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L’économiste Georges Chung Tick Kan : « La valeur de la roupie doit être réajustée »

21 mai 2010, 00:00

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L’économiste Georges Chung Tick Kan : « La valeur de la roupie doit être réajustée »

Pour l’économiste et homme d’affaires, Georges Chung Tick Kan, le développement économique du pays est basé sur les exportations. Ce sont les recettes d’exportation qui payent pour notre alimentation et notre essence. On peut essayer autre chose, « mais ce serait l’horreur », prévient-il.

Que pensez-vous de la position affichée par le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, à l’effet qu’il ne faut pas s’alarmer de la baisse de l’euro ?

Je constate néanmoins qu’il s’inquiète de l’avenir. Il a raison, dans le fond comme dans la forme, de nommer un comité technique spécial pour s’occuper de ce problème. Je constate moi que depuis ces deux derniers jours la roupie amorce une petite descente sur le marché des changes, ce qui doit conforter les opérateurs. L''''euro s’affiche à Rs 42, le dollar à Rs 34 et la livre sterling à Rs 48.

Il y a eu depuis ces deux derniers jours un effet psychologique depuis les déclarations de l’industrie sucrière, des hôteliers et des exportateurs du textile.  A mon avis, la roupie continuera sur cette lancée dans les jours, voire, les semaines à venir.  Le ministre des Finances a raison d’anticiper, prévoir et prévenir. Il donne l’occasion à ceux qui savent le plus de le conseiller.

Oui mais quand il dit qu’il ne faut pas s’alarmer il ne se met pas à la place des entreprises qui affichent des résultats catastrophiques à la Bourse même les banques ne sont pas épargnées…

Pour ce qui est des banques, malgré une petite baisse de rentabilité elles restent largement profitables, bien plus que tous les autres secteurs, exportateurs ou pas. Quant aux autres entreprises cotées en Bourse, il n’est guère étonnant de constater une détérioration assez nette des bilans des entreprises d’exportations due à la baisse de l’euro et de la livre sterling.

A mon avis, les résultats risquent d’être encore plus mauvais si la roupie reste à son niveau actuel. Je crains que les entreprises d’exportation ne seront plus en mesure de créer des emplois en nombre suffisant pour résorber le chômage au cours des prochaines années.  Je constate par ailleurs que pour la première fois même les centres d’appels et d’externalisation des services (BPO) commencent à souffrir.

Alors les difficultés de l’euro relance le débat sur la dépréciation ou la « roupie compétitive », ce qui est plus politiquement correct…

Les termes comme dépréciation ou « roupie compétitive » n’ont pas beaucoup de sens dans la conjoncture eu égard aux mouvements du taux de change au cours des cinq dernières années. Je vous rappelle que vers la fin de 2006 la livre sterling frôlait la barre des Rs 70, l’euro était à Rs 45 et le dollar lui-même naviguait autour de Rs 33.

On comprend mieux pourquoi la roupie à son taux de change actuel provoque le naufrage des entreprises d’exportation. La valeur de la roupie doit être réajustée si on veut préserver l’emploi et en créer d’autres.

Il ne faut pas oublier les 12 000 à 15 000 jeunes qui chaque année sont à la recherche d’un premier emploi. Si l’exportation n’en créé pas je ne vois pas comment le secteur domestique va en créer. Le secteur des exportations est le premier et le principal maillon de la chaîne alimentaire du pays, si vous me permettez cette analogie.

Oui mais les opposants à la dépréciation disent qu’elle ne fait qu’enrichir une poignée d’exportateurs au détriment de la majorité qui les subventionne indirectement à travers l’inflation. Que répondez-vous ?

C’est une manière très naïve de voir les choses. Il nous suffit de constater l’évolution de notre développement économique au cours de ces 30 dernières années. Le moteur de l’économie a été sans aucun doute les exportations qui est aujourd’hui un secteur grandement diversifié.

Textile ou pas la stratégie de développement de Maurice restera toujours fondée sur des « export-led strategies ». L’économie de Maurice est une chaîne alimentaire dont le moteur est les devises étrangères qui rentrent au pays grâce aux exportations.

C’est avec ces recettes qu’on paye l’essence dans votre voiture ou votre bus. Ce sont avec ces recettes qu’on paye notre bouffe, qu’on importe ce qu’on mange. Tout ce qui est possible c’est grâce aux « export-led strrategies ».

Cette stratégie a tout le temps était soutenu par des exportations qui permettent d’être compétitives. Si on veut voir les choses différemment, ce serait une horreur terrible.

Est-ce que la dépréciation est la seule solution possible. Est-ce qu’on ne peut pas imaginer des aides directes et ciblées comme sious le « stimulus package » ?

Je crais qu’il n’y a pas 36 solutions au-delà de l’effort-travail et la haute performance au niveau des entreprises. Du privé comme du public. Toute cette histoire du « stimulus package » relève de l’accessoire. Pour moi, ces mesures n’ont pas beaucoup d’effet par rapport à la performance des entreprises.

Propos recueillis par Stéphane Saminaden