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Thriller juridique

14 décembre 2016, 07:43

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Attendez, vous verrez bien ! Ou «li pou été séki li pou été». Le Premier ministre est féru de suspense. Même s’il n’a rien révélé sur la tant crainte Prosecution Commission, sir Anerood a quand même confirmé le projet d’amendement de la Constitution afin de coiffer le DPP d’une structure nouvelle. Il faudrait donc attendre la rentrée parlementaire (en mars 2017) pour que les détails du plan soient connus et débattus. Même si elle n’arrive pas à convaincre les députés MMM et ceux du PTr, l’équipe gouvernementale dispose d’une majorité suffisante pour amender la Constitution. Et on l’a vu : les amendements constitutionnels sont devenus la norme avec l’alliance Lepep. Un projet de loi est contraire à la Constitution, pas de problème : on retouche la Constitution !

Toutefois, avec la mystérieuse Prosecution Commission, il nous faut être encore doublement vigilants. Ce n’est plus un secret que ce gouvernement voit le DPP, ou plutôt Satyajit Boolell, comme un «monstre constitutionnel» (dixit Roshi Bhadain, dans les locaux de La Sentinelle, alors qu’il ne s’était pas encore désolidarisé du Conseil des ministres). Il y a aussi l’avocat-parlementaire de Rakesh Gooljaury, Me Sanjeev Teeluckdharry, qui a vertement critiqué le DPP car celuici avait osé poursuivre le sieur Gooljaury, devenu, depuis décembre 2014, le blueeyed boy de Lepep. Du jamais vu dans les instances judiciaires !

Un avocat du DPP n’aura pas grande peine à prouver le mens rea du pouvoir à l’encontre du DPP – qui commence sérieusement à ressembler à de l’acharnement purement politicien. Le Conseil des ministres de Lepep, dès son arrivée au pouvoir, avait décidé de placer le bureau du DPP (dont l’indépendance est garantie par la Constitution) sous le contrôle administratif de l’Attorney General, pourtant un politicien non élu.

Puis survient la saga Sun Tan. Des dépositions ont été consignées à l’ICAC contre le DPP. Ce qui devait donner lieu à un épisode rocambolesque, où la police, sous les ordres de deux ministres, a tenté d’arrêter le DPP – qui a réussi, à la dernière minute, et grâce à ses connexions, à avoir une protection d’une juge de la Cour suprême.

Dans les rangs du pouvoir, on ne pouvait pas digérer cet échec. Et la Prosecution Commission, qui est brandie ces jours-ci et qui n’a pas son pareil dans d’autres démocraties, alors que les charges contre Navin Ramgoolam tombent une par une, semble être la riposte de Lepep. «The decision of the DPP to prosecute and obtain a conviction against the Prime Minister in waiting remains fresh in their minds. They cannot let it go. To make matters worse, the DPP has decided to appeal to the Privy Council against the decision of the Supreme Court to acquit the Prime Minister in waiting. That Prosecution Commission they want to create will obviously review this decision of the DPP», analyse dans la page Tribune, un fin légiste qui préfère le nom de plume de John Grisham (auteur américain qui excelle dans les thrillers juridiques).

Quand on aligne les différents moves du gouvernement, on ne peut que déduire que celui-ci veut, ni plus ni moins, la peau du présent DPP. S’ils parviennent à leurs fins, la séparation des pouvoirs en prendra un sacré coup. Et ce sera aussi un sacré recul pour notre démocratie et son fonctionnement. Cela dit, il importe aussi de savoir pourquoi toutes les charges contre Ramgoolam tombent. Est-ce que notre police est si inapte que cela ? Si oui, que fait-on pour changer la donne ?

Le DPP qui a lui-même pris l’initiative d’expliquer, dans le passé, pourquoi il a pris certaines décisions (alors qu’il n’en avait pas l’obligation), n’aurait-il pas été mieux avisé d’expliquer ouvertement pourquoi les charges pesant sur Navin Ramgoolam ne feront pas l’objet de poursuites formelles au judiciaire ? Avec ce qui se trame sous le couvert de la Prosecution Commission, l’opinion publique a besoin d’être éclairée et il n’est pas trop tard pour le faire !