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La Réunion : L’avortement explose chez les 12-14 ans

12 juillet 2011, 00:00

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La Réunion : L’avortement explose chez les 12-14 ans

Les dernières données révélées par l’Observatoire régional de la santé (ORS) sont alarmantes. Elles montrent que le nombre de jeunes filles de moins de 15 ans ayant eu recours à un IVG a augmenté de 22% en un an.

La légalisation de l’avortement par la loi Veil (1975) reste l’un des plus importants acquis féministes du vingtième siècle, mais face à l’ampleur du phénomène en outre-mer, on peut difficilement se réjouir. La Réunion est l’un des départements où l’on enregistre le plus grand nombre de grossesses mais malheureusement aussi d’interruptions volontaires de grossesses (IVG).

Et l’écart de ne jamais s’estomper depuis vingt ans : 14,7 IVG pour 1 000 femmes en métropole contre 21,2 à la Réunion. Certes, en 2010 le nombre d’avortements a très légèrement fléchi dans l’île en passant de 4 223 à 4 177, mais il y a toujours autant d’IVG itératives. Près de la moitié des femmes qui ont avorté avaient précédemment eu recours à une IVG (13% avaient eu deux IVG antérieures et 4,3 % en ont eu trois ou plus).

70% avaient une contraception

Quant aux données concernant les mineures, elles restent toujours aussi préoccupantes et deux fois plus élevées qu’en métropole : 6% des IVG en métropole contre 12% à la Réunion. L’année dernière, 493 mineures ont avorté, dont 489 étaient âgées entre 12 et 14 ans. Par rapport à 2009, les IVG des moins de 15 ans ont progressé de 22%. “Je suis surpris d’une telle augmentation, commente le Dr Georges Barau, chef de service de la maternité de l’hôpital de Saint-Pierre. Mais la Réunion a toujours eu un taux de grossesse et d’IVG très élevé chez les mineures. Les conditions socio-économiques ne sauraient uniquement l’expliquer car la progression de la scolarité ne favorise pas la baisse des avortements.

Depuis 2008, le phénomène s’est accru chez les plus jeunes. Pour autant, les grossesses précoces ne sont pas un phénomène nouveau dans l’île et l’ancien préfet a bien tenté d’y faire face en lançant un plan d’actions dont les effets se font toujours attendre…

“Le plus souvent, les grossesses sont de survenue accidentelle”, constate une étude menée par le centre médico-psychologique pour enfants et adolescents (CMPEA) de Saint-Louis. “On a le sentiment d’une certaine insouciance vis-à-vis de la contraception, regrette le Dr Louis Lagarde, gynécologue au centre hospitalier Gabriel-Martin (Saint-Paul). J’ai arrêté de faire des IVG parce que j’étais découragé. Tout cela est dû à une méconnaissance de la contraception.”

Un constat partagé par le Dr Marc Gabriele, gynécologue à l’hôpital de Saint-Pierre et président du réseau de périnatalité : “70% des IVG sont réalisées chez des femmes qui avaient déjà une contraception.” Ce n’est pas l’efficacité du médicament qui est ici remise en cause mais bien la mauvaise gestion de la pilule (oubli ou bien prise non adaptée au cycle). Et malgré le traumatisme d’un premier avortement, certaines n’arrivent toujours pas à dompter leur plaquette. Ainsi, 30 mineures ayant eu recours à une IVG en 2010 avaient déjà avorté dans le passé (7% des mineures). Sachant également que 5% des mineures qui avortent ont déjà un enfant.

Pour le Dr Jacques Ribet, “il y a une énorme responsabilité des médecins généralistes”. D’après ce gynécologue saint-louisien, qui réalise un quart des IVG de l’île, “les médecins prescrivent des pilules sans donner aucune information aux patientes. Souvent, elles ne savent pas où se procurer la pilule du lendemain ou ne savent même pas que ça existe”.
Contrairement à la métropole, la contraception et les grossesses sont généralement suivies à la Réunion  par des généralistes et non des spécialistes. Par habitude mais aussi parce qu’il y a un déficit de gynécologues. D’autres professionnels de santé ne joueraient pas le jeu selon le Dr Gabriele : “Il y a un problème d’accès à la pilule d’urgence. À la Réunion, les pharmaciens ne respectent pas tous la législation et demandent aux jeunes filles leurs papiers, ce qui peut leur faire rebrousser chemin. Quant aux infirmières scolaires, elles sont parfois réticentes à donner la pilule du lendemain.”

La dispensation de deux heures par an et par classe de 4e de séances d’éducation à la sexualité ne suffit visiblement pas à prévenir les comportements à risques. Entre le tabou des questions de sexualité à la maison, le manque d’explication des généralistes et la quasi-absence de campagnes sur la contraception (hormis les associations), les jeunes réunionnaises sont en défaut d’information. Il est peut-être temps que les pouvoirs publics en prennent conscience.

Le Journal de l’île de la Réunion, 12 juillet.
Marie Payrard