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Percy Yip Tong : «La culture, à Maurice, est trop basée sur le socioculturel»

26 avril 2013, 14:00

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Percy Yip Tong : «La culture, à Maurice, est trop basée sur le socioculturel»

L’expert culturelrevient sur son parcours et les artistes qu’il a eu l’occasion d’accompagner au niveau de la région de l’océan Indien. Ses responsabilités s’étendent désormais à l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.

 

Le groupe Wanlov du Ghana, que vous représentez, a reçu le prix Mondomix au Babel Med, à Marseille, en mars. Pourquoi avez-vous choisi de représenter un groupe ghanéen plutôt que mauricien ?Ce n’est pas une question de choix. Le prix Mondomix  est un concours international avec plus de 1 000 candidatures. Comme je suis le manager de Wanlov, j’ai envoyé sa candidature et pas celle de Patyatann, seul groupe mauricien que je manage, le niveau du concours étant encore trop élevé pour eux. Le jury, à ma grande surprise, a couronné Wanlov. Ce prix est ma plus grande réussite internationale.

 

Le chanteur Ras Nininn représentera l’océan Indien aux prochains Jeux de la Francophonie en septembre, à Nice (voir hors-texte). Alors que vous allez le préparer à ces jeux, vous serez également parmi les jurés, n’y a-t-il pas là conflit d’intérêts ?
Pas du tout. En tant qu’expert régional, c’est aussi mon rôle d’aider les artistes de la région. Je suis honoré d’avoir été en plus nommé membre du jury Musique pour les Jeux. Il m’est impossible, à moi tout seul, de faire pencher la balance en faveur de Ras Nininn. Par ailleurs, il n’est pas le seul à m’avoir demandé de le conseiller. Le ministère de la Culture du Rwanda a aussi sollicité mon aide pour leur groupe qui représentera l’Afrique de l’Est aux Jeux.

 

Que devient le groupe Patyatann, quatuor que vous avez monté pour le WEYA Festival qui a eu lieu en septembre dernier à Nottingham ?
Patyatann va bien malgré un changement de musicien. Cette année, c’est ce groupe qui a été choisi pour représenter Maurice, début juin, à l’IOMMA, le Marché des musiques de l’océan Indien. Patyatann sera à l’affi che aux côtés de groupes des îles voisines, mais aussi de l’Inde, de l’Australie, de la Chine, de l’Afrique du Sud...

 

En tant qu’expert culturel pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe, nommé par l’OIF, comment faites-vous la promotion de la musique locale ?
Ce n’est que l’année dernière que j’ai été nommé expert culturel pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe par l’OIF. Toutefois, cela fait déjà cinq ans que je suis expert culturel de l’organisation pour l’océan Indien. A ce titre, j’ai fait la promotion de la musique de mon pays et des îles voisines. S’il y a deux mois, j’ai tourné avec un groupe de Madagascar pour 19 concerts en Europe et avec Wanlov le mois dernier, il ne faut pas oublier que pendant cinq ans, j’ai donné des concerts avec Menwar aux Etats-Unis, en Afrique et en Europe. Et que depuis Kaya, il y a 25 ans, je n’ai pas arrêté de promouvoir notre musique locale à travers des concerts à l’étranger avec Racinetatane, Eric Triton, OSB, Michel Legris et Linzy (Bacbotte), entre autres. Si aujourd’hui, des groupes non Mauriciens me demandent de travailler avec eux, c’est un peu étonnant mais c’est une suite logique pour moi.

 

Pourquoi est-ce si difficile pour la musique locale de s’exporter ? Quels sont les défis à relever en ce sens ?
La musique locale s’exporte déjà. Eric Triton, OSB, Menwar et d’autres l’ont prouvé. Nous sommes une petite île avec une histoire peu ancienne. Nous ne pouvons nous attendre à avoir sur la scène internationale autant d’artistes que le Sénégal ou le Mali qui sont de grands pays aux traditions ancestrales. Mais Maurice est, j’en suis certain, un des pays ave le plus grand nombre de musiciens au km2. Notre diversité est une richesse peu ou mal valorisée. Il n’y a aucune structure pour aider la musique contemporaine, peu de studios de répétition, de salles de concert et d’espaces de création pour les jeunes. Les défis à relever sont surtout du côté de l’Etat. Pourquoi ne pas avoir une institution comme le Mahatma Gandhi Institute (MGI) pour la musique locale moderne ? Je pense que la culture, à Maurice, est trop basée sur le socioculturel et pas assez sur l’art et la culture. Hélas, je ne pense pas que les politiciens d’aujourd’hui en sont conscients. Car, comme pour le secteur culturel, la scène politique locale  est trop fortement ancrée dans le socioculturel et le communalisme.