Publicité

Show politique et demi-avancée démocratique

3 octobre 2015, 07:43

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

En l’absence de sir Anerood, l’intérim au poste de Premier ministre devient un show en soi. Xavier Duval qui doit, bon gré mal gré, partager le maroquin avec son «ami» Showkutally Soodhun et ce dernier qui attend la dernière heure, vendredi, pour décider s’il laissera ou pas, pour moins de 24 heures, le fauteuil suprême à Ivan Collendavelloo (ce qui allait être une autre première politicienne). 

 

Au-delà des «je-le-mérite-cet-intérim-et-tu-le-mérites aussi», le jeu de chaises musicales au sommet du gouvernement illustre bien le fragile équilibre à respecter entre les dirigeants du MSM, PMSD et ML qui forment – avec le ministre indépendant Vishnu Lutchmeenaraidoo – un assemblage hétéroclite. C’est un peu normal. L’alliance Lepep, conclue rapidement et sur le tard pour contrer l’ex tandem Ramgoolam-Bérenger, vacille, de temps en temps, surtout en l’absence du Premier ministre. La raison en est simple : hormis sir Anerood, rien n’unit vraiment les partenaires gouvernementaux. L’accrochage entre le leader du PMSD et le tonitruant  Soodhun, pour une histoire d’affiches, s’avère en fait une guerre de clans et de terrains de chasse. Et au-delà du clash entre deux politiciens en campagne quasi permanente, c’est surtout un conflit ouvert entre deux petits partis (le MSM et le PMSD) qui, profitant du déclin des Rouges et des Mauves, veulent devenir des partis nationaux afin de pouvoir augmenter, l’un vis-à-vis de l’autre, leur pouvoir de marchandage. Les Bleus n’ont toujours pas digéré le fait qu’ils ont eu à accepter une seule mairie aux dernières municipales au même titre que le ML – un parti qui n’a que quelques mois d’existence. 

 

Au sein du MSM, il s’agit surtout de garder une longueur d’avance sur ses partenaires, surtout depuis que leur leader a été botté en touche par la justice, provoquant ainsi un vacuum que d’aucuns tentent de remplir.

 

***

 

Puisque aucun gouvernement ne semble vouloir mettre fin au monopole de la  MBC – conservé jalousement comme un rempart contre toute pensée critique – ou aller de l’avant avec cette tant attendue «Freedom of Information Act», l’on doit, entre-temps, se contenter des demi-avancées, comme celle du Select Committee recommandant la retransmission en direct des travaux de l’Assemblée  nationale – avec des restrictions rétrogrades. 

 

Par essence, le Parlement, c’est la voix du peuple, et son rôle c’est, entre autres, de veiller sur l’action du gouvernement. Et nos chers parlementaires, quel que soit leur bord politique, aiment bien s’exposer sur les écrans de la MBC. Sur le plan technique, ce n’est pas un gros problème de diffuser en direct les images des travaux parlementaires. Depuis des décennies, la MBC retransmet le discours du Budget, dans son intégralité, en temps réel. 

 

Si on possède déjà la technologie, les ressources humaines et l’expertise requises pour retransmettre en direct les travaux parlementaires, la réticence à s’exposer en direct de l’hémicycle demeure une peur avant tout politicienne... 

 

L’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam y avait résisté car il craignait de donner à ses adversaires une entrée privilégiée dans le salon de nombre de Mauriciens. Quand Paul Bérenger était, lui, brièvement Premier ministre (septembre 2003-juillet 2005), pour manifester son désaccord vis-àvis des journaux, il refusait systématiquement toute demande d’interview de la presse écrite et, à la place, il se pavanait, à chaque fête culturelle, en costumes multicolores sur la MBC, qui était devenue son jouet à lui aussi.

 

 Dans le monde, surtout avec la progression du numérique, l’audiovisuel est bien plus démocratique. Depuis de longues années, l’UIP (Union interparlementaire, qui regroupe plus d’une centaine de parlements nationaux à travers le monde) souligne l’importance de vulgariser les débats des députés au grand public (par respect pour leurs salaires que nous payons de nos poches). L’UIP recommande «une diffusion indépendante des activités parlementaires, par des médias pluriels et libres – autant d’éléments qui donnent de la crédibilité».

 

 Aux États-Unis, depuis 1979, C-Span retransmet en direct les travaux de la Chambre des représentants et du Sénat. La politique du Parlement britannique, où les débats des commissions sont mis sur le site Web, est de tout mettre en libre accès. À l’opposé, en Suède, le SVT 24 Direct ne diffuse que ce qu’elle juge valable. C’est un choix. Chez nous, en 2015, un ministre et son PS décident désormais de l’agenda de la MBC. On propose un editing politique...

 

 Les spécialistes de la communication savent que lorsqu’un homme politique s’exprime avec sa propre voix et sous ses propres traits, il inspire plus de respect – ou de dégoût – que lorsque ses propos sont rapportés, sous le filtre complaisant des médias propagandistes. 

 

À Maurice, ceux qui couvrent les travaux parlementaires savent que les députés craignent que la presse ne projette d’eux une image négative – cette crainte est totalement justifiée dans la mesure où, trop souvent, ils prêtent le flanc. Les restrictions imposées par le Select Committee, et agréées par l’opposition et le gouvernement, visent-elles aussi à protéger les parlementaires contre leurs propres agissements ?