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I WAS THERE 20-01-09

25 janvier 2009, 01:00

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I WAS THERE 20-01-09

Mauricien, originaire de Bambous et âgé de 24ans, je suis ingénieur en informatique diplômé d’une «grande école» d’ingénieur française à Nancy. C’est depuis avril 2008 que je travaille en tant que «Guest Researcher» au NIST (National Institute of Standards and Technology), à Gaithersburg, dans le Maryland, non loin de Washington DC. Le NIST est un laboratoire de recherche scientifique, sous l’égide du Département de Commerce américain, qui est surtout réputé pour héberger un des horloges atomiques, le plus précis au monde.

Je venais à peine de rentrer de l’île Maurice où j’avais passé les fêtes de fin d’année que les festivités avaient déjà débuté à Washington pour l’intronisation de Barack Obama. J’allais rater pour rien au monde cet évènement historique même si j’aurai pu gruger quelques jours de congé supplémentaires.

Le jour J s’approche à grand pas et sachant que ça allait être difficile de se frayer un chemin jusqu’au National Mall ce mardi 20 janvier, j’ai saisi l’opportunité de se faire loger à U-Street chez une amie. La solution la plus économique pour dormir pas loin du centre ville et profiter du même coup de l’ambiance festive de ce quartier afro-américain, où la population fêtait le lundi 19 le Martin Luther King Day. U-Street aujourd’hui quartier huppé de Washington, avait été témoin de violentes émeutes en 1968, suite à l’assassinat de MLK.

Ce soir là, j’ai fait la connaissance de David Swanson, 71 ans, originaire de Minneapolis dans le Minnesota. Cet homme à parcouru 1 000 miles sur un coup de tête pour ne pas manquer ce jour historique. «La dernière fois qu’il y a eu un tel engouement pour une cérémonie d’investiture était celle de John F. Kennedy, il y a 50 ans.» me confie-t-il. Après une nuit écourtée par un spectacle de hip-hop nocturne à même le trottoir, et les sirènes sans-cesse des camions de pompiers, je me lève. Il est à peine 5h du matin. David et moi décidons de rejoindre le Washington Mall le plus tôt possible, histoire d’avoir une bonne vue sur le Capitole.

6h. Arrivé au Washington Mall dans un froid glacial -10°C. Les gens commencent graduellement à affluer sur le site. Les files d’attente se forment devant les «coffee shop» histoire de se réchauffer. Commence alors pour moi 5 longues heures d’attente avant le début des cérémonies. Entre temps j’ai perdu la trace de David qui cherchait une place devant un écran géant. Heureusement les festivités ont débuté à l’heure. J’ai particulièrement apprécié la prestation d’Aretha Franklin et pour tout dire, j’ai été réellement ému par l’interprétation de sa chanson «My Country ''''Tis of Thee’».

Enfin les prestations de Biden et d’Obama ont suivi dans un silence très solennel. C’est à ce moment précis que j’ai fait la connaissance d’une merveilleuse dame, venue de Géorgie dans le sud du pays. Liberty, âgée de 63 ans, me confie qu’elle a manqué le discours de MLK en 1963 au même endroit et qu’elle est aussi de la même génération de ceux qui ont connu les épisodes  de Rosa Park dans le bus de Montgomery et son rêve à elle ce mardi c’était d’être là. Elle était très émue lors de la prestation de serment de Barack Obama, mais aussi très fière du vote de son pays. J’essayais de me mettre dans la peau de ces gens là qui ont eux même connu la ségrégation ou qui sont venus là en mémoire de leurs parents ou de leurs grands parents aujourd’hui décédés. Je pouvais ressentir la joie dans les cœurs de ces personnes, le bonheur de se sentir enfin libéré…

Tout en agitant mon petit drapeau américain, j’écoutais avec attention le discours d’investiture. J’avais les larmes aux yeux surtout quand il a parlé des valeurs fondamentales des Etats-Unis et de ses pères fondateurs. La fermeté et le ton de son discours montre sa détermination d’apporter le changement surtout en ce moment de crise. J’ai été aussi très ému quand il a parlé du «Patchwork» qui est aujourd’hui l’épine dorsale des Etats-Unis. Cela m’a fait penser à notre slogan national « Unité dans la diversité ». La foule était en liesse et je sentais autour de moi une joie de vivre extraordinaire, peu importe sa couleur de peau, ses origines et son âge. On se sentait tout simplement emporté par un élan de fraternité. On criait tous «Obama, Obama! » après chaque phrase de son discours et on se serrait la main et on s’embrassait quand l’émotion était à son plus haut niveau.

A force d’être resté debout, dans le froid, sans bouger je me sens engourdi surtout aux orteils. Les plusieurs couches de vêtements n’ont pas suffit. J’ai du aller chercher refuge dans les musées proches du Mall qui étaient eux même déjà bondés. Beaucoup de parents ont tenu à faire partager ce moment avec leurs enfants souvent en bas âge. Mais ce n’était pas une très bonne idée vu le froid qu’il faisait. D’ailleurs les ambulanciers étaient à pieds d’œuvres et il y a eu quelques cas d’hypothermie.

Dans la foule, j’ai fait la rencontre de plusieurs américains et non-américains venus de très loin (Floride, Alabama, Tennessee ou de l’Illinois) et ils me demandaient à leur tour d’où je venais. C’était une mince d’expliquer à certain ou se trouve l’ile Maurice sur la mappe monde, mais j’étais tellement fier de représenter mon petit pays ce jour là, à cet endroit précis.

L’inauguration du nouveau président s’est terminée sans grand incident et je dis « chapeau bas » aux autorités qui ont su gérer et canaliser ces quelques 2 millions de personnes. Le Mall s’est vidé peu à peu mais j’ai préféré attendre sur place pour éviter cette marée humaine qui se dirigeait vers les bouches de métro.  Je suis arrivé à la maison exténué mais heureux d’avoir été témoin de l’histoire.

Ce soir là on avait prévu de continuer la fête au Bohemian Caverns qui se trouve sur U-Street, un club de jazz très réputé qui a connu des grands noms comme Duke Ellington, Louis Amstrong ou même Aretha Franklin. Mais je devais aussi attendre un appel de Finlay Salesse qui allait m’interviewé en directe sur RadioOne. Malheureusement, la fatigue a eu son dernier mot et la soirée fut courte.

Ce 20 janvier 2009 restera à jamais gravé dans ma mémoire. Je serai fier un jour de raconter à mes enfants et à mes petits enfants que j’y étais…