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La brigade des antinantis

20 novembre 2016, 08:45

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La brigade des antinantis

J’avoue être passablement perturbé par l’argumentaire qui situe le vote en faveur du Brexit ou de Trump comme un vote contre les élites, les experts, les intellectuels, les journalistes, l’establishment ! Tous ensemble !

Une chose est claire : l’establishment (c’est flou et suffisamment vaste pour être… bien commode) est loin d’être parfait ! Des républicains aux USA jusqu’au parti communiste chinois, des 1 % qui contrôlent 50 % des actifs de la planète aux «experts» qui nous construisent des routes qui s’écroulent, des gnomes financiers de Londres aux «stars» du foot, du cinéma ou de la chanson payés de manière indécente, des politiciens qui promettent des «miracles» à ceux qui gèrent des coffres-forts ruisselants de billets (et des RR) ; les élites de l’humanité, en n’oubliant pas les kleptocrates du tiersmonde, prêtent très souvent le flanc et provoquent ainsi le ressentiment de ceux qui n’y sont pas avec eux.

Ironie suprême : ceux qui sonnent la révolte contre les élites et l’establishment en font souvent eux-mêmes partie ! D’Alexander Boris, de Pfeffel Johnson à la famille Lepen, de Viktor Orban… À Donal J. Trump, qui ne paie pas des taxes comme vous et moi, on ne peut pas les décrire, à l’instar de Churchill, comme des «modest (wo)men with much to be modest about»!

Que notre Sir Anerood semble avoir plusieurs salaires et pensions et ne «pas être au courant» de ce qui se passe. Qu’amitabh bachchan touche Rs 720 millions en une année de travail. Que jackie chan encaisse Rs 2.2 milliards en 365 jours. Que Navin ait une «black card» et Rs 220 millions de per diem «économisées», ou qu’adèle aligne 2.9 milliards annuellement, là n’est pas exactement le problème.

Mais, commençons par le commencement. Un rapport du Crédit Suisse ainsi qu’une liste affichée par Forbes, permettaient à Oxfam et au Guardian d’affirmer, l’an dernier, que les 62 individus les plus riches du monde possédaient AUTANT que les 50 % des plus pauvres de l’humanité, soit environ 1.76 trillion de dollars. Encore plus impressionnant: alors que la part de ces «superriches» doublait entre 2009 et 2015, la part des 50 % les plus pauvres chutait de 2.6 trillions à 1.8 trillion de dollars. Ne me demandez pas comment ces chiffres sont établis, s’ils sont fiables, etc. …mais ils sont les faits établis par différents «experts», a priori sans agenda. Et, comme toujours, l’on peut supposer que les «experts»sont O.K quand ils renforcent vos a priori, non ? Mais est-ce bien possible à réconcilier avec ce que nous avancions il y a trois dimanches, à l’effet que la globalisation avait «libéré» 1 milliard d’humains de la pauvreté absolue (revenus à $1.25 par jour) ? Bien sûr ! Cette tranche représentant 14 % de l’humanité va mieux dans son revenu quotidien, mais probablement pas dans son stock d’actifs ! Les autres 36 % parmi les plus pauvres ont peut-être aussi vu leur stock de capital fondre… théories, théories…

Quoi qu’il en soit, cette accumulation de capital chez les super-riches ne mène pas toujours à des comportements obscènes de suffisance et de clinquant inutile. Pensez à ce que fait l’homme le plus riche de tous, Bill Gates, mais aussi Warren Buffet ou Mark Zuckerberg, qui ont signé, avec d’autres, le «Pledge to Give», qui les engage à donner au moins 50 % de leur fortune personnelle – même que cette initiative a priori louable a, elle-même, généré des critiques virulentes sur la destination desdits fonds ! Ce qui est clair, c’est que si le succès et la fortune ont pendant longtemps été respectés et souvent même été les moteurs de l’avancement personnel des autres, ils sont plus récemment devenus l’objet de jalousies et de critiques qui alimentent des mouvements de rejet et de dysfonctionnements puissants – avant même que les robots ne s’en mêlent trop !

Ce qui est nouveau, c’est une théorie de The Economist. Notamment, celle de la perpétuation accélérée des élites AUX DÉPENS de l’égalité des chances… ce qui aide à détruire la méritocratie de bien trop de citoyens qui ont l’espoir que leurs efforts peuvent être récompensés. Outre Piketty, lui-même challengé par d’autres (lire Carlos Goes, Wall Street Journal, 05/08/2016), les réflexions de Bill Gates sur Piketty sont intéressantes aussi , à cet effet. Pendant de longues périodes de l’après-guerre, le capitalisme libéral parvenait à mieux partager les bénéfices de la technologie et du progrès scientifique. Les indicateurs sont que ce mouvement s’est ralenti, voire inversé, comme illustré par les coefficients de Gini, ou les six graphiques clés de Piketty par exemple.

Que Pogba puisse gagner chez Man U, Rs 13 millions… par semaine. Que Tim Cook, P.-D.G d’Apple puisse ramener chez lui Rs 1.1 milliard par mois. Que notre sir Anerood semble avoir plusieurs salaires et pensions et ne «pas être au courant» de ce qui se passe. Qu’Amitabh Bachchan touche Rs 720 millions en une année de travail. Que Jackie Chan encaisse Rs 2.2 milliards en 365 jours. Que Navin ait une «black card» et Rs 220 millions de per diem «économisées», ou qu’Adèle aligne 2.9 milliards annuellement, là n’est pas exactement le problème.

Ce qui est un problème, c’est qu’en parallèle, quelqu’un qui veut travailler ne trouve pas de travail et n’a donc d’autre choix que de rester dans son désespoir. Ce qui ne colle pas, c’est qu’un adolescent brillant, terminant son HSC, ne peut pas aller à l’université parce que ses parents n’ont pas les moyens ou que les bourses sont «kidnappées» par d’autres pour des critères douteux et qu’il ne peut donc pas progresser. Ce qui est un problème, c’est que les tontons, les tantines, les filles et les fils, les amies et les copains, les «nou dimounn» de l’élite installée, parfois enracinée, peuvent prétendre aux postes les meilleurs aux dépens des plus méritants. Ce qui cloche, c’est que la société est supposée ouvrir des voies d’accès aux méritants et que, trop souvent, les élites se protègent entre elles et protègent les leurs aux dépens des autres. Ce qui révolte, c’est qu’alors qu’une famille modeste ne peut pas sauver son gosse de la leucémie, faute d’argent, l’élite, elle, va en clinique et «oublie» de payer. Ce qui gêne, c’est que la polarisation grandissante entre ceux qui ont tiré parti du système et qui sont «au top» et ceux qui n’y sont pas et souhaiteraient bien y être est – qu’ils le méritent () ou pas ( ) – en train de faire mal. Ce qui est inacceptable, c’est que les voleurs, les tricheurs, les trafiquants, les pourris de ce monde, puissent se faire qualifier d’«élite» par leur seul, sale argent. C’est ce qui alimente les mouvements de rejet de l’establishment que nous voyons partout dans le monde et qui finiront par vraiment tout casser, d’autant que les chantres de ces premiers mouvements de révolte – un peu comme à Maurice en 2014, où l’on se faisait du coude style «tire-toi, que je m’y mette !» – font eux-mêmes aussi souvent partie… des élites enracinées !

Vivement que l’on remette la méritocratie en selle et que l’on retourne les canassons à l’écurie !

Pour cela, cependant, il faudra d’abord que les électorats et/ou les consommateurs et/ou les citoyens voient désormais clair !