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Vendre des œufs pour scolariser leurs enfants

30 août 2009, 00:00

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Vendre des œufs pour scolariser leurs enfants

C’est l’aventure de quelques femmes mauriciennes qui se sont lancées dans l’élevage de poules pondeuses

La vie n’a pas été rose pour ces Mauriciennes car, en sus d’être issues de milieux modestes, elles ont été abandonnées par l’homme qui partageait leur vie. Chaque jour est, pour elles, un combat. Elles, ce sont Clauna, Christelle et Virginie, trois jeunes femmes qui se battent seules pour nourrir et élever leurs enfants. Grâce à un projet d’élevage de poules pondeuses, ces femmes des faubourgs de la capitale tentent de devenir financièrement indépendantes. Elles refusent de devenir des assistées.

Leur aventure a commencé en octobre dernier. Solange Potou, travailleur social qui les soutient, rédige pour elles un projet d’élevage de poules et l’envoie à la Mauritius Commercial Bank. Après examen dudit projet, cette institution bancaire consent à leur accorder un prêt. Et grâce au financement qu’elles obtiennent, elles achètent chacune 24 poules pondeuses, ainsi qu’un pondoir.

Ces trois femmes ne seront pas seules à porter ce projet à bout de bras. Une quinzaine d’autres femmes les rejoindront. La plupart d’entre elles ont des enfants à leur charge du fait que leur époux ait déserté le toit conjugal. «Ce sont des battantes qui veulent sortir du gouffre de la misère. Elles veulent être responsables et travailler à leur compte. Ce sont des femmes extraordinaires qui, malgré leurs soucis, arrivent à se tenir debout. Elles ont une hantise: que leur passé rattrapent leurs enfants», explique Solange Potou.

Clauna, âgée de 19 ans, est mère d’un enfant d’un an. La jeune femme a, comme les autres, obtenu 24 poules pondeuses qu’elle nourrit comme il faut et qui pondent. Au début, les gens sont réticents à acheter la dizaine d’œufs qu’elle obtient au quotidien de ses pondeuses. Mais petit à petit, le bouche à oreille fonctionne et elle a alors des clients réguliers. «Les gens ne comprenaient pas notre démarche. Ils ne se rendaient pas compte que pour nous,  ce travail c’était du sérieux. Quand ils l’ont compris, ils ont accepté notre activité et ils ont alors porté un autre regard sur nous. Nous avons réussi à fidéliser des clients du fait que nous vendons nos œufs à moins cher, soit à Rs 4 l’unité au lieu de Rs 6 comme c’est le cas ailleurs». Elle affirme que la formation qui leur a été initialement dispensée par des professionnels les a grandement aidées.

Virginie Alexandrine, 25 ans, est maman de quatre enfants, dont l’aîné a six ans. L’argent qu’elle perçoit de la vente des œufs de ses pondeuses est utilisé pour payer la scolarité de ses enfants. «Je ne gagne pas beaucoup mais avec le peu que j’obtiens, j’essaie de faire rouler ma cuisine et je scolarise mes enfants. C’est pareil pour nous toutes», poursuit Virginie. Depuis que son partenaire l’a abandonnée, Virginie vit avec son père à Ste-Croix.

Christelle, elle, ne s’est pas contentée d’acheter 24 poules pondeuses. Grâce à de petites économies réalisées antérieurement, elle s’est aussi acheté une dizaine de poussins. «Je veux aller plus loin dans la vie et être une femme qui puisse tenir sur ses pieds. La vie m’a meurtrie mais ce n’est pas pour autant que je vais baisser les bras», précise-t-elle, en nous regardant droit dans les yeux. Toute sa détermination se lit au fond de ses prunelles. Christelle sait que c’est à la sueur de son front qu’elle arrivera à progresser. Ses enfants, qui sont encore en bas âge, sont sa source de motivation.

Clauna, Christelle et Virginie sont conscientes que les fléaux sociaux gagnent du terrain dans les faubourgs de la capitale où elles vivent. Elles ne veulent pas céder à l’appât du gain facile car elles sont portées par l’amour qu’elles éprouvent pour leurs enfants. «La drogue et le travail sexuel sont derrières les portes de nos maisons en tôle. Nous y sommes exposées, de même que nos enfants. Si nous ne faisons rien, ces derniers se feront happer et il sera alors très difficile de les remettre sur les rails par la suite», affirme Clauna.

Ces trois femmes espèrent un jour vendre leurs œufs sur une grande échelle en doublant leur basse-cour. Ce qui signifiera plus d’argent. Elles sont conscientes que ce ne sera pas aussi facile qu’à leurs débuts, mais elles croient dur comme fer en leur bonne étoile. «On est sur la bonne voie. C’est ce qui compte», lance Virginie. Lorsque nous nous apprêtons à prendre congé d’elles, l’une d’entre elles laisse échapper: «Nous continuerons à nous battre pour ne plus vivre dans des conditions précaires. Nos enfants méritent beaucoup mieux». Solange Potou qui veille sur elles comme un ange gardien, estime que «les trois sont sur la bonne voie. Je suis certaine qu’elles réussiront, quitte à lutter contre vents et marées». Comme quoi, dans certains faubourgs de la capitale, le vent semble avoir tourné. Et dans la bonne direction.

(Source: Gender Links)