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DP World : pourquoi ça ne colle pas ?

17 janvier 2017, 07:48

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Cela fait presque deux ans maintenant que le développement portuaire a été présenté comme un projet mirifique qui, à terme, s’étalerait de Grande-Rivière-Nord-Ouest à Baie-du-Tombeau, et ouvrirait du potentiel pour du bunkering, le transbordement, un port d’éclatement pour l’Afrique, des possibilités nouvelles pour la manufacture, le «seafood», des bateaux de croisières et une «full-fledged marina». L’ambition était de transformer Port-Louis d’un «destination port» en un «regional hub», selon les termes choisis par le ministre des Finances d’alors, Vishnu Lutchmeenaraidoo, dans son discours du Budget de mars 2015.

La Mauritius Ports Authority devait, à cet effet, soumettre un nouveau Master Plan, ce qui a été fait. Depuis, on y a rajouté l’idée de la raffinerie flottante de Near Shore Resources de Roland Maurel. Mais un partenariat stratégique était surtout recherché parce que les investissements nécessaires coûtent très cher (cinq nouveaux portiques Super post-Panamax coûteront Rs 2 milliards, par exemple, et un quai en eau profonde beaucoup plus) et qu’un partenaire, outre son expertise et son savoir-faire, notamment sur le plan de la productivité portuaire (voir tableau), peut aussi apporter son carnet d’adresses… Depuis, on a surtout causé. Beaucoup avec DP World, bien moins avec la Maritime and Port Authority of Singapore et, semble-t-il, aussi un peu avec le gouvernement indien.

Avec DP World, au bout de 21 mois, cela paraît être aujourd’hui l’impasse. Les discussions, d’abord menées par le ministre Xavier-Luc Duval et, ensuite, après sa démission, par Showkutally Soodhun, arrivent à cette conclusion, sur la base d’un rapport de BDO de janvier 2017. Celui-ci conclut, surtout, que ce n’est pas acceptable pour la Cargo Handling Corporation (CHC) de perdre le contrôle de ses opérations au profit d’un partenaire minoritaire dont les plans ne sont toujours pas clairs ! De plus, BDO souligne les risques évidents de tout miser sur un seul opérateur et d’un déséquilibre fondamental entre les risques encourus et les bénéfices qui pourraient en découler, d’autant que DP World n’est toujours pas tombé d’accord sur les indicateurs clés de sa performance éventuelle (KPIs) !

S’il est clair que tout investisseur ne risquera son argent et sa réputation que s’il peut contrôler au mieux son investissement (d’où la tentative de DP World d’insister pour nommer le CEO, le COO, le CFO et le Chairman, ainsi que de son désir de dominer le Comité opérationnel), il est, par contre, surprenant que DPWorld n’ait même pas finalisé sa proposition financière. DPWorld n’ayant toujours pas même confirmé son investissement de 25 M$ pour améliorer les équipements et les systèmes informatiques, par exemple.

Quant au développement de la Special Economic Zone (SEZ) de 325 arpents à Jinfei, où DPW exigeait une exclusivité pour les opérations logistiques et un bail de 99 ans, BDO souligne que l’absence totale de détails sur le plan des activités envisagées et un investissement faible de 23 M $ sur deux ans constituaitent, selon eux, un «deal breaker».

BDO indique aussi qu’il y aura des coûts collatéraux à signer avec DP World en l’état actuel des choses, notamment au vu des conséquences sur un don offert par le gouvernement de l’Inde, des incidences potentielles sur les plans d’expansion de Mediterranean Shipping et de l’intérêt déclaré par divers autres acteurs locaux ou étrangers pour la SEZ.

On peut présumer que la politisation des affaires portuaires depuis des années, doublée d’une attitude syndicale protectionniste et souvent réfractaire, devront, de toute façon, trouver solution avant toute conclusion de partenariat stratégique ambitionnant un développement portuaire accéléré générant plus de productivité et, partant, de chiffre d’affaires et d’emplois additionnels. Cette réalité est incontournable et les mêmes problèmes ayant retenu l’attention de DP World causeront les mêmes réflexes chez tout nouveau candidat invité à un partage de responsabilités dans le port… Tout partenariat demandera donc, évidemment, des concessions de part et d’autre.

Mais ce qui est certain, c’est que la fin de l’option DP World condamne le pays à attendre encore… la CHC, la Mauritius Ports Authority et le gouvernement n’ayant, pour le moment, pas les moyens de leurs ambitions pour le pays, à moins, bien sûr, de réduire celles-ci matériellement.