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Le métro de toutes les passions

6 août 2017, 11:00

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Dans le wagon du passé. 2014, quelque temps avant les élections, Ramgoolam, alors au pouvoir, défend à cor et à cri l'un des projets les plus importants de son gouvernement : le métro léger qui, dit-il, contribuera au développement infrastructurel du pays. Il annonce l'imminence des travaux, précise le nom de la firme indienne choisie, remercie chaudement l'Inde qui finance et qui soutient ce qu'il appelle «un tournant historique pour le pays». À ses côtés, un Bérenger ravi, souriant, applaudit. Les deux leaders sont alors en pleine lune de miel et n'ont d'obsession que de faire de Maurice une deuxième République.

En face du tandem, Pravind Jugnauth, leader du MSM, représentant type de l'opposition, joue pleinement son rôle et est évidemment contre le métro. Tellement contre qu'il n'hésite pas à envoyer une lettre à Narendra Modi pour exprimer sa désapprobation. Ramgoolam compare alors les voix divergentes aux «réactionnaires qui s'étaient manifestés avant la construction de l'autoroute entre Phoenix et Port-Louis». Il faut regarder devant !» clame-t-il. 

Dans le wagon du présent. Juillet 2017. Les pions ont changé sur l'échiquier politique. Les maîtres du pouvoir d'hier sont désormais dans l'opposition. Et les opposants de 2014 sont devenus les princes de l'Hôtel du gouvernement. Un changement de rôle qui entraîne un changement d'opinion. Ainsi, les anti-métro léger se sont métamorphosés en pro-métro et vice versa.

Aujourd'hui, c'est un Pravind Jugnauth agacé qui s'en prend aux «hystériques», à ces challengers du Metro Express, affirmant qu'ils vivent à l'époque préhistorique. Son vice-Premier ministre Ivan Collendavelloo, lui, juge utile d'aller sur le chemin de l'insulte en qualifiant ceux qui se montrent contre le projet de «sans cervelle». Est-il nécessaire de souligner  la posture des membres de l'opposition actuelle ? Ramgoolam, qui a rebaptisé le projet de «métro compresse», le juge catastrophique, alors que Bérenger dénonce «une  catastrophe financière». C'est dire à quel point il est essentiel de faire le discernement entre les positionnements démagogiques des politiques et les véritables interrogations citoyennes.

Car les Mauriciens s'interrogent avec raison. Non pas parce qu'ils sont contre un moyen alternatif de transport. Mais parce qu'une fois de plus, le gouvernement refuse de jouer les règles de la transparence, ne veut pas communiquer les règles de l'accord avec l'Inde, laisse planer le doute, repousse le dialogue et, au final, peine à convaincre la population. Pourtant, cette demande du public est légitime car il s'agit ici d'un projet d'envergure nationale, qui changera le paysage du pays pour les 50, voire les 100 ans, à venir. Et il serait plutôt sain que les citoyens aient des réponses en amont à leurs questions.

Malheureusement, l'absence de débat public autour de ce projet d'intérêt général et qui aurait dû se faire dans un climat serein divise l'opinion, suscite des questions et apporte un lot de craintes compréhensibles. Les exemples ne manquent pas. Entre autres : (i) les travailleurs du transport, qui réclament toujours vainement une rencontre avec le ministre Bodha et qui prévoient une grève de la faim, estimant n'avoir pas assez de garantie pour la sécurité de leur emploi. Et (ii) les habitants de La Butte, qui, forcés de quitter leur maison, en appellent aux autorités car insatisfaits de la somme de compensation proposée tout en restant attachés sentimentalement à leur demeure.

Au-delà de ces interrogations sans réponses, au-delà de toutes les questions pratiques sur le fonctionnement de ce nouveau réseau de transport, c'est la crise de confiance envers un gouvernement qui provoque aujourd'hui ces réactions enflammées sur le Metro Express, devenu entre-temps un tramway. L'incroyable gestion du démantèlement de la BAI, la condamnation de l'État dans l'affaire Betamax et le dernier exemple scandaleux en date : la hausse du prix de l'essence due, semble-t-il, à un mauvais calcul, ne peuvent que jeter des doutes sur la façon dont ceux qui sont au pouvoir mènent les affaires. Et avec le métro, ce sont désormais des milliards de notre budget qui sont en jeu.

Et parce qu'il s'agit de l'argent public, il est légitime de réclamer des comptes, pour que le Metro Express ne devienne pas le prochain scandale du pays. Pour que nous montions en toute quiétude dans le wagon censé nous mener à un meilleur avenir...