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Pascale Gouges, directrice de l’Action familiale : «Des abus sexuels dès la Standard V»

21 juin 2013, 00:00

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Pascale Gouges, directrice de l’Action familiale : «Des abus sexuels dès la Standard V»

L’Action familiale a été fondée en 1963 par Mgr Margéot afin de répondre aux besoins de la population concernant le choix de méthode de planification familiale. Jusqu’ici, l’association a touché quelque 20 000 élèves au total.

 

L’Action familiale (AF) fête cette année ses 50 ans. Pourquoi votre service de promotion de la méthode de planification familiale naturelle est-il plus connu que vos autres activités ?

 

C’est vrai que nos services visant à emmener l’humain à réussir sa vie sont méconnus. Notre département «jeunes» s’occupe d’éducation à la sexualité et à l’affectivité des jeunes alors que notre département «couples» accompagne les parents et les couples dans leur sexualité et leur vie conjugale.

 

Cet accompagnement des couples se fait sur une base individuelle par 55 éducateurs qui couvrent toutes les régions de Maurice. Ce service est plus connu que les autres et pourtant, nous avons un très bon message pour les jeunes. Mais bien que le ministère de l’Education nous ait donné accès aux collèges d’État, nous n’avons que huit éducateurs pour tout ce travail de sensibilisation. Autant nous recevons une enveloppe de l’État pour enseigner la méthode de planification naturelle, autant pour notre programme auprès des jeunes, nous dépendons du Corporate Social Responsibility. Nos huit éducateurs sont des maîtres d’école et enseignants à la retraite. Comment avoir des éducateurs plus jeunes avec si peu de moyens, c’est une équation qu’il me faudra résoudre.

 

Votre message serait-il vieillot ?

 

 

Il y a aujourd’hui un courant de pensée moderne qui donne priorité au plaisir, à l’assouvissement immédiat du désir. Le préservatif devient donc indispensable. Ce n’est pas notre message. Nous emmenons le jeune à s’émerveiller sur la personne humaine et sur sa capacité d’aimer. Nous le rejoignons dans ses réalités d’être humain capable de réflexions et de choix.

 

Combien d’écoles à Maurice et à Rodrigues avez-vous touchées jusqu’ici ?

 

En 2012, nous avons touché 52 écoles primaires et 63 collèges à Maurice, ce qui fait environ 15 000 élèves au total à Maurice et 5 000 à Rodrigues. Dans chaque établissement, nous animons cinq sessions allant de la Standard V à la UpperVI.

 

Quel est votreconstat par rapport à la sexualité des jeunes sur le terrain ?

 

Agnieszka Duvergé, coordonnatrice du programme «jeune», fait un débriefing avec les éducateurs après chaque trimestre et essaie d’identifier les problèmes. Les éducateurs disent que la situation empire : les jeunes sont exposés trop tôt à la sexualité sans être convenablement guidés. Les recteurs disent que nous commençons trop tard car pour satisfaire leur curiosité, les jeunes se tournent vers l’Internet qui ne relaie pas toujours les bons messages, quand ce ne sont pas leurs parents, qui en croyant bien faire, leur proposent de regarder des films pornographiques. Les éducateurs ont aussi noté beaucoup d’abus sexuels chez les filles dès la Standard V. Elles sont abusées par une personne de leur entourage familial et généralement, c’est le beau-père. Au lieu d’envoyer la fillette abusée en thérapie, la famille préfère déménager. Nous écoutons ces filles et essayons de les diriger vers les services compétents. Je crois, au vu de ces réalités, qu’il nous faudra envisager d’animer ces classes dès la Standard III.

 

Sensibiliser à l’éducation sexuelle, n’est-ce pas avant tout une tâche parentale ?

 

 

Oui, nous avons beaucoup à faire du côté des parents. Soit ils démissionnent, soit l’éducation sexuelle est pour eux si taboue qu’ils laissent les enfants trouver des réponses ailleurs. Et c’est comme ça que les jeunes font fausse route. Les recteurs non plus ne jouent pas toujours le jeu car plusieurs d’entre eux trouvent que cinq sessions viennent déranger leur planning scolaire. Mais notre message est important. Nous donnons aux jeunes l’image d’une sexualité saine. Je crois que dans la formation des jeunes à la sexualité, il faudrait que les parents, les médias et le ministère de l’Éducation jouent chacun leur rôle. Si ces trois éléments sont en harmonie, l’impact du message sera plus grand auprès des jeunes.

 

Qu’allez-vous faire pour sensibiliser les parents à l’éducation sexuelle à donner à leurs enfants ?

 

Nous travaillons sur un programme pour aider les parents à évoquer comme il se doit la sexualité avec leurs enfants. Intitulé Comment parler de la sexualité à mon enfant, il se présente sous forme de kit. Nous aurons des rencontres individuelles avec les parents là où nous les rencontrons déjà – dans les centres communautaires et les centres de femmes. Mais je crois que nous proposerons aussi aux écoles de rencontrer les parents avant de rencontrer les élèves, comme nous le faisions dans le passé. Une telle approche sera plus holistique.