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Le fusible Bhadain

17 mai 2017, 07:49

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En ciblant Roshi Bhadain comme seul responsable, donc bouc émissaire, du crash de la British American Insurance (BAI), Pravind Jugnauth a franchi un pas qui risque de nuire à sa crédibilité en tant que nouveau Premier ministre du pays.

Rien ne pourrait dédouaner, a posteriori, l’ex-ministre des Services financiers de son rôle dans le démantèlement du géant financier de Dawood Rawat. Il y a participé, au même titre que son collègue, le ministre des Finances d’alors, Vishnu Lutchmeenraidoo, que Ramesh Basant Roi, le gouverneur de la Banque de Maurice, ou que le Premier ministre de l’époque, sir Anerood Jugnauth.

De la même manière, personne ne doute que la BAI, ce colosse aux pieds d’argile, était devenu une menace à la stabilité financière du pays avec des «related-party transactions» qui se conjuguaient en milliards de roupies et des filiales lourdement endettées. On ne peut non plus nier l’existence d’un vaste Ponzi Scheme qui a leurré plus de 20 000 épargnants de tous bords, même les plus avertis. Même ceux-là ne se sont pas rendu compte qu’un produit financier ne peut générer un taux d’intérêt trois fois supérieur à la moyenne proposée par les

institutions commerciales conventionnelles ! Mais de là à dire publiquement que Roshi Bhadain aurait induit en erreur le Conseil des ministres, semaine après semaine, sur le cas BAI, c’est aller un peu vite en besogne et prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. L’ex-ministre ne peut incarner tous les péchés d’Israël. Le Conseil des ministres fonctionne sur le principe de la décision collective, ce qui fait que tous les ministres qui y participent sont partie prenante des décisions prises, quelles qu’elles soient. L’affaire BAI ne peut être une exception qui confirme la règle.

Les spécialistes diront qu’au moment où la Banque de Maurice a décidé de révoquer la licence de la Bramer Banking Corporation, le 17 avril 2015, elle signait automatiquement l’arrêt de mort du groupe BAI. Sachant les conséquences possibles d’une telle décision, la Banque de Maurice ne pouvait ne pas avoir mesuré le poids de la responsabilité qui lui incombait.

Deux ans plus tard, le pays se trouve malheureusement toujours empêtré dans la crise BAI, avec des conséquences sociales et humaines encore irrésolues. Si bien que certains ont estimé que la seule réponse à cette crise, le seul moyen d’obtenir l’écoute du gouvernement, était la grève de la faim.

Si la réponse du gouvernement est décevante, c’est que la responsabilité de la situation est également partagée par ceux qui en sont aujourd’hui les victimes. Les plus cyniques diront que le gouvernement n’a jamais encouragé les Mauriciens à investir dans le Super Cash Back Gold (SCBG) et qu’il ne peut en être tenu responsable aujourd’hui.

Si le gouvernement actuel n’est pas à l’origine du problème, il est cependant difficile de nier sa responsabilité dans son dénouement. Peut-on dire que les principaux protagonistes n’avaient pas les éléments pour juger de l’impact d’une décision de démanteler le groupe BAI ? On se rappellera que les proches de la famille Jugnauth avaient sorti, sans gêne aucune, leurs dépôts de cette banque sur la base d’informations privilégiées. Si ce n’est pas une démarche éthiquement révoltante, elle y ressemble beaucoup…

Quels étaient les facteurs les plus importants au moment de cette prise de décision ? Couper l’herbe sous les pieds d’un adversaire ou protéger l’épargne de tous les Mauriciens qui, à tort ou à raison, avaient choisi de faire confiance aux compagnies du groupe BAI ? Seuls les acteurs de cette décision peuvent y répondre. En revanche, quels qu’aient été ces facteurs, ils demeurent tous également responsables d’en gérer les conséquences.

Si bien que, si Pravind Jugnauth entend asseoir sa crédibilité, il serait plus avisé d’adopter une démarche par laquelle il assume pleinement sa responsabilité et celle de son équipe, plutôt que de chercher un bouc-émissaire pour se dédouaner.