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Questions diverses, réponses éparses…

4 juin 2023, 08:50

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Ils étaient 31 policiers à débarquer chez la famille Singh au Bout du Monde lundi soir avec un mandat de perquisition pour, officiellement, retrouver des «stolen goods». Il est vrai que la maison semble grande ! Mais 31 ? Tous armés de cellulaires pouvant filmer ? Était-ce vraiment nécessaire ?

Cependant une des questions du jour est celle-ci : même si le couple Singh était aidé par la présence de trois avocats, peuvent-ils vraiment contrôler ce que font 31 personnes dans la maison ? Par-delà le fait qu’il faudrait réserver la mobilisation d’autant de policiers pour des situations plus alarmantes et plus aggravantes, comme peut-être celles de Waco ou de Rajen Sabapathee, par exemple, la Special Striking Team (SST) ne devrait-elle pas opérer des fouilles dans un cadre strict du nombre de policiers perquisitionnant et qu’ils soient sous surveillance ?

Dans l’idéal, et afin, surtout, de prévenir toute accusation éventuelle de planting, ne faudrait-il pas que chaque policier fouille sous l’œil du maître de la maison ou de son délégué (conjoint ou avocat) et que ce dernier filme tout sur son portable ? Sinon, nous ne cesserons jamais de douter ; l’intégrité des «fouilles» ayant été de plus en plus sérieusement remise en question ces derniers temps ! Dans ce cas cependant, (et heureusement), il n’y avait ni «stolen goods», ni zamal.

Question liminaire : Il y a quelques jours de cela, le DPP invitait le commissaire de police à être plus prudent dans ses démarches d’arrestations sous charges provisoires et de consulter son bureau pour confirmer si la «reasonable suspicion» sous laquelle ils ont le droit (et la responsabilité!) d’arrêter des citoyens, était fondée ou pas.

Est-ce que cette invitation a été entendue ? Apparemment pas, puisque la charge provisoire ne paraissait pas être suffisamment solide en cour pour justifier un maintien en cellule et puisque la libération sous caution était relativement modeste (Rs 50 000) pour une charge provisoire de conspiration pour blanchiment d’argent qui se monte pourtant à… Rs 347 millions! Le Premier ministre, lors d’une conférence de presse à la municipalité de Port-Louis, s’est, par contre, exposé à une thèse plus incriminante en soulignant que l’enquête avait trouvé «ki éna enn case» et en soulignant qu’une cour de justice, pour les décisions desquelles il a demandé du respect (ironie !), avait déjà accédé à la demande de la FIU de bloquer des comptes et des biens. Attendons voir bientôt, ouvertement, le point de vue du DPP qui nous dira, en tant que seul responsable des poursuites au criminel, s’il y a un «arguable case» ou pas!

Deuxième question liminaire : À écouter les avocats de M. et Mme Singh, il n’y aurait, à ce stade, pas une once de preuve contre leurs clients, du moins sur la base de ce qui a été entendu lors des interrogatoires aux Casernes centrales et en cour de justice mercredi matin. La police pourrait ne pas pouvoir éventuellement justifier les deux nuits passées en cellule ? Et si c’était le cas, qui en paierait les conséquences ? L’État, et donc le contribuable, comme toujours, alors que les décisionnaires, quant à eux, n’auront aucun compte à rendre et aucun prix à payer ? A contrario, la police pourrait ne pas avoir tout révélé de son dossier, lors de l’interrogatoire de Sherry Singh, ce qui nous renverra éventuellement du côté du DPP qui décidera s’il y a matière à poursuite ou pas.

Finalement, si comme c’est possible et même probable, l’opération «Bout du Monde» a d’abord aidé à détourner l’attention du public d’autres dossiers embarrassants, timing-wise, il a surtout permis de générer plein de commentaires et de créer certains doutes sur le financement de la construction de cette résidence, tant celle-ci paraît grande et luxueuse. Mais ne faut-il pas souligner le précédent qui découle de la brèche ainsi créée ?

Prenant l’initiative, Sherry Singh affirmait à sa sortie de la cour que la MRA avait pioché dans son dossier depuis sa démission de MT et aurait aussi vérifié la légitimité de ses sources de financement pour sa maison. La MRA aura sûrement fait de même pour les maisons de nos divers PM, dont celle d’Angus Road, ainsi que pour les actifs immobiliers de nos ministres ?

Rassurez-nous!

Car la femme de César ne peut se permettre d’être soupçonnée, dit-on, du moins depuis Plutarque ?

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En préalable au Budget, le Premier ministre a répété, avec raison, lors de la même conférence de presse, que la situation internationale est difficile, que la guerre d’Ukraine a fait dérailler les circuits de production et que le problème de l’inflation est mondial, ce qui affecte évidemment le coût de la vie local puisque nous importons tant de ce que nous consommons.

Mais il n’a que partiellement raison puisqu’il choisit, comme son ministre des Finances le fait souvent d’ailleurs, de négliger totalement la triple question du déficit des comptes courants du pays (-14,4 % du PIB en 2022 !), des déficits budgétaires largement comblés par des montagnes de création monétaire à la Banque centrale et de la dévaluation de la roupie qui s’ensuit ; trois facteurs qui, quant à eux, relèvent de la responsabilité gouvernementale, contrairement aux facteurs évoqués par le PM qui sont, effectivement, hors de son contrôle.

Pour édification, entre le 1er janvier 2019 et le 1er juin 2023, le dollar est passé de Rs 34,25 à Rs 45,55 (+33 %), l’euro de Rs 39,26 à Rs 48,63 (+24 %), la roupie indienne de Re 0,48 à Re 0,56 (+17 %) et la livre sterling, pourtant bréxité, de Rs 44,82 à Rs 56,62 (+26 %). Pourquoi ne pas le reconnaître et le dire ? Tenter de l’expliquer ? Plutôt que de systématiquement masquer ces vérités, chercher des boucs émissaires et ne pas assumer ses responsabilités entières ?

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L’ICAC n’a décidemment pas le vent en poupe! Après la PNQ du leader de l’opposition de fin avril qui révélait une démesure effarante entre les moyens de l’ICAC (Rs 1,1 milliard de dépenses ces cinq dernières années) et les résultats obtenus, soit deux condamnations pour corruption en 2020, quatre en 2021 et trois autres en 2022; on aurait peut-être souhaité une accalmie ? Que nenni !

La magistrate Azna Bholah a été cinglante dans son jugement pour rayer la charge provisoire qui pesait sur le chief pharmacist Brijendrasingh Naeck dans l’affaire de l’achat de Molnupiravir à un prix plus que controversé. Elle a notamment indiqué qu’un procès-verbal signé n’est pas un fait non équivoque, de nature à créer un soupçon raisonnable. De plus, la magistrate s’est élevée contre la manière de procéder des enquêteurs de l’ICAC qui tendraient à exonérer les supérieurs du pharmacien Naeck et elle constate que l’enquête est encore à l’étape d’une fishing expedition pour des preuves. Les manœuvres des enquêteurs de l’ICAC pour dédouaner le High Powered Committee et Mme Dalida Allagapen, Senior Chief Executive du ministère et sœur de ministre, retiennent particulièrement l’attention.

La magistrate Valentine Mayer a, de son côté, annulé une charge provisoire initiée par l’ICAC contre M. K Balaghee, arpenteur à la SIFB, au motif que presque cinq ans se sont écoulés depuis les faits en 2018, sans que l’enquête ne puisse conclure, ce qui aurait permis la transmission du dossier au bureau du DPP! Cette incapacité de boucler un dossier est d’autant plus troublant qu’il y a eu une PNQ de Xavier Luc Duval sur la question et que les conclusions probantes du Fact Finding Committee Domah sont à l’ICAC depuis… août 2019.

Vraiment pas de quoi redorer une image déjà sérieusement érodée…

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Les équations mondiales, longtemps figées, bougent ! À la suite de l’invasion de l’Ukraine, l’OTAN a récemment intégré la Finlande et s’apprête à accueillir la Suède, si la Turquie le veut. D’autres pays d’Europe de l’Est souhaiteraient s’y joindre aussi, face à la menace russe qui s’est maintenant précisée. La Bosnie, la Géorgie (et l’Ukraine évidemment) ont déjà fait acte de candidature.

D’autre part, les ministres des Affaires étrangères des BRICS, discutaient ces jours-ci d’élargir leurs rangs, la Chine étant particulièrement décidée à le faire, alors que l’Inde est plus tiède. Une réunion «BRICS plus» le 20 mai dernier regroupait ainsi l’Argentine, l’Indonésie, l’Égypte, le Kazakhstan, le Nigeria, l’UEA, l’Arabie saoudite, le Sénégal et la Thaïlande, un groupe plutôt disparate, sauf qu’elles sont toutes des économies émergentes, certaines étant en bien plus grande difficulté que d’autres, mais toutes apparemment intéressées à entrevoir un nouvel ordre mondial hors du dollar, du G7 et des puissances économiques historiques. Pourquoi pas ? Encore que le défi est immense, puisque les plus faibles auront toujours à être portés par les plus forts, pour seulement espérer cimenter «BRICS plus»…