement pas aux complexités du monde contemporain.
Le résultat final est que bien souvent, dans le monde du travail, nous avons affaire à des employés portant des oeillères et incapables donc de voir un problème sous différents angles. Si nous voulons nous engager dans des secteurs aussi pointus que celui de l’innovation biotechnologique, nous devons avoir affaire, par exemple, à des scientifiques capables de se questionner sur la rentabilité de certains projets, à des juristes familiers au langage scientifique ou encore à des financiers conscients des grands enjeux sociétaux.
Ce n’est certes pas sans raison que les scientifiques en devenir ont, de nos jours, des modules de management dans les cursus scientifiques. Afin d’optimiser nos chances de succès, nous devons avoir à notre disposition un capital humain à l’âme de pionnier, mais aussi capable d’anticiper la valorisation économique de tout projet innovant.
4) Nous ne pouvons nier le problème lié à la difficulté de trouver des investisseurs capables de nous accompagner sur le long terme, surtout dans un contexte économique international placé sous le signe d’une grande incertitude. Cependant, nous avons toutes les raisons d’être optimistes.
Notre bonne performance dans l’indice de facilité à faire des affaires de la Banque mondiale est de bon augure. Le Board of Investment (BoI) a aussi étoffé la base économique du pays en créant des conditions innovantes et favorables à l’investissement.
Ainsi, sans le Sandbox Regulatory Framework, nous aurions été freinés par la contrainte d’avoir le cadre législatif approprié. Sans cette souplesse, nous n’aurions pas pu accueillir des projets liés à la biotechnologie marine.
Nous avons aussi anticipé en instituant tout un dispositif par rapport à la propriété intellectuelle, incontournable dans une économie moderne tournée vers la recherche et l’innovation.
5) La tâche incombe maintenant au BoI de renforcer les liens entre le domaine académique et le secteur industriel afin de créer une véritable synergie, notre avenir étant lié à nos capacités de nous rassembler autour des mêmes objectifs. Nous devons aussi revoir les outils d’accompagnement financiers pour mieux encadrer les entrepreneurs, qu’ils soient petits ou grands.
Même si nous avons besoin de gros capitaux pour de grands projets, les petits entrepreneurs ne courent aucun risque de se laisser absorber, malgré eux, par de grandes entreprises. Il y aura toujours de la place, par exemple, pour le pêcheur artisanal ou pour le petit plaisancier qui s’évertue à faire découvrir la beauté de son pays aux touristes avides d’aller à la rencontre de l’île Maurice profonde.
6) Nous misons gros en pariant sur le secteur de la biotechnologie marine. Nos efforts ne seront couronnés de succès que grâce à une réelle dynamique de coopération. Nous avons besoin des compétences d’experts, d’entrepreneurs, de chercheurs d’ici et d’ailleurs. Le BoI ne peut se passer de l’aide des pouvoirs publics et du secteur privé pour atteindre ses objectifs.
Rôle du citoyen
Par ailleurs, le citoyen mauricien a aussi son rôle à jouer car son regard non professionnel peut contribuer aux avancées en matière de connaissances et d’inventaires. C’est ce qu’on appelle les sciences participatives. Ainsi, en matière de plantes médicinales, certains de nos aînés n’excellent-ils pas en termes de connaissances et de savoir-faire ?
Parmi les personnes vivant proches de la mer, ne trouve-t-on pas une grande connaissance intuitive, ou héritée de génération en génération, des phénomènes marins ? Valeur du jour, nous ne connaissons d’ailleurs qu’une infime partie de la vie marine. Un scientifique a dit récemment qu’à mesure que celle-ci va révéler ses secrets, notre manière de voir le monde va changer. En mieux, nous l’espérons.
Nous ne pouvons passer à côté de ce qui s’apparente à une véritable révolution dans le secteur marin. Il ne faudrait pas oublier que les innovations apportent également des réponses à certains enjeux du développement durable, raison de plus de persévérer dans cette voie.
Cependant, pour le moment, par rapport aux défis qui nous attendent, nous ne pouvons que déplorer le fait que, comme le montrent les statistiques, les élèves du Higher School Certificate délaissent d’année en année la biologie, au point que cette matière est vouée à une mort certaine d’ici quelques années. Effarant quand on pense que la biologie nous parle avant tout de l’histoire naturelle des êtres vivants. Y compris l’homme.
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