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Pourquoi notre productivité n’augmente plus

15 mai 2014, 12:51

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«La productivité n’est pas tout. Mais à long terme elle est presque tout», l’adage bien connu de Paul Krugman est souvent cité dans les discussions autour de la productivité. Or, si l’on se fie aux nouveaux chiffres de Statistics Mauritius sur la productivité nationale, rendus publics vendredi dernier, il n’y a pas de quoi se réjouir pour l’avenir du pays à long terme. On apprend qu’à l’échelle nationale, tous les indices de productivité se sont retrouvés soit au point mort, soit en recul en 2013. D’où vient ce ralentissement des gains de productivité ?

 

On aura vite fait de blâmer l’attitude des Mauriciens à l’égard du travail, le papotage, le refus d’accepter de «travailler plus pour gagner plus» pour expliquer le phénomène. On pourrait, ces jours-ci, ajouter l’exemple d’un Premier ministre qui ajourne l’Assemblée nationale pendant près d’un mois pour une réforme qui n’aura peut-être pas lieu. Ces facteurs intangibles contribuent à n’en point douter à faire chuter la productivité nationale. Mais il y en a d’autres plus concrets et tout aussi importants, sur lesquels nous devons agir.

 

À commencer par le niveau de l’éducation. C’est connu : plus une main d’oeuvre est éduquée, plus sa productivité augmente. Mais encore faut-il que cette éducation soit de qualité. Un budget insuffisant et l’absence d’une culture de recherche font que 46 ans après sa création, l’université de Maurice n’arrive toujours pas à se classer parmi les meilleures universités en Afrique. Notre fâcheuse tendance à nous associer à des universités étrangères de second rang ne joue pas non plus en notre faveur, comme nous l’a rappelé le professeur d’Harvard, Michael Porter, lors de sa récente visite.

 

Si notre productivité est sur le déclin, la faute en revient aussi à notre politique économique, plus précisément en ce qui concerne les investissements étrangers. Que ce soit en termes d’innovation ou de nouvelles technologies, l’apport de ces investissements, trop longtemps concentrés autour de l’immobilier, semble avoir été minime, vu la stagnation de notre multifactor productivity. En l’absence d’une politique claire sur la qualité des investissements étrangers que nous voulons attirer, nous n’avons pas pu bénéficier pleinement des transferts de connaissance qui y sont associés, et qui ont dans le passé favorisé l’émergence de notre secteur manufacturier.

 

Meilleure connectivité

 

Un calcul de Statistics Mauritius démontre d’ailleurs que trois quarts de la croissance de ces dix dernières années ont été rendus possibles grâce à une accumulation du capital, alors que le progrès technique n’explique que 15 % de la croissance. En revanche, dans des pays comme Singapour, Taiwan et Hong Kong, qui ont réussi à atteindre le statut de pays à revenu élevé, la contribution du progrès technique à la croissance a avoisiné les 30 % pendant de longues périodes.

 

Notre capacité à absorber de nouvelles technologies pouvant accroître notre productivité passe aussi par une meilleure connectivité à l’Internet. Notre classement en tête de l’Afrique en matière d’ICT-Readiness cache mal une autre réalité. Celle qui faisait écrire Philippe Forget l’année dernière : «Vous allez sur un site Internet et un clip de 30 minutes prend deux heures pour être ‘downloadé’ ou un document de 6,9 MB (par exemple le rapport annuel de la Mauritius Ports Authority) n’est livré qu’à hauteur de 330 KB au bout de cinq minutes (il faudra 27 minutes pour le tout !).» Offrir un accès fiable à l’Internet, c’est aussi faciliter l’innovation, sans compter des centaines d’heures de travail qui pourraient être récupérées à l’échelle nationale chaque année.

 

Qualité de l’éducation et de l’investissement étranger, ainsi que de l’infrastructure technologique. C’est en agissant sur ces facteurs qu’on peut espérer rattraper le retard que nous avons accumulé en termes de productivité. Et que nous pourrons faciliter les transferts de connaissance tant nécessaires pour une relance de la productivité et une croissance durable.


 

LES CHIFFRES

 

L’année dernière, la productivité de la main-d’oeuvre, qui traduit la production de richesse par tête d’habitant, a connu une croissance de 0,2 %. Pour ce qui est de la productivité du capital, on enregistre un recul de 0,4 %. Au chapitre de la «multifactor productivity» qui regroupe l’ensemble des gains de productivité en dehors de la main d’oeuvre et du capital (en d’autres mots le progrès technique), le pays enregistre carrément un zéro pointé. C’est ce dernier facteur qui interpelle le plus. La théorie économique explique qu’un des facteurs qui distinguent les pays riches des pays pauvres est la capacité à absorber la technologie, que reflète la croissance de la «multifactor productivity».