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A Madagascar, une chasse à l'homme finit en bûcher

4 octobre 2013, 12:36

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A Madagascar, une chasse à l'homme finit en bûcher

 

L'un des deux Européens lynchés et brûlés vifs jeudi sur une plage de l'île de Nosy Be à Madagascar avait un passeport italien, a déclaré vendredi 4 octobre le chef de district Malaza Ramanamahafahy.
 
"J'ai vu son passeport", a-t-il déclaré, soulignant que le visa de l'homme était périmé et qu'il se trouvait en situation irrégulière à Madagascar. Le chef de district n'a pas pu confirmer si l'homme avait également la nationalité française, comme l'avait indiqué la veille la gendarmerie.
 
Cet Italien dont le prénom serait Roberto et un Français étaient soupçonnés par la population locale d'avoir enlevé et mutilé un enfant. Ils ont été torturés, lynchés et leurs corps brûlés sur la plage. Le Français, dont seul le prénom, Sébastien, a été rendu public, était entré à Madagascar le 15 septembre avec un visa de tourisme de soixante jours. Son passeport montre qu'il faisait de fréquents séjours dans le pays. 
 
Neuf enfants disparus
 
Jeudi matin, "le corps sans vie du garçon de 8 ans, disparu vendredi, a été retrouvé", sans ses organes génitaux, et sans sa langue, sur la plage d'Ambatoloaka, la principale station balnéaire de Nosy Be, affirme l'adjoint du commandant de la gendarmerie nationale, le général Guy Bobin Randriamaro.
 
La population locale s'inquiétait depuis quelques jours de la disparition de plusieurs enfants – neuf selon la rumeur – et des avis de recherche avaient été placardés avant le drame. Depuis mercredi, la foule était à la recherche d'un Malgache, soupçonné d'être impliqué dans la disparition du garçon. Convaincue qu'il était détenu à la gendarmerie de Hell-Ville, elle avait fait le siège du bâtiment. Les gendarmes ont ouvert le feu pour disperser les manifestants, faisant un mort et deux blessés. L'homme avait été libéré, aucune charge n'étant retenue contre lui. A sa sortie du bâtiment, l'homme a été capturé par les manifestants. Après la découverte du corps de l'enfant, la foule se lance à la recherche de deux étrangers soupçonnés d'être ses complices.
 
Les deux hommes sont capturés et emmenés sur la plage d'Ambatoloaka où le corps de l'enfant a été retrouvé. Selon le général Guy Bobin Randriamaro, les deux Européens ont avoué sous la torture des émeutiers "avoir commis des trafics d'organes". La gendarmerie n'a pas clarifié la nature des soupçons, et n'a pas indiqué si le "trafic d'organes" était lié à un trafic à but médical ou à des pratiques locales de sorcellerie.
 
Dans la soirée, un troisième homme, le Malgache capturé à sa sortie de la gendarmerie de Hell-Ville, a été lynché par la foule, a indiqué le chef de la sécurité, le général Andrianazary. "Les forces de sécurité sont arrivées trop tard", a-t-il dit. Selon le directeur général de la police, Désiré Johnson Rakotondratsima, la population soupçonnait les deux hommes de s'être livrés à des trafics d'organes. 
 
Rumeurs de trafic d'organes
 
"Ces histoires de trafic d'organes ou de corps découpés ne sont que des rumeurs. Le corps de l'enfant disparu a été retrouvé hier soir [mercredi soir] sur la plage après avoir été ramené par la mer. Il était habillé", raconte, vendredi, au journal Le Parisien un Français habitant sur place. Ce témoin dit avoir assisté au lynchage des deux Européens tôt jeudi matin : "Ça m'a réveillé. J'ai vu une foule énorme arriver, je dirais entre 3 000 et 4  000 personnes, y compris des femmes et des enfants. Les deux hommes ont été tabassés puis jetés sur un brasier. C'est quelque chose d'atroce à vivre. Malheureusement, il était impossible d'intervenir."
 
"C'est un événement malheureux et regrettable, mais il ne vise en aucun cas ni les touristes ni même les étrangers, mais des individus bien identifiés", a voulu rassurer Vola Raveloson, directrice de l'Office du tourisme de Madagascar, ajoutant que la population locale "connaît l'enjeu d'un maintien de l'ordre sur place".
 
Appel à la vigilance pour 700 Français
 
Dans un communiqué, le président malgache de la transition, Andry Rajoelina, a condamné "d'une manière ferme et catégorique l'usage de la violence, et notamment l'acte de barbarie qui a été perpétré", et a lancé un appel au calme. A Paris, des messages de vigilance ont été envoyés aux quelque 700 Français résidant à Nosy Be ainsi qu'aux touristes présents sur l'île. L'école française a été temporairement fermée. Le Quai d'Orsay recommande désormais aux personnes présentes à Nosy Be de ne pas se déplacer et à celles qui ont prévu de s'y rendre de différer provisoirement leur visite.
 
Située au large de la côte nord-ouest de Madagascar, Nosy Be est connue pour ses eaux turquoises et ses plages de sable blanc qui en ont fait un lieu de villégiature prisé des touristes, essentiellement français et italiens. Le tourisme sexuel et la prostitution des mineurs y font des ravages.
 
Les meurtres publics ne sont pas rares à Madagascar. Des voleurs présumés ou des conducteurs impliqués dans des accidents mortels ont récemment été lynchés et brûlés vifs. Les foules n'hésitent pas non plus à attaquer les commissariats ou gendarmeries pour essayer d'en extraire les criminels présumés et les tuer.