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Relations industrielles : Le consul d’Allemagne condamné pour abus de pouvoir

13 novembre 2010, 00:00

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Relations industrielles : Le consul d’Allemagne condamné pour abus de pouvoir

Un couteau sous la gorge, un voleur lui prend son sac à main, le matin. Dans l''après-midi,  la vendeuse se rend compte que les clés du magasin où elle travaille au Caudan, se trouvaient dans le sac. Son patron l''ordonne alors, de passer la nuit sur les lieux. Un gardien inconnu de la vendeuse est aussi resté sur place.

Tous les hommes naissent égaux devant la loi... Ce n’est pas l’homme d’affaires Rainer Goetze, consul d’Allemagne à Maurice, qui pourra dire le contraire. Avec son épouse, Anna, ils ont été reconnus coupables d’abus de pouvoir par la cour intermédiaire, le vendredi 12 novembre. Ils auront à payer des dommages de l’ordre de Rs 100 000 à une de leurs employées, Geeta Luchmun.

Les faits reprochés à ce couple d’expatriés installé à Maurice depuis vingt-neuf ans semblent sortis d’un roman d’esclavage. Geeta Luchmun est l’une de leurs vendeuses chez Passion Jewellery Shop, au Caudan Waterfront, à Port-Louis. Elle a été forcée de demeurer une nuit dans le magasin avec un vigile qui lui est parfaitement inconnu après qu’elle ait perdu les clés de la boutique, lors d’une attaque à main armée…

En fait, par un malheureux concours de circonstances, la jeune maman s’est fait voler son sac à main, sous la menace d’un couteau, le matin du 29 janvier 2008. Ce n’est que dans l’après-midi, à l’heure de la fermeture, qu’elle s’est rendue compte que le voleur lui avait aussi pris les clés et le « remote control » de l’alarme du magasin

Ayant passé une matinée mouvementée, elle n’a fait état que de la perte de ses biens personnels à la police, oubliant que son sac à main contenait également ces clés. La jeune femme prend aussitôt contact avec Anna Goetze, directrice de la G.R Ltd qui gère la boutique Passion ainsi que la Caudan Security Services qui assure la surveillance des lieux.  

Alors la compagnie de gardiennage privé assure Geeta Luchmun que tout sera mis en oeuvre pour doubler la sécurité au magasin, Anna Goetze appelle pour lui dire qu’elle doit passer la nuit sur place. En tant que mesure punitive. Et ce, en compagnie d’un vigile.

Caudan Security Services n’a pas agréé à cet arrangement au départ. D’autant que le magasin ne serait pas pourvu en air conditionné la nuit et que la vendeuse n’aura pas accès aux toilettes, fermées à une certaine heure. Mais Anna Goetze a maintenu cette décision bien qu’elle soit au courant que son employée doit souvent se soulager pour cause de maladie.

De son coté, en tant qu’employée consciencieuse, Geeta Luchmun a consigné une nouvelle déposition à la police. Jusqu’à fort tard, elle « suppliera » Anna Goetze de la laisser rentrer, ayant deux jeunes enfants à sa charge. Et qu’elle demandera à la police de déléguer un officier sur place.

Mais pour l''employeur, c’était un « final order ». Que le stock du magasin pèse Rs 3 millions et que s’il manque un seul bijou, elle devra rembourser. Le mari de Geeta Luchmun n’a pas du tout apprécié et il a même demandé à lui parler. Il devra finalement se résoudre à venir passer la soirée au magasin, madame ne voulant pas qu’on la dérange alors qu’elle est à une soirée sur un bateau…

Après cette nuit humiliante, Geeta Luchmun a décidé de démissionner, de retenir les services de l’avocat Jean-Claude Bibi pour traîner ses employeurs en justice, leur réclamant des dommages de Rs 500 000. D’autant qu’elle a dû se faire admettre le lendemain matin à l’hôpital pour une infection urinaire.

Dans son verdict, la magistrate Niroshini Ramsoondar rejette les explications de la directrice des boutiques Passion. Surtout celle faisant état de l’heure tardive pour revoir des mesures de sécurité avec la police car, selon elle, celle-ci aurait été expulsée par Caudan Security Services…

Son mari le consul indique avoir trente-quatre ans d’expérience dans la gestion des magasins de bijoux et que cette soirée-là, il recevait des investisseurs sur un bateau. Il explique avoir vainement tenté de trouver une solution alternative. Sauf qu’il a pris le téléphone vers les 22 heures pour demander à Geeta Luchmun de ne plus importuner son épouse et de se conformer aux directives qu’elle lui a transmises.

La cour a aussi trouvé qu’Anna Goetze a menti quant au fait qu’elle n’a jamais « harcelé » Geeta Luchmun comme celle-ci l’affirme dans sa plainte. Or, un comité disciplinaire a bien été institué contre la vendeuse pour la perte de ces clés alors qu’elle a subi un traumatisme pour un vol totalement indépendant de sa volonté.

Faced with Management’s implacable attitude, it is clear that Geeta Luchmun was put into such a position that she had no other option but to comply and stay over and her husband supported her in this…” écrit la magistrate Ramsoondar. Et d’ajouter : “This Court would have expected Anna Goetze, Rainer Goetze and the company to be more magnanimous and generous towards an employee that Anna Goetze described as ‘trustworthy’. The fact that she forgot about the keys until 16.45 hrs is human error considering the circumstances Geeta Luchmun had been subjected to in the morning”.

Pour Geeta Luchmun, ce verdict rendu vendredi est un cadeau d’anniversaire. Elle célébrait ce jour-là ses 38 ans. « L’expérience a été très traumatisante. Ils peuvent être des gens de la haute société, des diplomates, mais ils n’ont aucun sens d’humanisme, » lâche-t-elle.