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Manière de voir : Sans frissons ni tension

23 avril 2010, 00:00

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Manière de voir : Sans frissons ni tension

Tout film de loup-garou prétendant à une certaine authenticité doit obligatoirement se dérouler dans l’Angleterre de la fin du XIXe siècle, de préférence dans les landes embrumées du Yorkshire ou du Derbyshire, et être peuplé de personnages aussi sombres qu’introvertis vivant dans un manoir délabré. C’est la tradition, ou plutôt une sorte de convention tacite, qui le veut. Elle remonte d’ailleurs au fi lm de 1941, The Wolfman, signé George Waggner et considéré à juste titre comme un chef d’oeuvre. On le juge surtout comme étant un classique en ce sens que l’ouvrage est à l’origine d’une foule de films dérivés (allant jusqu’à la parodie) et parfois même tout bonnement copiés.

Sorti fin 2009, Wolfman nourrit de grandes ambitions quant à l’authenticité, pour cause : le fi lm se veut le remake du classique de George Waggner. Une attaque de loup-garou en guise d’ouverture, puis des images de la campagne anglaise (le Derbyshire, justement) dans les brumes d’automne. Ainsi est introduit Benicio Del Toro au regard tourmenté, dans le rôle que tenait Lon Chaney Jr. en 1941 c’est-à-dire celui de Lawrence Talbot, aristocrate revenant sur les terres familiales après une très longue absence suite à la mort de son frère. Le manoir familial, aussi délabré qu’on eut pu le souhaiter, est habité par son père sir John Talbot / Anthony Hopkins. Il semble surmonter cette terrible épreuve avec un stoïcisme allant au delà de la stiff upper lip attendue de tout gentleman britannique.

Il y a aussi la fiancée du défunt (Emily Blunt), l’inspecteur Aberline / Hugo Weaving de Scotland Yard qui mène son enquête au village voisin (après avoir résolu l’affaire de Jack l’Éventreur) et, dans un champ des environs, campe une tribu de gitans réunie autour de la figure maternelle de Geraldine Chaplin. Tout cela signifie que ce fi lm réunit une brochette d’acteurs prestigieux qui remplissent tous honorablement leur contrat en interprétant des personnages riches en potentiel. Lesquels personnages évoluent dans un cadre (paysages, costumes, accessoires, etc.)= soigné dans ses moindres détails, au point qu’il y a fort à parier que les villageois de la version originale parlent tous avec l’accent de la région. C’est dire le genre de production auquel nous avons affaire. Cependant, si le fi lm ne peut en aucun cas être décrit comme mauvais, nous ne dirons pas non plus qu’il parvient à nous surprendre. L’idée d’un remake est de réaliser un fi lm qui soit surpasserait l’original soit resterait à son niveau tout en explorant de nouvelles avenues relançant ainsi le genre auquel il appartient. Cela, hélas, n’est pas le cas de Wolfman.

L’erreur des producteurs aura été de faire appel à Joe Johnston pour la réalisation alors qu’un tel projet exigeait un véritable auteur de cinéma. Ceux et celles qui se prendront à rêver de ce qu’un Guillermo Del Toro ou un Tim Burton aurait fait d’un tel sujet seront ramenés à une bien terne réalité, face au travail de Joe Johnston. Habile artisan et spécialiste des films à effets spéciaux (Jurassic Park 3, Jumanji) mais peu inspiré, ce dernier se contente tout simplement de gérer les gros moyens mis à sa disposition. Il nous livre un fi lm d’horreur gore qui a comme particularité un cadre victorien, soit, mais finalement avec le même mélange d’action et de jeu de massacre que dans n’importe quel slasher movie hollywoodien. On aurait, pourtant, préféré un film construit autour de personnages à l’intériorité inquiétante, le tout baignant dans une atmosphère chargée de tension.

Wolfman ne restera, donc, pas dans les mémoires. Tant mieux pour les cinéphiles qui resteront ainsi avec le souvenir de l’original.

GN.