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Loga Virahsawmy: «La violence envers les femmes a pris des proportions épidémiques»

31 octobre 2010, 00:00

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Loga Virahsawmy: «La violence envers les femmes a pris des proportions épidémiques»

La directrice de Genderlinks fait le point sur l’égalité des sexes à Maurice.

Genderlinks vient de rendre public son «Mauritius SADC Gender Protocol 2010 Barometer». C’est une analyse de la situation de l’égalité des genres à Maurice dans plusieurs domaines, sur la base d’indicateurs sociaux, politiques et économiques. L’organisation non-gouvernementale y fait aussi des recommandations pour mieux valoriser le travail effectué par les femmes et les promouvoir en politique.

Loga Virahsawmy, directrice de Genderlinks, est celle qui a rédigé ce recueil de données. Elle répond aux questions de l’express.mu concernant certaines des recommandations faites dans ce «Mauritius SADC Gender Protocol 2010 Barometer».

Selon vous, pourquoi l’Etat mauricien est-il réticent à signer le protocole de la SADC sur le genre?

Malheureusement, le jour même où ce protocole devait être signé, en août 2008, le chef du gouvernement a réalisé que cela serait anticonstitutionnel. Le protocole de la SADC sur le genre veut une action affirmative. Mais elle est perçue par le gouvernement comme une discrimination positive, alors que la Constitution stipule qu’il n’y aura jamais de discrimination. Mon problème, c’est que plusieurs réunions ont eu lieu entre les hauts officiers de tous les pays de la SADC, quatre années avant la version finale du protocole de la SADC. Pourquoi le gouvernement n’avait-il pas souligné ce point sur la Constitution auparavant? Pourquoi attendre le jour où le document devait être signé pour réaliser tout à coup qu’il est en contradiction avec la Constitution ? Le Premier ministre devrait poser ces questions à ses gens.

Que gagneront les femmes du pays si le gouvernement décide de le signer?

Les femmes gagneront beaucoup. Le protocole n’est pas simplement une bonne chose à faire, mais une nécessité. Il est irrévocable et une fois qu’il est signé et adopté, toutes les parties doivent s’assurer que les engagements sont pris. Ce sont, dans ce cas, tous les engagements, concernant, notamment, l’égalité des genres, la réduction de la pauvreté de moitié, doivent aboutir à 2015.

A quoi serviront l’Equal Opportunities Commission et l’Equal Opportunity Tribunal, que vous préconisez ?

Ce n’est pas moi qui le préconise. L’Equal Opportunities Commission et l’Equal Opportunity Tribunal sont compris dans l’Equal Opportunities Act. Mais cette loi doit être promulguée d’abord afin que l’Equal Opportunities Commission et l’Equal Opportunity Tribunal soient institués. Une fois que ces deux institutions sont mises en place, ce sera plus facile pour les hommes et les femmes de faire de plaintes. C’est facile de mettre des lois. Mais il faut un mécanisme à travers lequel les gens peuvent s’adresser, s’ils se sentent lésés ou discriminés. Les gens doivent aussi connaître leurs droits. Il n’y a pas eu suffisamment de campagnes à Maurice, afin que les hommes et les femmes soient au courant des lois existantes et où ils peuvent se référer.

Le système de quota pour assurer une meilleure représentativité des femmes au Parlement a-t-il uniquement un objectif de quantité? Quel quota suggérez-vous ?

Maurice est loin derrière en ce qui concerne les femmes en politique. De plus, les hommes ne sont pas en train de leur donner l’espace nécessaire, bien qu’il y ait des femmes compétentes dans ce pays. Maurice est très compliqué à cause de l’ethnicité. Quand il y a un choix à faire entre un homme et une femme qui sont dans le même groupe religieux, c’est l’homme qui est choisi. Jusqu’à ce que les hommes acceptent que, pour compétence égale, il faut qu’ils fassent de la place pour les femmes, un quota est important. Le first past the post, où le victorieux gagne tout, est la malédiction de notre système électoral. Il faut qu’il y ait une représentation proportionnelle. Il faut qu’il y ait un zebra/zip system dans la liste des partis. Par exemple, une femme et un homme et une femme ou un homme, dans toutes les circonscriptions électorales. C’est un moyen de s’assurer qu’il y aura un nombre suffisant de femmes au Parlement. C’est mauvais pour un pays qui se veut un modèle de démocratie, qu’un quota soit devenu impératif.

Pourquoi les careworkers dans le domaine du traitement du VIH/sida doivent-ils être rémunérés et par qui ?

Les infirmières qui suivent les personnes souffrant du VIH/sida sont payées par le gouvernement. Pourquoi ce ne serait pas pareil pour les care workers ? Les careworkers ont besoin d’un soutien psychologique, social et financier. Très souvent, ils ont arrêté de travailler pour pouvoir prendre soin des autres – ce qui signifie qu’ils sont en train de perdre de l’argent. Malgré cela, ils doivent en trouver davantage pour pouvoir accompagner ces personnes. Les careworkers ont besoin d’une bonne structure afin qu’ils soient, eux aussi, épaulés. Je dis toujours : Qui se soucie des careworkers ? Pourtant, ce sont des gens qui travaillent dans l’ombre et font un boulot fantastique.

A votre avis, pourquoi la violence à l’égard des femmes est si fréquente dans notre société ?

La violence envers les femmes a pris des proportions épidémiques à Maurice. Nous n’avons jamais étudié la cause et la racine du problème mais nous devons teigne dife tout le temps. J’ai le cœur brisé pour ces centaines de femmes, certaines d’entre elles abusées sexuellement et battues, parfois à mort. Il faut prévenir avant de guérir, ne pas attendre qu’il soit trop tard. Nous faisons tous partie du problème, de la solution. C’est pour cette raison que Genderlinks a initié un projet intitulé Gender based violence indicators project. Soit, comment mesurer la violence sur le genre. Le Mauritius Research Council est en train de faire un sondage des ménages, en notre nom. Une fois que nous connaitrons les résultats, nous organiserons une réunion avec les stakeholders afin que nous puissions passer à l’action.

Un Abortion Bill est une de vos recommandations. Est-ce un projet de loi pour permettre l’avortement ?

Cela dépend de la manière dont il est préparé. Toutefois, cela ne veut pas dire que n’importe qui peut se faire avorter. En Afrique du Sud, il existe un Abortion Act mais les avortements sont permis que sous des circonstances spéciales et seulement dans certains hôpitaux.

L’avortement serait-il permis, par exemple, en cas d’inceste ou de viol ?

Bien sûr, l’avortement devrait être permis dans les cas d’inceste ou de viol. Comment est-ce qu’une jeune fille peut donner naissance à sa propre sœur ? Comment est-ce que le père de cet enfant peut aussi en être le grand-père? Sans mentionner les problèmes de santé, sociaux et financiers reliés à ce genre de cas.