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La démocratie citoyenne participative

1 août 2017, 17:46

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La démocratie citoyenne participative est une réponse à la crise de la démocratie représentative que connaissent de nombreuses sociétés. C’est notre cas. Il y a une crise de confiance dans les partis politiques traditionnels avec pour conséquence le divorce grandissant entre les élites politiques et les citoyens. La défiance des citoyens, trop souvent critiquée, est en réalité une quête pour davantage de démocratie. Il s’agit de créer le cadre pour une mobilisation concertée, coordonnée, bien articulée afin d’enrichir le processus de construction d’une nouvelle société. Il existe à Maurice un potentiel pour une telle société civile, avec l’intérêt public à l’agenda. Analysons cette société civile de manière clinique pour bien comprendre les enjeux et identifier les pistes de sortie. Un état des lieux s’impose pour dégager les orientations et un plan d’action.

État des lieux

Où en sommes-nous avec la société civile à Maurice ? Le concept fait débat. La société civile regroupe notamment les organisations syndicales et patronales (les «partenaires sociaux»), les organisations non gouvernementales (ONG), les associations professionnelles, les organisations caritatives, les organisations qui impliquent les citoyens dans la vie locale et municipale, avec une contribution spécifique des communautés religieuses. Dans chaque société, l’histoire lui imprime ses propres spécificités. L’histoire riche et passionnante de la société civile mauricienne, qui reste à être écrite, sera pleine d’enseignements pour comprendre son état actuel : la diversité des causes et d’initiatives et de groupes concernés, ses forces et ses faiblesses. Sa sociologie est nécessaire pour bien ancrer sa place et baliser son rôle en tenant compte de ses dynamiques, transformations, contradictions, blocages et espoirs actuels et à venir.

Ici à Maurice, on s’interroge sur l’existence même d’une société civile. Bien sûr qu’elle existe. Elle a une longue et riche histoire, et est plus ou moins présente et active sur de nombreux fronts ces temps-ci ! Les avis sont partagés sur sa vitalité, voire sa santé. Délaissons le point de vue impressionniste des uns et des autres pour procéder dans les meilleurs délais à un état des lieux historiques, sociologiques et politiques.

Rapide survol

Faisons un survol rapide de l’évolution de la société civile mauricienne qui trouve ses origines à la naissance même de notre société mauricienne, et a évolué depuis le temps de l’esclavage suivi de l’immigration indienne. Une importante phase historique est constituée des premières associations ouvrières des années 1930, avec la création de la Société de bienfaisance des travailleurs de Maurice, lancée en même temps que le Parti travailliste en 1936. Si la contradiction capital/travail s’intensifie à cette époque, avec comme revendication la défense des droits des travailleurs, il y a aussi tout le front culturel qui conteste un système fondé sur une domination culturelle. Ici, de larges pans d’histoire sont à écrire sur les initiatives, actions et organisations de lutte contre l’hégémonie culturelle, où la religion a été investie comme lieu-refuge. La lutte pour la défense des langues orientales s’inscrit dans ces mêmes dynamiques. Dans l’article «Le vivre et construire ensemble» seront analysés les rapports complexes entre la religion et la société ainsi que toute la problématique de l’instrumentalisation politique de la religion et des associations socioculturelles et socioreligieuses.

Autour et avec l’indépendance, le système socio-économique et politique connaît des transformations avec l’émergence des contradictions non-classistes (pas de classe) sur fond du concept «la lutte des classes doit remplacer la lutte des races» et la mouvance anticoloniale avec la reconnaissance des symboles de la culture opprimée que sont la langue créole et le séga. Les consommateurs (ACIM), les féministes (MLF et Ligue féministe) se constituent comme acteurs dans le développement. L’écologie, dont parlait René Dumont en 1974, a pris du temps pour toucher les consciences car les conditions objectives ne s’y prêtaient pas. Aujourd’hui, elle est centrale, voire vitale. Avec l’industrialisation en plusieurs phases du pays et les problèmes générés, il y a eu une diversification des organisations/ associations travaillant sur tout un ensemble de nouvelles problématiques/thématiques.

Une juste appréciation

Quel est l’état de la société civile à Maurice aujourd’hui ? On met souvent en avant son manque de dynamisme ; il est même question de «coma» et de la nécessité d’un «revamping». Elle aurait été plus active dans le passé, après l’indépendance, mais depuis 1983, le réservoir de volontaires se serait sérieusement asséché avec les élites qui se seraient réfugiées dans le confort de la bulle virtuelle et auraient succombé aux sirènes du néolibéralisme.

Il ne faut pas réduire cependant la société civile aux ONG, même si celles-ci constituent une composante essentielle. L’institution officielle regroupant les ONG chez nous, la MACOSS, souffre d’un sérieux problème de crédibilité, avec une bureaucratie davantage préoccupée par ses privilèges et inféodée au gouvernement. De manière plus générale, la société civile – donc les ONG – est un reflet des contradictions actuelles de la société mauricienne avec ses travers et dérives. Le monde des ONG nécessite une mise à plat pour bien cerner ses contradictions, dysfonctionnement, faiblesses et potentiels. Oui, il faut en finir avec le «one-man-show» ou autre «business lamizer» ou encore les pigeons voyageurs spécialistes de conférences et séminaires internationaux.

Mais c’est faire preuve d’une profonde méconnaissance que de ramener le monde des ONG à cette seule réalité. Oui, il faut l’affirmer haut et fort : «Ki nou ti pou fer san zot ?» «Zot» étant une multitude d’ONG qui font un travail remarquable dans des conditions souvent très difficiles. Et c’est sur celles-là qu’il faut miser pour avancer sur les fronts de la lutte contre la pauvreté et de la drogue, de l’environnement, des femmes, de l’enfance, de la maltraitance, de la qualité des services publics – eau, transport, santé – de la vie de quartier, de la promotion de la culture et de l’art, des loisirs et bien d’autres.

Les vertus et les principes

Un rappel succinct de la réalité et des principes de base de la société civile est important dans toute réflexion qui se veut sérieuse et positive. Opposée au domaine de l’étatique ou du politique, le terme recouvre un entre-les-deux où s’exprimerait toute la vitalité de la vie sociale. La société civile serait un monde de la solidarité où se manifesteraient les demandes et évolutions d’une société tout en concrétisant une forme d’action pragmatique, efficace, plus morale que le marché, plus représentative des intérêts et idéaux des gouvernants. Bref, on prête toutes les vertus à la société civile : c’est un contre-pouvoir qui contrôle les excès de l’État, elle surveille et dénonce les dérives autoritaires, les scandales, les risques écologiques ou autres. Ce sont là les points forts que l’on peut lire dans des études consacrées à la question.

Le statut et la vocation des ONG sont résumés, pour l’essentiel, ainsi : «Une ONG n’est pas une entreprise – elle est financièrement et politiquement indépendante. Ces institutions sont productrices d’influence : elles cherchent la réalisation concrète d’une valeur qu’elles défendent. Les ONG ne demandent pas à exercer un pouvoir direct de commandement, ni un pouvoir économique : elles ne peuvent obtenir de résultats concrets qu’en agissant sur la volonté d’autrui : le public en général. Il leur appartient de convaincre, de militer, de soutenir une revendication, de s’indigner de telle ou telle action d’un gouvernement, d’une organisation, d’une entreprise. Les ONG ne sont plus que de simples contrepouvoirs protestataires. Elles produisent des concepts qui s’imposent à la classe politique et au monde économique pour soutenir des revendications axées sur des principes dont on réclame l’application. La production des critères du vrai, du juste ou, inversement ceux du danger et du condamnable est cruciale. Elle fait partie, allons dire, du cahier des charges à respecter.»

Enjeux, défis et responsabilités

La société civile, contrepoids critique constructive, vise à influencer le processus politique dans l’intérêt public. On retrouve à Maurice les besoins identifiés ailleurs pour qu’elle puisse jouer pleinement son rôle : les compétences, les structures solides et la mise en réseau optimale. On n’insistera jamais assez sur la nécessité d’optimiser les réseaux de qualité consacrés tant à des thèmes précis qu’à des questions trans-thématiques, avec une bonne articulation des niveaux – macro, méso, micro. Il faut se prévenir de l’angélisme en s’appuyant sur les enseignements provenant des expériences d’ailleurs. Il faut réfléchir sur la représentative des élites de la société civile et leurs rapports avec la population. Une bonne gouvernance commence chez soi avec les principes de démocratie et de transparence.

La société civile et les ONG ne peuvent échapper à la question de la responsabilité de proposer des voies alternatives qui rendent possible un développement viable et porteur d’avenir. Le chemin de demain sera long, pas simple ; autant bien s’équiper pour être percutant et performant afin de pouvoir jouer sa partition dans le cadre d’une démocratie à approfondir* ! Par ces temps troubles et perturbants, les populismes fleurissent à travers le monde. Maurice n’est pas à l’abri avec sa déclinaison ethno- populiste. À la société civile d’être un chien de garde du principe sacro-saint de l’égalité citoyenne.

(*Ceci fera l’objet d’une problématique à part entière.)


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