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La caste des privilégiés

30 juillet 2017, 09:10

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La caste des privilégiés

Que retient-on au-delà du ridicule ? Que la politique pèse de tout son poids sur nos institutions. Donc, le commissaire de police a finalement parlé de l’affaire Soodhun.  Notons qu’il aura attendu que le Premier ministre fasse une déclaration publique, que celui-ci évoque une enquête, avant de lui faire écho. Ainsi, Mario Nobin nous assure que ses hommes travaillent en toute transparence, que son équipe se penche sur ce dossier sept jours sur sept (quel dévouement !) pour trouver des éléments. En faisant quoi concrètement ? En interrogeant les organisateurs de cette fête où des propos condamnables ont été tenus.

Question de la police : êtes-vous sûrs que c’est le ministre Soodhun et non son sosie qui a pris la parole lors d’un rassemblement ? On ne peut en vouloir aux hommes de Nobin de bien faire leur travail, voyons ! Deuxième étape : en questionnant des parlementaires qui étaient présents dans la salle. Dites, est-ce que c’était bien le ministre qui était là devant vous et qui a parlé de «’’touy’’ le leader de l’opposition et de jihad» ? On peut déjà imaginer la réponse de quelques membres du gouvernement expliquant que «nou ti la me pa ti pe swiv. Pa kone». Un peu à l’exemple des trois policiers qui étaient sur place mais qui n’ont rien vu, rien entendu car, disent-ils, «nou pann al laba pou ekout diskour minis, me pou asir sekirite». En clair, quand on est policier et qu’on est dans un endroit public où des ministres prennent la parole, on devient subitement sourd, aveugle et muet. Ubuesque !

Le pire est que la police est en train d’enquêter sur des propos filmés, que l’auteur lui-même n’a pas niés. Bien au contraire. En déclarant vendredi dernier que «parfwa mo pa kav kontrol koze. Labous parfwa pa kav kontrole. Mo labous kav fer dibien me samem kav fer gagn lamerdman», en affirmant à l’adresse du leader de l’opposition Xavier-Luc Duval – à qui les menaces étaient destinées – que celui-ci n’a pas besoin d’avoir peur, Soodhun concède ses dires.

Mais, malgré cette confession et une vidéo incontestable, il faut donc à la force policière un travail de longue haleine, soit sept jours sur sept, pour réunir des éléments avant d’interroger Soodhun. Qui a entre-temps, tranquillement quitté le pays comme si de rien n’était, comme s’il était normal de dire pareille chose, de le reconnaître et de disparaître ensuite. Imaginons juste que c’était quelqu’un d’autre, ou qu’un membre de l’opposition avait utilisé pareil langage. Ou imaginons l’inverse, que les menaces étaient à l’égard de Soodhun.

Quand on pense que Nobin a l’outrecuidance de nous faire croire à l’indépendance de la force policière et à l’absence d’une justice à deux vitesses ! Heureusement que les Mauriciens ne sont pas frappés d’amnésie et que les arrestations intempestives de citoyens – qui n’avaient menacé personne de mort – sont toujours en mémoire. Sans compter les tracasseries du Directeur des Poursuites publiques, Satyajit Boolell, sur qui planait une incompréhensible arrestation après une déposition de Bhadain et de… Soodhun. Faut-il rappeler que, dans cette affaire-là, la police n’avait pas attendu plus de 24 heures après la déposition des ministres pour débarquer chez le DPP aux petites heures, un matin, avec l’intention de l’arrêter ? Cette fois, malgré les propos condamnables de Soodhun, Nobin affirme que «la police ne peut pas arrêter des gens à tort et à travers» car «il faut réunir des preuves avant d’agir».

Au final, toute cette affaire Soodhun est juste un nouvel exemple de la politisation de la police et de l’inquiétante inégalité entre ceux au-dessus des lois et les autres. Ce nouvel épisode nous confirme ce qu’on sait déjà. Les Mauriciens sont divisés en deux catégories : les politiques qui représentent la caste des privilégiés et les citoyens ordinaires. Cette choquante histoire illustre aussi l’absence d’éthique de ces hommes-clés supposés être au service des institutions mais qui courbent l’échine devant les politiques, en menant le rôle qui leur est dédié. Soit en étant un maillon du système…