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Vijay Makhan : « Aucun tribunal ne donnera raison à la Grande-Bretagne sur les Chagos »

22 avril 2012, 00:00

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Vijay Makhan : « Aucun tribunal ne donnera raison à la Grande-Bretagne sur les Chagos »

L’ancien Secrétaire aux Affaires étrangères revient sur les dernières révélations concernant la déportation des Chagossiens dans les années 60. Il fustige les autorités de  la Grande-Bretagne,  leur « mauvaise foi et leur perfidie ». Vijay Makhan préconise un procès devant les instances internationales.

Que pensez-vous des dernières révélations sur les instructions données par le Foreign Office à ses officiers pour décrire les Chagossiens comme des travailleurs contractuels engagés dans les plantations de cocos dans l’archipel ?

C’est encore une fois la preuve de la mauvaise foi des Britanniques et de leur perfidie. C’est impardonnable. Si la Grande-Bretagne est traînée devant une cour de justice, elle sera condamnée pour plusieurs crimes. Cette nouvelle révélation vient renforcer la position adoptée par Maurice de tout temps, mais qui malheureusement n’a pas été affirmée avec la force requise au cours des sept dernières années.

Vous êtes très dur envers les Britanniques…

Maurice est un Etat de droit, signataire des conventions internationales, membre de l’Organisation nations unies tout comme l’Angleterre qui est d’ailleurs un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, et qui est censé prôner une politique basée sur le respect du droit international. Il faut savoir qu’au cours de l’Histoire, les Britanniques ont bafoué à plusieurs reprises les droits fondamentaux de l’humanité. Il est vrai aussi que ce genre de comportement ne me permet pas de respecter ma retenue  de diplomate. Malgré tout le respect que j’ai pour les Anglais, quant il s’agit de cette atrocité en particulier, je ne peux pas me retenir.

Etes-vous satisfait de la gestion du dossier des Chagos par les autorités nationales?

Je trouve dommage que le gouvernement actuel n’ait pas poursuivi les négociations initiées entre 2000 et 2005 pour que toutes les autres îles de l’archipel soient retournées à Maurice. D’une part,  pour nous permettre d’y exercer notre souveraineté, et, d’autre part, pour que nos compatriotes  d’origine chagossienne puissent aller vivre sur ces îles. Navin Ramgoolam a l’habitude de dire qu’il peut tout régler grâce à  un coup de fil à ses amis britanniques, dont l’ancien Premier ministre et l’actuel chef du gouvernement. Sept ans se sont écoulés depuis son arrivée au pouvoir, montrez-moi un seul progrès qui a été réalisé sur ce dossier ? Moi je pense que Navin Ramgoolam n’est pas pris au sérieux sur la scène internationale.

Etes-vous toujours en faveur d’un procès contre la Grande-Bretagne devant un tribunal international?

A l’époque qui avait été qualifiée de « wind of change », et qui marquait le processus de décolonisation à travers monde et en Afrique, l’Organisation des Nations unies (ONU) avait adopté la résolution 1514 qui met l’accent sur deux choses en particulier concernant les négociations en vue de l’indépendance. Cette résolution  interdit le démembrement des territoires avant qu’ils n’accèdent à l’indépendance. Il s’agit donc de  respect de l’intégrité territoriale des anciennes colonies et de leur liberté sans réserves et sans conditions.  Durant la conférence constitutionnelle de 1965 à Lancaster House à Londres, l’ONU vote une autre résolution (2066) spécifiquement sur Maurice, condamnant la tentative de démembrement de notre territoire. Une résolution qui fut balayée d’un revers de la main par ces mêmes Britanniques qui prétendent être les champions du respect des droits humains. Je ne vois aucune cour indépendante qui donnera raison à la Grande-Bretagne sur ce point.

Le renouvellement du bail américain sur les Chagos en 2016 doit être finalisé avant la fin de 2014. Quelle doit être l’attitude de Maurice?

Maurice se doit, par tous les moyens, d’imposer sa participation à ces négociations en tant que propriétaire territorial. Il faut, pour cela, lancer une campagne intensive et agressive sur tous les fronts. Il nous faut une stratégie bien ficelée avec un mémorandum définissant tous les aspects de notre démarche, notamment légale, morale, humaine stratégique et économique. Moi je propose que la prochaine intervention de l’Etat mauricien à l’Assemblée générale de l’ONU soit consacrée uniquement au dossier Chagos. Avec le soutien des nos pays amis, une telle initiative aura des répercussions importantes.

L’heure n’est pas au « coz-cozé » que Ramgoolam affectionne tant. La campagne doit également toucher les universités, la presse et le Congrès américain ainsi que les institutions internationales telles que la l’organisation internatiuonale de la Francophonie et le Commonwealth. Il faut une intervention devant le parlement européen pour dénoncer l’attitude de la Grande-Bretagne.

Propos recueillis par Jean-Yves Chavrimootoo