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Les remèdes du FMI pour maîtriser la dette

20 juillet 2022, 07:16

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La problématique de la dette est au centre des préoccupations des économistes depuis la seconde partie du 18e siècle. Le maître à penser des physiocrates, François Quesnay, était convaincu que la dette publique est une tare pour toute nation et que la prospérité n’était possible qu’à deux conditions : en réduisant la dette et en prônant la liberté du commerce et la liberté de l’industrie.

Si l’économie s’est forgée en tant que science, c’est justement pour trouver une réponse à la question de la dette. Or, avec le temps, le rapport entre la dette et la croissance a été redéfini. Ainsi, il existe une école de pensée qui dit qu’il faut s’endetter pour doper la croissance. À Maurice, l’on s’est toujours engagé dans cette voie. Les gouvernements qui se sont succédé depuis l’Indépendance ont, avec un certain succès, utilisé la dette comme un outil pour amener la croissance. Aussi longtemps qu’elle est dans des proportions acceptables et qu’elle s’inscrit dans une stratégie bien définie, la dette est susceptible d’être un levier du progrès. Depuis les années 1990, c’est la cote d’alerte de 60 % établie par le traité de Maastricht qui servait de référent concernant le seuil de la dette publique. Mais, on le sait, ce taux était allègrement dépassé par les États développés. Par exemple, la France enregistrait un taux de dette publique de 97,6 % fin 2019.

Puis, il y a eu la survenance de la pandémie et, pour survivre face à une crise qui a coûté à l’économie mondiale plus de 10 000 milliards de dollars, les pays du monde entier ont dû recourir à des mesures de soutien exceptionnelles. Dans le cas de Maurice, l’on a mobilisé l’équivalent de 32 % du PIB national pour éviter la fermeture des entreprises et la destruction des emplois. Avec pour conséquence que la dette publique a bondi, en passant de 64 % à 99,2 % du PIB en 2020. Celle-ci est sans doute supérieure à 100 % si l’on comptabilise les sommes dans les Special Purpose Vehicles.

Avec le cycle de crise qui se prolonge, la dette publique est devenue endémique. Au même titre que l’inflation, elle est devenue un véritable poison pour l’économie mauricienne. Si, à différentes périodes de l’histoire, les économistes ont, tour à tour, privilégié le combat contre la dette publique, la nécessité de débloquer la croissance et la lutte contre le chômage, aujourd’hui, on se retrouve dans une configuration où il nous faut solutionner simultanément toutes ces problématiques qui s’entremêlent.

Comment démêler l’écheveau ? Le dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI) intitulé Mauritius - Selected issues préparé Mikhail Pranovich, Félix F. Simione, Robert Clifton, Isabel Rial et Tao Sun apporte un éclairage technique sur la question. Fait important : le FMI définit un nouveau point d’ancrage pour la dette publique. Celle-ci est désormais considérée comme étant acceptable à partir de 80 % par rapport au point d’ancrage de 60 % qui n’est plus pertinent depuis la pandémie. Les experts du FMI anticipent que la dette publique sera au taux de 88,1 % en 2022 et de 86,1 % en 2023. On sera donc toujours assez loin du critère des 80 %. Ainsi, pour ramener la dette publique autour de cette nouvelle cote d’alerte, il faudra que l’on repense notre stratégie budgétaire et rétablisse des règles fiscales strictes. Les scénarios et options que propose l’institution de Bretton Woods vont dans le sens d’une réduction des dépenses de l’État à court terme en vue de ramener le déficit budgétaire autour de 3 % du PIB. Par réduction des dépenses, l’on comprend notamment celles consacrées à la politique de protection sociale. À la faveur d’une vraie discipline fiscale, il est possible d’arriver à un niveau proche du point d’ancrage au cours de l’exercice 2026-2027.

«À Rs 10 milliards, le capital de la BoM demeure relativement faible ; ce qui limite sa marge de manœuvre pour soutenir les coûts associés à une opération de resserrement monétaire ou pour mener des interventions de stérilisation sur le marché des changes»

Sur la base de différents scénarios qui prennent en compte des facteurs comme la lassitude budgétaire (la capacité budgétaire à répondre à une progression de la dette), le service de la dette et la croissance maximale, le FMI estime, par ailleurs, que la dette publique oscillera autour de 89 % à 101 % du PIB dans un scénario moins prudent et de 75 % à 90 % du PIB dans un scénario plus conservateur.

Outre la discipline budgétaire, le FMI réitère sa demande pour que le gouvernement mette enfin bon ordre dans la politique monétaire, tout en s’appesantissant sur la nécessité que la Banque de Maurice (BoM) retrouve pleinement son indépendance et son autonomie. La principale recommandation porte sur la Mauritius Investment Corporation (MIC). L’organisme lance un appel à la Banque centrale pour qu’elle renonce à la propriété de la MIC. À son tour, celle-ci est priée de retourner les financements non déboursés à la Banque de Maurice et d’éviter le financement quasi-fiscal.

De l’avis de l’équipe d’analystes menés par Mikhail Pranovich, la situation actuelle est en train de brouiller la séparation des politiques monétaire et budgétaire, et contribuera probablement à des coûts de politique monétaire plus élevés et/ou à une inflation plus forte à l’avenir. De plus, la MIC est en concurrence avec le secteur financier pour certains projets rentables. La solution serait que la MIC soit rachetée par le gouvernement ou intègre la Banque de Développement. Pour financer la reprise, le gouvernement pourrait lever des liquidités sur le marché et/ou déployer les ressources accumulées dans les dépôts du gouvernement – 90 milliards de roupies (environ 20 % du PIB) – à la fin de 2021.

Par ailleurs, le FMI insiste que la recapitalisation de la Banque centrale est la priorité des priorités d’autant plus que celle-ci a comptabilisé le transfert au gouvernement en 2021 comme un dividende en épuisant les droits des tirages spéciaux de ses gains de valorisation accumulés. À Rs 10 milliards, le capital de la BoM demeure relativement faible ; ce qui limite sa marge de manœuvre pour soutenir les coûts associés à une opération de resserrement monétaire ou pour mener des interventions de stérilisation sur le marché des changes. Et le FMI de faire ressortir que la normalisation des taux d’intérêt est essentielle pour ramener l’inflation sous contrôle d’ici à 2025. L’équation est simple : retarder la recapitalisation de la BoM équivaut à différer le resserrement des conditions monétaires.

Sans imposer ses prescriptions, le FMI vient placer les politiques devant leurs responsabilités. Reste à savoir si cette énième requête trouvera un écho favorable.