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D’où vient ce contentieux sur l’île de Tromelin ?

16 janvier 2017, 12:36

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De 1814 ! Une histoire de mots. Cela se déroule lorsque l’île de France passe sous la domination britannique par le Traité de Paris du 30 mai 1814, qui règle le sort de La France après l’épopée napoléonienne. Le Traité qui valide cette passation prévoit, dans le texte français, que l’île de France et ses dépendances, «nommément» Rodrigues et les Seychelles, passent sous la domination britannique. Nommément est une désignation. Dans la traduction anglaise du Traité, nommément est traduit par «especially». Le mot ici ne comporte pas d’implication exclusive. Le problème vient de ce que le Traité ne dit pas laquelle des deux langues fait loi. Maurice va s’appuyer sur le texte anglais pour affirmer que l’île Tromelin, jusque-là administrée par Port-Louis, n’est pas exclue de la liste de ses dépendances, même si le Traité mentionne «spécialement» Rodrigues et les Seychelles. Maurice souligne qu’Agaléga et St Brandon, par exemple, sont toujours des dépendances de Maurice même si ces îles ne sont pas nommées dans le Traité. Voilà pourquoi ce sont d’abord des juristes des deux pays qui se sont penchés sur la question depuis la formulation de la revendication mauricienne en 1976.

Quelle est la position française ?
Les autorités françaises s’appuient sur deux pieds. Le premier est l’histoire. Il n’est pas contesté que ce sont des navigateurs français qui ont découvert l’île en août 1722. Ce minuscule îlot d’un kilomètre carré devait être oublié jusqu’en 1739, lorsqu’il apparaît sur une carte de l’océan Indien. Ensuite, lorsque la frégate l’Utile, qui tente de ramener à l’île de France des esclaves embarqués en fraude à Madagascar, échoue sur les récifs de Tromelin en raison des cartes approximatives. Grosse tragédie. 21 des 143 hommes d’équipage périssent noyés et 72 des 160 esclaves malgaches disparaissent. Cet épisode porte le nom des «Naufragés de Tromelin». Persuadés que personne ne les trouvera sur cet îlot perdu, un officier réussira à construire un chaland. Les rescapés blancs s’embarquèrent sur ce rafiot de fortune, abandonnant les esclaves à qui ils promirent de revenir les chercher. C’est 15 ans plus tard, en 1776, que le chevalier Jacques Marie de Boudin de Tromelin débarque sur l’île. Sur les 88 esclaves, huit avaient survécu. Les survivants seront débarqués à l’île de France.

La France va faire valoir également qu’elle occupe effectivement l’île. En 1953, répondant à une demande de l’Organisation météorologique mondiale, elle installe une station permanente sur l’île. Des équipes y sont déployées dans des conditions extrêmement difficiles, même si, à plusieurs reprises, Maurice exprime sa désapprobation. Maurice, de son côté, rappelle que les autorités britanniques de la colonie ont octroyé des concessions dans l’île pour l’exploitation du guano entre 1901 et 1951.

Comment démarrent les discussions sur une éventuelle cogestion ?
C’est une double circonstance : l’arrivée d’un gouvernement socialiste en France et celle du MMM à Maurice. Dès juillet 1982, lors de la visite à Maurice de Guy Penne, conseiller du président Mitterrand pour les affaires africaines, la question est soulevée. Je déclare publiquement que Guy Penne a confirmé que le gouvernement français était maintenant prêt à entamer des négociations officielles sur la question, le but étant de trouver une solution susceptible de satisfaire les deux parties. C’est ce que le président Mitterrand confirmera au Premier ministre Jugnauth lors de sa première visite à Paris. Par la suite, il sera décidé de nommer une commission paritaire de juristes. Cette commission s’est réunie à de nombreuses reprises. C’est d’elle qu’émergera l’idée d’une cogestion.

Où en est-on aujourd’hui ?
C’est en 2009 qu’un projet d’accord est signé sur le principe d’une gestion commune de Tromelin. Cet accord est entériné en juin 2010. Mais il est sujet à ratification par le Parlement français. Depuis s’est organisée, dans divers milieux politiques et économiques en France, une farouche opposition à l’accord présenté comme une «braderie» de la souveraineté française. À vrai dire, l’accord ne touche pas à la question de souveraineté, son domaine d’intérêt est l’environnement, la pêche, la météorologie, l’archéologie. Dans le climat politique actuel en France, on peut craindre un recul du gouvernement français.