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L’art de gagner les municipales

23 mai 2015, 07:00

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Sun Tzu a théorisé : la guerre s’avère d’une importance vitale pour l’État. C’était il y a 25 siècles, bien avant les deux Guerres mondiales, le conseil de sécurité de l’ONU et la chute de Navin Ramgoolam. De nos jours, dans la paisible île Maurice, la guerre est surtout politique et les élections se révèlent capitales pour la survie des partis et des politiciens. On l’a constaté en décembre 2014 : la joute électorale détermine la préservation ou la perte de l’empire – et tout ce qui va avec. À chaque fois qu’il grimpe les marches du CCID, comme d’autres défilent sur la croisette devant le crépitement des flashs, l’ancien empereur Ramgoolam mesure l’impact de sa terrible chute. Le fin stratège qu’il était a tout perdu, sauf Veena et son désir de se battre politiquement.

 

Depuis les temps immémoriaux, quatre aspects fondamentaux guident les stratèges qui engagent une bataille : la doctrine, le temps, l’espace et la discipline. En suivant cette logique, on peut mieux suivre le positionnement des uns et des autres par rapport aux municipales – qui s’annoncent, faute d’une rivalité sérieuse, comme une promenade de santé pour l’alliance Lepep. Et ce, malgré les faux pas qu’elle accumule au pouvoir et l’absolutisme dont elle tend, de plus en plus, à faire preuve. Les stratèges de Lepep profi tent allègrement du fait que l’opposition se retrouve en lambeaux pour passer à l’offensive. Au contraire de Sun Tzu, Clausewitz (autre grand théoricien militaire) croit, lui, davantage dans la bataille d’anéantissement comme sommet de l’art du stratège. «Si l’on peut détruire l’ennemi, on se jette sur lui.»

 

Une doctrine fait naître l’unité de penser. Celle de Lepep est : «Il faut tout nettoyer au Karcher et tant pis pour les éclaboussures de boue.» Elle est incarnée le mieux au sein du gouvernement par Roshi Bhadain. Une doctrine est aussi censée rendre les combattants intrépides et inébranlables dans les malheurs et dans la mort. Habile dans ce jeu, Ramgoolam fait croire à ses suiveurs que c’est une «vendetta» politique non contre sa personne mais contre le Parti travailliste. «Ils ont saisi les coffres-forts et bloquent les comptes bancaires du parti. C’est  antidémocratique. On va se battre, mais on ne va pas participer aux municipales.» La doctrine de Bérenger, c’est de minimiser tous les départs, éviter de parler de Ramgoolam et surtout éviter que celui-ci lui donne (encore une fois) le baiser de la mort.

 

Pour bien maîtriser le temps, il faut adhérer aux principes du Yin et du Yang qui nous rappellent que dans l’univers comme dans la vie, rien n’est tout noir, ou tout blanc. En raison des événements qui se chevauchent trop rapidement, on oublie que pour les municipales de 2012, deux alliances s’affrontaient. D’un côté, le PTr-PMSD (mené par Ramgoolam et Duval) et de l’autre le MMM-MSM. Aujourd’hui, dans chacune des forces opposées se trouve une petite partie de l’autre. Bref, en tout Yin il y a du Yang et en tout Yang se trouve du Yin. Qui nous dit que demain Duval ne sera pas interrogé, voire interpellé, par la police en raison des dossiers dont il s’est occupé comme ministre sous Ramgoolam ?

 

L’espace est un paramètre aussi important, si ce n’est même plus, que le temps. Sur l’échiquier, Lepep est au sommet, Bérenger est à terre (amputé de deux de ses plus habiles lieutenants sur le terrain : Collendavelloo et Ganoo) et risque de payer cher son pacte avec l’ennemi Ramgoolam. Ce dernier, lui, est encore plus bas que terre. De loin comme de près, il n’y a pas photo. Lepep va surfer sur la vague de décembre et sur sa cote de popularité qui, même si elle régresse, demeure forte. Conjuguant le temps et l’espace, Lepep claironne le mouvement des troupes.

 

La gestion des ressources, le courage, la valeur et la rigueur sont les qualités qui, sur papier, doivent caractériser le général qui insuffle ou pas la discipline. Posséder l’art de ranger les troupes, n’ignorer aucune des lois de la subordination et les faire observer à la rigueur ; savoir connaître les différents chemins par où on peut arriver à un même terme.

 

Ramgoolam, Bérenger et Jugnauth le savent et l’ont pratiqué plusieurs fois : lorsque l’ennemi est uni, divisez-le, et attaquez là où il n’est point préparé, en surgissant lorsqu’il ne vous attend point. Telles sont les clefs stratégiques de la victoire, telle qu’elle a été imaginée par l’alliance Lepep…