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Labour: «En cette année d’élection, participons à la campagne au nom de notre foi»

1 janvier 2010, 02:00

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Labour: «En cette année d’élection, participons à la campagne au nom de notre foi»

C’est le message du père Jean-Maurice Labour à l’occasion de la messe célébrée en l’église St Jacques, à Souillac, dans le cadre de la Journée mondiale de la Paix, ce 1er janvier 2010.


«En cette année des élections, demandons à Dieu de donner le désir et la volonté à nos hommes politiques de s’engager à réfléchir et faire réfléchir sur des véritables enjeux de société. Que toute la campagne électorale soit orientée vers la construction du bien commun et que le développement intégral de la personne humaine soit au centre de tous les débats», plaide le Vicaire-Général Labour.

Citant le Pape Benoit XVI en cette journée pour la paix qui rappelle que «Si tu veux construire la paix, protège la création», le père Labour relève le fait qu’il faut une révision profonde du modèle de développement et qu’il y ait une réflexion sur le sens de l’économie afin qu’il y ait plus de solidarité.

«Pour que la justice et la paix soient au cœur de tous les débats durant cette année électorale, demandons à Dieu de donner à tous les citoyens l’audace de créer des espaces de rencontre et de débats avec leurs élus afin que les véritables enjeux tels que l’éducation, la lutte contre la misère soit au cœur des préoccupations de tous», insiste Jean-Maurice Labour.

Il revient sur le fait que la démocratie demeure le socle sur lequel se construit une société juste et équitable. Construction qui se fait dans la paix du dialogue, dans le consensus en évitant cette violence qui aboutit souvent à l’injustice. «Une élection générale est le plus grand acte démocratique où les citoyens peuvent jouer leur rôle et exercer leur responsabilité», précise le prêtre. Cependant, il se dit conscient que les élections générales plongent souvent le pays dans une ambiance politique qui est, souvent, «malpropre». «Dans un tel contexte, nous préférons ne pas salir nos mains. C’est vrai qu’avec cette guerre de plastique et de  posters, la politique c’est un domaine où il y a des calculs d’intérêt, des tractations, des guéguerres, du trafic d’influence, de la violence verbale et physique… C’est aussi un domaine où il y a de la corruption où on peut acheter et vendre des consciences», fait-il ressortir.

Logiquement, il faut ne pas s’en mêler. Cependant, se fondant sur l’enseignement de l’église, le domaine politique reste, tout de même, «le champ de la plus vaste charité, de la charité politique.» La raison qui explique, selon le prêtre, que l’église ne sort pas de ses fonctions lorsqu’elle évoque la question politique. «Il y va de l’homme et de l’humanité. Comment pourrait-elle ne pas faire retentir sans cesse l’interrogation lancée dès les premières pages de la Bible: «qu’as-tu fait de ton frère? (Genèse 4,9)», rappelle Jean-Maurice Labour.


«Est-ce que notre action démocratique se limite à mettre des croix sur des symboles poupée ou marionnettes le jour des élections ou est-ce de participer à la campagne électorale? Est-ce que la campagne électorale sera l’occasion d’un véritable débat sur des enjeux relatifs à la construction d’une nation juste et équitable où personne ne sera exclu du développement, comme l’a souligne le président de la République dans son discours», se demande le prêtre.

Il dénonce aussi les tractations d’alliance et les guéguerres personnelles. «Est-ce que notre débat démocratique sera un match entre un électorat rodeur boute et des candidats rodeur boute. Est-ce qu’on se laissera prendre avec des tempo. Voilà la réflexion que propose la Commission Justice et Paix diocèse Port Louis pour cette année électorale», ajoute-t-il.
« Il faut dire haut et fort le respect que nous avons pour la dimension politique de notre société en dénonçant toutes les pratiques qui dévalue et perverti ce maillon essentiel du fonctionnement de la démocratie. Et mettre nos politiciens devant la grandeur et la dignité de leur responsabilité, et exiger d’eux qu’ils servent la société au lieu de se servir eux et leurs familles», précise le Vicaire Général.

La société civile est invitée à engager le débat, les Mauriciens à ne plus être passifs et la population à identifier les enjeux majeurs.

«Il faut l’avouer, les campagnes électorales à Maurice se résument souvent à des débats enflammés sur les alliances pré ou post électorales entre partis, des calculs communalo-castéistes, des distributions de tempos ou des promesses de dons ponctuels, des guéguerres d’audience  quand ce n’est pas carrément des engueulades de bas étage. Parfois, la domination des «affaires» touchant personnalités et partis risque d’envahir la campagne électorale de soupçons, d’accusations, d’amalgames, de polémiques! Ce qui dispense les candidats d’aborder les vrais défis d’une société juste à construire. Les agents électoraux  grassement payés sont mobilisés, plus  pour occuper l’espace de plastique que pour réfléchir et animer les débats. Ce qui influence les votes, c’est l’émotion, le tamtam des ‘bater bis’, les diners, les picnics. Les ‘rôder et les doner bout’ mènent la danse. Au long des âges et dans la diversité des civilisations, les sociétés humaines ont expérimenté maints types d’organisations politiques. Le « vivre ensemble », nous essayons de le réaliser dans la lente mise en place de la démocratie à la mauricienne. Elle n’est pas parfaite mais, fondée sur l’équilibre des pouvoirs et la souveraineté d’un peuple de citoyens égaux en droits et en devoirs, elle apparaît comme le modèle le plus humanisant que nous ayons pu construire et, dans ce domaine, notre pays tient fièrement d’exemple dans le continent africain. Cependant, un des hauts lieux de l’exercice démocratique, à savoir les élections générales et la campagne électorale qui l’entoure, est menacé par ces pratiques clientélistes. L’invasion de l’individualisme, du chacun pour soi, fruit d’un libéralisme qui rejette toute contrainte, l’envahissement  de la permissivité qui laisse  chacun faire ce qui lui plaît, la priorité donnée au « bout » à obtenir plutôt que se mobiliser pour un projet global, des réflexes identitaires, ethniques ou castéistes qui poussent à exclure les autres et à protéger sa montagne, autant de danger qui menacent le libre exercice de la démocratie. Celle-ci a besoin de vertu pour les dirigeants comme pour les citoyens eux-mêmes. Elle a besoin d’une éthique qui repose sur un système de valeurs essentielles : la liberté, la justice, l’égale dignité des personnes – ce que nous appelons le respect des droits de l’homme. Une vigilance s’impose devant le glissement qui s’opère d’élection en élection : le citoyen devient un consommateur passif de la démocratie qu’il revendique alors même que cette démocratie  pour exister, exige  de lui qu’il soit un citoyen acteur», explique longuement le prêtre.

«Je plaide pour que nous les membres du public, destinataires ultime de l’organisation sociale et politique,  nous refusions cette culture émotionnelle et que nous imposions les règles du jeu de la campagne électorale. Invitons les candidats dans nos quartiers dans des rencontres à dimensions humaines pour permettre des débats sérieux. Demandons-leur de s’engager sur des enjeux de société sur lesquels nous aurons constitué des dossiers bien documentés par des personnes compétentes dans divers domaines. Je plaide pour une réhabilitation du rôle politique du citoyen. Imposons à nos candidats, les règles du jeu d’une campagne électorale axée sur des orientations… Je dénonce la diminution sinon l’absence de militance des Mauriciens qui votent certes à 75% mais  pour des enjeux de court terme et pour  obtenir des avantages matériels. Je fais un appel aux politiciens en particulier ceux qui sont sensibles à l’enseignement social de l’Eglise», ajoute-t-il.

Jean-Maurice Labour émet le souhait que la campagne traite des thèmes comme l’éducation, l’économie et l’écologie.

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