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Un centre de réinsertion pour les femmes SDF réclamé

25 juin 2009, 00:00

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Virginie L’Espar erre chaque jour dans les rues de la capitale, en quête d’un abri. Cette jeune femme, d’abord vendue par ses parents à l’âge de quatre ans, s’est prostituée avant de se retrouver sans-abri.

Elle lance un appel pressant aux autorités et réclame un centre d’hébergement et de réintégration pour les femmes sans domicile fixe.

C’est sous un abribus que nous l’avons rencontrée. Elle parle un français impeccable. Ce qui n’est guère surprenant puisqu’elle a grandi en France. Les yeux dans le vague, Virginie dit espérer qu’elle aura un jour une meilleure vie.

L’évocation de ses souvenirs est une blessure mais la jeune femme tient à raconter son calvaire.

«En venant à Maurice, j’ai cru que j’aurais eu une vie décente», lâche-t-elle.

Alors qu’elle n’a que quatre ans, ses parents, originaires de Tranquebar, région à la périphérie de la capitale Port-Louis, la vendent à un couple de Français qui passe des vacances au pays et qui souhaite adopter un enfant. Elle sait peu de choses sur la façon dont le couple français s’y est pris pour qu’elle puisse les accompagner en France.

Un de ses proches explique aujourd’hui qu’il ne savait pas que Virginie avait été vendue. «Mais le fait qu’elle ait trouvé une famille adoptive et qu’elle quitte le pays était une bonne chose car ses parents biologiques n’arrivaient pas à joindre les deux bouts.» Toutefois, cette nouvelle vie a vite tourné au cauchemar.

Peu de temps après son arrivée en France, son père adoptif profite de l’absence de son épouse de la maison pour abuser d’elle. «Cela a duré des mois. Il me touchait et voulait que je le caresse», raconte Virginie en larmes. C’est à l’école que ses enseignants découvrent le pot-aux-roses quand son père adoptif vient la récupérer à l’école un après-midi. Elle est pétrifiée et se cache sous une table dans sa salle de classe. 

Ils alertent le commissariat et les parents adoptifs de Virginie sont arrêtés et écroués. Elle est placée dans un centre pour adolescents à Rouen. Commence alors pour elle une descente aux enfers. Déstabilisée et sans repères, elle n’arrive pas à s’adapter. Elle pense à Maurice, à ses parents et à ceux qu’elle a quitté. Le centre lui fait effectuer des stages rémunérés dans des centres pour jeunes en situation difficile. Ce qui  lui permet d’économiser de l’argent.

La réception d’une lettre de ses parents biologiques en 2008 va relancer son envie de retrouver sa famille et son pays natal: «Ils me manquaient. Grâce à une association en France qui vient en aide aux expatriés, j’ai pu trouver l’argent nécessaire pour retourner au pays».

Elle débarque à Maurice en début d’année et sa famille vient même la récupérer à l’aéroport. A peine arrivée à la maison, ses parents l’interrogent sur un éventuel héritage laissé par ses parents adoptifs. La jeune femme est loin de se douter que ses parents biologiques veulent en fait la dépouiller. Trois jours après son retour au pays, elle est dans l’obligation d’aller chercher du travail. Sa famille vend ses effets personnels et l’argent est utilisé pour acheter de la drogue, précise Virginie.

Alors qu’elle attend à un arrêt d’autobus après une journée passée à chercher un emploi en vain, un étranger l’aborde et lui propose de se prostituer. Sans issue, à bout, elle s’exécute. Elle se fait Rs 50 par client pour une heure de plaisir donné. «J’ai honte quand je repense à cela mais c’était de l’argent facile», poursuit Virginie.

La nuit, elle est obligée de se cacher pour éviter de se faire agresser. A maintes reprises, elle manque de se faire violer. Un soir, lasse de se battre, elle se rend à un poste de police de la capitale et demande à ce qu’elle soit enfermée. «Je voulais un coin pour dormir et c’était là que je pouvais être à l’abri du danger». Un policier confirme ses dires. C’est lui qui la conseille de parler de ses problèmes à un travailleur social.

Quelques jours plus tard, Priscilla Virginie, qui est engagée auprès de l’organisation non-gouvernementale ELAN qui s’occupe de la réinsertion des ex-détenus, rencontre Virginie. «J’ai été bouleversée», déclare la travailleuse sociale.

«A Maurice, il n’existe aucun centre de réinsertion pour les femmes sans domicile fixe comme moi», ajoute Virginie. Priscilla Virginie est d’avis qu’il faudrait mettre en place une structure pour accueillir ces femmes qui n’ont nulle part où aller. «A Maurice, il y a des abris de nuit pour les hommes sans domicile fixe mais pas pour les femmes qui n’ont pas de toit et qui errent. Il y a pourtant des centres tels que Chrysalide et Passerelle qui s’occupent respectivement des travailleuses sexuelles toxicomanes et de jeunes en situation difficile. C’est dommage. Il ne faut pas s’étonner de voir des femmes sans domicile fixe tomber dans la prostitution», dit-elle.

Christina Labotte, 45 ans, a pratiqué le travail sexuel pendant une vingtaine d’années. Actuellement, elle réside au centre Chrysalide. Cette grand-mère de 14 petits enfants souhaite également qu’il y ait un centre pour  les femmes sans domicile fixe. «Le regard de la société fait mal et n’aide pas à se reconstruire. Les femmes qui ont des problèmes n’ont besoin bien souvent que d’une épaule sur laquelle elles pourraient pleurer», dit-elle.

Josian Babet, membre fondateur de l’organisation «La Passerelle», située à Port-Louis, souhaite également que ce «vide» soit comblé. Il cite l’exemple de La Réunion où il y a des centres de réinsertion pour les femmes sans domicile fixe. 
Une question posée reste cependant sans réponse: Quelle devrait être la responsabilité du ministère de la Femme envers des femmes comme Virginie?

Kendy Mangra est journaliste à Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links qui apporte une perspective nouvelle à l’actualité quotidienne.