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Agents spéciaux

8 novembre 2016, 07:41

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C’est le buzz sur les réseaux sociaux depuis dimanche soir : le FBI n’a rien trouvé contre Hillary Clinton. Après avoir semé le trouble sur l’affaire des courriels, neuf longs jours durant, l’agence d’investigation, qui a épluché des centaines de milliers de courriels around the clock, classe le dossier Clinton. Mais le débat autour de l’agenda politique de son directeur James Comey se poursuit et risque de durer encore longtemps – et ce, peu importe l’issue de l’élection présidentielle, qui se tient aujourd’hui, après une interminable et minable campagne, ponctuée d’accusations, mensonges, contre-vérités, vulgarités comme on a rarement vu ici aux États-Unis. Un bien vilain feuilleton, exceptionnellement long et épuisant.

C’est un peu normal que l’on s’agite ainsi dans le bassin politique de Washington, DC. Puisque le FBI, reconnu jusqu’ici pour sa neutralité, en jetant un gros pavé dans la mare, est devenu, volontairement ou involontairement, un puissant agent électoral – plus redoutable que Facebook et YouTube. Un agent spécial qui a permis à Donald Trump de combler, de manière inespérée et dans une large mesure, son retard sur Hillary Clinton et d’intensifier sa campagne contre l’establishment des deux Chambres du Congrès.

Si le camp Clinton jubile aujourd’hui que le FBI ait exonéré la candidate, le camp Trump, lui, qui, hier encore félicitait le FBI pour son «courage», y voit désormais un scandale de plus : «Les Clinton sont hyperpuissants et ils sont protégés par le système. C’était prévisible qu’on n’ait rien trouvé contre eux et qu’on annonce cela à deux jours de l’élection !» Un message relayé par Fox News, mais contrecarré par CNN.

Du côté des think-tanks de DC, l’on ne sait plus sous quel prisme analyser cette élection. «In a way, it is a perfectly fitting end to a truly awful campaign», me confiait, hier, un analyste de la Brookings Institution. «The whole saga will also probably reinforce the disillusioned American public’s perception that the political system is corrupt, and that the institutions of government are failing. It is likely, as well, to further undermine the legitimacy of whoever wins the election in this deeply polarized country.»

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Une autre conclusion des analystes de DC concerne la campagne de Trump, qui ferait un tort immense à l’image des Républicains parmi les «Latinos» – qui constituent désormais 17 % de l’électorat national. Selon le sondage Univision National Poll, Clinton engrangera 69 % des voix des «Latinos» alors que Trump ne dépasserait pas les 19 % – en raison de son langage blessant envers les immigrants et son désir de construire le mur de la honte… Il aurait, en fait, accéléré le déclin républicain : «Trump would mark a new low in that critical voting bloc. George W. Bush got 44% of the Hispanic vote in his 2004 re-election race. John Mc Cain got 31% in 2008. Mitt Romney took 27% in 2012…»

Les projections démographiques jouent en faveur des «Latinos», dont la population augmente alors que celle des Blancs est en chute libre. Selon le Pew Research Center, en 2065, les Blancs ne constitueront plus que 46 % de la population US, contre 24 % pour les «Latinos» et 14 % pour les «Black Americans». Ce qui représente un changement majeur par rapport aux chiffres de 2015 : 62 % de la population était d’origine blanche, 18 % était «Latino» et 12 % était d’origine africaine. Les temps et le pays changent. Certains réflexes, eux, perdurent.

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«Hillary Clinton should win on her many merits alone, not just because she isn’t Donald Trump.» C’est l’appel lancé hier, en éditorial, par l’influent Washington Post. «We have written a lot in recent months about why Mr. Trump is manifestly unqualified – by experience, temperament and outlook – for the Oval Office. We agree that attention paid to his unfitness is to Ms. Clinton’s benefit. But we also believe that fair examination of Ms. Clinton in her own right provides convincing evidence that she is well prepared and fully capable to succeed as president of the United States. When we endorsed Ms. Clinton, we stressed we were not choosing the lesser of the two evils.»

Le Post n’est pas le seul à soutenir ouvertement Hillary Clinton. Malgré le fait que la Secrétaire d’État ait, par mauvais réflexe, utilisé une adresse privée pour des courriels confidentiels du gouvernement et qu’elle a mis un peu trop en avant sa Clinton Foundation, la  plupart des journaux d’ici la soutiennent quand même – y compris des journaux conservateurs qui n’ont jamais soutenu, depuis leur longue pratique, de candidature démocrate.

Hillary Clinton n’est certes pas angélique mais le fait qu’elle n’a jamais été condamnée ou poursuivie pour corruption ou trafic d’influence joue aussi en sa faveur. Le FBI vient de lui enlever la dernière épine du pied. Elle peut marcher librement vers sa destinée : la Maison Blanche. Car il semblerait que les carottes soient cuites pour Donald Trump… Je souligne semblerait au conditionnel. Car il serait hasardeux, en l’état actuel des choses ici, à Washington DC, de s’aventurer à tout miser sur Clinton ! Mais quoi qu’il arrive, l’on regrettera Barack Obama…

Nad SIVARAMEN  de Washington, DC