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Pourquoi il faut protéger les lanceurs d’alerte

27 octobre 2017, 07:16

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«Le paradoxe aujourd’hui, c’est de constater que les lanceurs d’alerte sont victimes de menaces, de persécutions ; alors que, dans le même temps, ceux qui sont dénoncés sont relativement protégés. Le déséquilibre entre les différentes législations nationales ne fait qu’accentuer ce déplorable constat.»

C’est ce qu’a fait ressortir l’eurodéputé Marc Tarabella au Parlement européen cette semaine. Alors que nos parlementaires mauriciens faisaient leur show risible et contre-productif, lors de la rentrée parlementaire, ce même jour, les députés du Parlement européen se sont massivement prononcés en faveur d’une meilleure protection des lanceurs d’alerte. Maintenant, la Commission européenne se doit de proposer un texte de loi pour les lanceurs d’alerte.

Prenons deux cas récents pour cadrer l’importance d’une telle législation chez nous.

Primo, la jeune femme qui a forcé le PPS Kalyan Tarolah à démissionner. Certes, elle y était au départ pour des gains personnels, mais elle a dû, après ses dénonciations, faire face à une campagne de dénigrement de sa personne. Des photos d’elle dénudées se sont retrouvées sur le web parce qu’elle a osé s’en prendre à un membre du pouvoir.

Secundo, l’incroyable cas de Husein Abdool Rahim (HAR), qui se balade toujours libre comme l’air, souvent les bras chargés de cadeaux dans les shopping malls. Voilà quelqu’un qui a lancé l’alerte sur le Garde des sceaux mauricien, avec force documents à l’appui. Mais ironie de notre pays : ce sont des journalistes (qui ont recueilli les propos de HAR afin de les publier) qui sont persécutés par la police, choquant par la même occasion la communauté internationale qui a compris que Maurice n’est qu’une démocratie de façade.

Que s’est-il passé au lanceur d’alerte HAR pour qu’il se retourne contre nous, sans toutefois pouvoir pour autant faire disparaître les compromettants documents authentifiés ? Seule une vraie enquête, indépendante de l’Hôtel du gouvernement, pourrait nous dire qui sont les nombreux «comploteurs» qui ont voulu dévir lanket Yerrigadoogate. Dans le prochain Menteur, menteur, annoncé pour le 1er novembre, on vous donnera un aperçu du tissu raccommodé de contrevérités distillées. À ne pas rater, donc !

Le texte du Parlement européen pour protéger les lanceurs d’alerte va froisser certains. Des esprits peureux vont faire accroire que cela risque de faciliter les fausses dénonciations – surtout celles qui ne reposent sur aucun document, ou affidavit – comme précisément l’affaire Sheik Hossen, de sinistre mémoire.

Mais il s’agit de ne pas faire de faux amalgames. Il existe déjà des lois contraignantes sur les délits de presse (diffamation, fausses nouvelles, etc.). Mais dans le cas des lanceurs d’alerte, c’est autre chose. Sans eux, pas de révélations, pas de documents officiels. Souvent, leur vie est en danger, d’où l’importance de les protéger, davantage que les informateurs de tous les jours, qui viennent dénoncer un vol de letchis, par exemple. Sans des conditions extraordinaires, le lanceur d’alerte ne voudrait pas… lancer d’alerte. Ni plus ni moins.

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Les révélations en cascade de scandales politico-financiers, de détournements de fonds, de blanchiment d’argent, d’évasion fiscale – comme Swiss Leaks, Lux Leaks, Panama Papers et Bahamas Leaks, et l’assassinat de notre consoeur maltaise Daphne Caruana Galizia, et chez nous le Yerrigadoogate, – nous intiment à prendre des dispositions qui sortent de l’ordinaire. Quitte à déclencher les foudres de certains esprits réactionnaires.

Contrairement au gouvernement Lepep, qui envoie la police chez des journalistes libres et indépendants à quatre heures du matin, et qui essaie de confisquer nos portables afin de mettre la main sur nos sources d’information, les sociétés démocratiques avancées, comme aux States, en Europe ou en Inde, ont, elles, compris qu’il est essentiel de :

1) Établir une définition large pour protéger les lanceurs d’alerte qui agissent dans le plus grand nombre de domaines possibles : trafic de drogue ou d’influence, fiscalité, lutte contre la corruption, santé publique, environnement ; 2) Reconnaître au lanceur d’alerte un rôle indispensable pour le journalisme d’investigation et une presse indépendante ainsi que la nécessité de garantir la confidentialité des sources ; 3) Sanctionner des représailles potentielles dans l’environnement professionnel et prévoir une aide judiciaire et financière en cas de procès ; 4) Demander la mise en place d’autorités nationales pour recueillir les informations et conseiller les lanceurs d’alerte.

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À l’express, nous sommes conscients des risques encourus pour mettre au jour un système de blanchiment d’argent qui implique Ravi Yerrigadoo, HAR, Sylvio Sundanum et Dick Kwan Tat. Beaucoup ne vont pas nous comprendre car nous avons bousculé les habitudes de ceux qui dorlotent sous les cocotiers. Ainsi, face à notre enquête, nous avons assisté à une risible levée de boucliers de bien-pensants, couplée d’une ridicule tentative de cover-up, maladroitement mise en scène par plusieurs (ils se reconnaîtront aujourd’hui ou demain !), et maintenant nous veillerons à ce que la justice suive son cours. Et nous allons voir si les maisons de Yerrigadoo et de ses acolytes, ainsi que celles de leurs proches, seront perquisitionnées comme les nôtres devant les caméras de la MBC et d’autres relais complices ou complaisants…

La question de la divulgation à la presse est capitale. Ne pas permettre l’alerte aux médias équivaut à entraver la liberté d’informer et le droit du public d’accéder à des informations d’intérêt général. Puissions-nous, chers compatriotes, comprendre cela ?