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Au risque de l'oublier: l'État c'est (pour) Nous !

1 mai 2016, 07:59

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Au risque de l'oublier: l'État c'est (pour) Nous !

 

Ce qui déclenche cette présente réflexion, c’est la responsabilité citoyenne et le combat mené par les familles des 96 morts de Hillsborough pour quelque chose de très simple en fin de compte : la VÉRITÉ !

Il y a 27 ans, en effet, mourraient 96 fans de Liverpool FC, tous partis voir un match qui se jouait sur la pelouse de Sheffield Wednesday. Dès le jour même, menée en cela par la police et le journal à sensation The Sun, se composait une fiction qui consistait à dire que les responsables de la catastrophe étaient les fans eux-mêmes. Ce, afin de masquer les erreurs capitales de la police qui menèrent au drame, la négligence des ambulanciers qui auraient pu avoir sauvé des vies si plus lestes, les manquements des responsables du stade et de ceux qui au sein des «autorités appropriées» avaient fermé les yeux sur ces manquements, malgré des incidents précédents.

 

Au-delà du désastre lui-même, toutes ces bureaucraties s’activent alors pour taire la vérité, mentent de manière honteuse, cachent des documents et des pièces à conviction, instrumentalisent la presse, détournent même les enquêtes judiciaires et font mousser l’histoire sur fond de «hooliganisme», de manière d’autant plus crédible qu’il polluait alors les stades d’Angleterre. Les familles des victimes et la ville de Liverpool qui les soutenait auraient pu avoir abandonné des dizaines de fois, mais elles connaissaient la vérité et refusaient de la voir être souillée pour quelques intérêts et réputations enracinés. Au bout de 27 ans, elles ont enfin obtenu un début de justice. Les morts ne sont plus «accidentally killed», mais bien «unlawfully killed». Ça ne ramènera pas les 96 victimes, et ces deux mots peuvent paraître dérisoires, mais cette décision reconnaît enfin les faits et ouvre la possibilité que les responsables assument finalement les conséquences de leurs décisions.

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Sans doute rationalise-t-on dans ces moments-là, comme dans le cas des Birmingham Six d’ailleurs, qu’il est plus important de préserver ce que l’on appelle l’establishment et le respect du public pour ses représentants et ses institutions, que de faire jaillir la vérité. C’est ainsi, que le judiciaire a parfois tendance à protéger l’État au nom d’un «greater good». Voilà pourquoi, ici, comme ailleurs, il existe un Public Officers Protection Act et pourquoi on évoque, dos au mur, la «raison d’État» ou l’«Official Secrets Act».

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CETTE MUTUALISATION D’INTÉRÊTS EST SANS DOUTE LA MIEUX ILLUSTRÉE DANS LE CAS MBC. TOUS LES POLITICIENS SONT CONTRE LA MANIÈRE SCANDALEUSE DE MENER LA RADIOTÉLÉVISION NATIONALE… QUAND ILS SONT DANS L’OPPOSITION ! COMME ILS ARRIVENT AU POUVOIR, ILS FONT PAREIL !

Ceci étant, un coup d’œil rétrospectif sur les années postindépendance à Maurice peut mener les plus cyniques d’entre nous à soupçonner une vaste mascarade où le «tandem» politiciens–employés de l’État se nourrit mutuellement et avance à nos dépens. Depuis la reconnaissance des diplômes médicaux douteux et le département «oriental languages» sous SSR jusqu’à nos jours, des dizaines voire des centaines de décisions semblent être prises sous le couvert du «you scratch my back and I will scratch yours». Nous en sommes arrivés au point où le secteur public, qui n’est connu ni pour ses capacités à être productif, ni pour ses capacités à engranger des profits, ni encore pour ses capacités à innover, est aujourd’hui mieux payé, sauf aux plus hauts échelons – où on semble parfois s’accommoder autrement – que dans le privé ! Quel message d’avenir !

Cette mutualisation d’intérêts est sans doute la mieux illustrée dans le cas MBC. Tous les politiciens sont contre la manière scandaleuse de mener la radiotélévision nationale… quand ils sont dans l’opposition ! Comme ils arrivent au pouvoir, ils font pareil ! Ils s’en servent alors pour créer des coteries personnelles, y parachutent parents, amis et connaissances (au point où l’on suggère que pour les «services» actuels, plus de la moitié des 900 employés peuvent être licenciés), se font filmer, se font inviter à des «débats», s’arrangent pour que l’on fasse quelques images sur les organisations sociales ou religieuses qui pourraient leur être utiles lors des prochaines élections et NOUS font avaler tout ça de force (il y a un monopole !). De plus, ils NOUS font payer la note (la dette totale étant à Rs 989 millions (M), avec des pertes annuelles de Rs 100 M au moins depuis 2009, c’est le contribuable qui paiera).

«Adding insult to injury», le parti Lepep arrive au pouvoir sur la promesse de réorganiser la MBC et de la transformer en BBC. Mais quand il s’agit de nommer un homme solide pour y mettre de l’ordre, il recule, pensant sans doute aux petits avantages qui vont disparaître avec lui… Quelles sont les chances du citoyen d’en réclamer pour son argent dans de telles conditions ? Aucune ! D’ailleurs, nous sommes, depuis belle lurette, tous obligés de payer une redevance de Rs 150 par mois même si, comme moi, on refuse de consommer ce que diffuse la MBC… Jamais !

Ainsi en est-il ailleurs, dans des ministères et dans certains corps parapublics : ils s’y conduisent comme si l’État c’était EUX et que nous, citoyens, nous en étions les acteurs occasionnels, en toile de fond. Quand nous votons ou quand on a besoin d’un permis ou encore quand on paie NOS taxes, qui LES nourrissent. Bien sûr, ce système ne marche pas si les citoyens n’y trouvent pas du tout leur compte ou s’ils n’ont pas un os à ronger. Si le secteur privé ne peut engranger assez de profits, si le citoyen lambda ne voit pas, sur la durée, sa condition s’améliorer, cet État parasitique (le chroniqueur Mamane de RFI l’appellerait joliment cette «mangercratie») ne peut tenir. Comme en Grèce, il y a quelque temps, où les bombances pour tous aux dépens des autres ont finalement dû être stoppées. Ou comme au Venezuela, où la manne pétrolière tarie (et même le réservoir hydroélectrique !) mène à la dure réalité.

Un texte de quelque 1 000 mots ne peut qu’ébaucher un tel sujet, mais on peut déjà suggérer que les politiciens ne réformeront jamais vraiment ce qui les arrange si bien (pensez Freedom of Information Act, MBC, financement des partis, reforme électorale, État invasif, puissant, répressif et peu «accountable», méritocratie, performance related pay, Public Officers Protection Act, Provisonal Charges si commodes…), que le public n’a que le gouvernement qu’il mérite s’il l’avale sans protester, ou pire, s’il y participe de son plein gré (la culture du protectionnisme et des «bouttes») et qu’au point où nous en sommes, la responsabilisation citoyenne, le moins d’État et l’abrogation de lois inutiles ou inutilement contraignantes semblent être une plateforme de progrès pleine de promesses !

D’ailleurs, l’État (le leur !) ayant déjà tellement fait, il n’y a plus d’argent dans les caisses…

Qu’ils ne nous demandent surtout pas de les remplir ! Nous pourrions retourner au désespoir des années encore plus molles de Ringadoo.