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Etat séculier : Nita Deerpalsing s’engage dans une nouvelle bataille

1 juillet 2012, 00:00

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Etat séculier : Nita Deerpalsing s’engage dans une nouvelle bataille

La députée Nita Deerpalsing, également directrice de communication du Parti travailliste (Ptr), s’est engagée dans une nouvelle bataille. Celle de lancer un débat sur la nécessité d’un Etat séculier à Maurice. Sa question parlementaire adressée au Premier ministre mardi dernier (26 juin 2012) à l’Assemblée nationale n’a pas suscité une quelconque forme de solidarité déclarée de la part des parlementaires de tous bords.

Elle a été la seule à soutenir sa demande pour un Etat séculier plus explicite au niveau de la Constitution face à un Navin Ramgoolam qui, lui, défend la notion implicite de « sécularité » dans notre Constitution.

Se mettant à l’abri des critiques, Navin Ramgoolam s’est appuyé, au début même de sa réponse, sur un jugement de Cour suprême pour soutenir l’idée de « sécularité » n’est pas un concept « anti-religieux ». Il a ensuite fait référence à un deuxième jugement de l’ancien chef juge, feu Rajsoomeer Lallah, pour déclarer qu’il n’était pas certain de la nécessité d’amender la Constitution pour y intégrer le terme « sécularité ».

Dans son jugement, l’ancien chef juge avait fait ressortir que « nous vivons dans un Etat séculier où la liberté de conscience est un droit fondamental pour chaque citoyen », qu’il soit croyant, non-croyant ou libre-penseur.  « Donc, nous voyons qu’il n’y a aucun besoin d''''amender la Constitution et d’insérer le mot Etat séculaire pour reconnaître ce qui est en fait la nature séculaire de la République de l’Ile Maurice », conclut Navin Ramgoolam.

Un avis partagé par l’ancien Attorney général, Razack Peeroo. Il soutient que « même si dans la Constitution il n’est pas dit de manière explicite que Maurice est un Etat séculier, la République est reconnue comme telle et la société fonctionne et l’accepte ainsi.  « Je ne vois pas la nécessité d’amender la Constitution pour y ajouter un mot qui ne servira finalement pas à grand-chose », assure Razack Peeroo.

La députée du PTr peut, toutefois, compter sur le soutien du mouvement politique Rezistans ek Alternativ. Un des ses animateurs, Ashok Subron, dit apprécier le positionnement de Nita Deerpalsing qui est « sur la même longueur que nous » sur ce sujet, précise-t-il. Ashok Subron va plus loin en martelant qu’il ne suffit pas d’ajouter le mot « secular » dans la Constitution. « L’avènement d’un Etat séculier, bataille qui est un des fondements politiques de Rezistans ek Alternativ depuis sa création en 2005, passe obligatoirement par le combat pour une deuxième République dans lequel nous nous sommes engagés au sein du Forum pour une nouvelle République », affirme Ashok Subron.

Il maintient sa revendication pour une réforme du système électoral actuel. Système qui n’est pas, selon lui, compatible avec la notion de « sécularité » parce qu’il reconnaît la représentation ethno-religieuse.L’animateur de Reziztans ek Alternativ plaide également pour une « séparation totale entre l’Etat, les institutions publiques et la religiosité ».

« Il n’est pas seulement question ici de la Constitution, mais aussi du cadre législatif. Cette séparation implique une abolition des subsides aux religions, et toute autre forme de soutien de l’Etat et des institutions publiques à la pratique religieuse. Il est important d’interdire la présence officielle des représentants de l’Etat aux  rassemblements religieux et d’éliminer toute référence à la croyance religieuse dans le protocole de prestation de serment des élus et autres représentants des institutions publiques », explique Ashok Subron.

Razack Peeroo pense, lui, qu’il faut une réflexion approfondie sur les « caractéristiques particulières et pluralistes de la société mauricienne avant d’apporter un quelconque changement constitutionnel ». Mais sa position sur le financement par l’Etat des affaires religieuses est claire. Le légiste considère qu’il est légitime de penser à une refonte de la relation Etat-religion.

« A l’époque où Sir Seewoosagar Ramgoolam avait introduit les subsides aux religions, les gens n’avaient pas les moyens de construire leurs lieux de culte et de financer l’engagement de leurs chefs religieux. Mais avec le développement économique que nous avons connu, la situation est aujourd’hui différente. On est en droit de remettre en question le financement par l’Etat de la pratique religieuse, puisque les gens ont les moyens d’un autofinancement», souligne Razack Peeroo.

Nita Deerpalsing, elle, s’inquiète de la montée en force des « forces non séculières». Ce positionnement, à l’opposé de celle adopté par la majorité de membres de l’Alliance PTr-PMSD, n’a pas manqué de susciter des vives réactions de la part des associations socioculturelles proches du gouvernement de Navin Ramgoolam.

La Voice of Hindu est montée au créneau pour essayer de faire taire la directrice de communication rouge, et a annoncé une conférence de presse avec le Front commun hindou pour dénoncer « l’attitude négative » de l’élue de la République. Une conférence de presse annulée moins de 24 après, sans qu’aucune explication ne soit fournie.

Toutefois, les premières critiques lancées par la VOH à l’encontre de Nita Deerpalsing sont restées sans réponse. La députée a été accusée d’association volontaire avec ces mêmes « forces non séculières » en temps de campagne électorale.

Mais la principale concernée ne s’est, semble-t-il, pas laissé impressionnée. Elle a tenu tête au Premier ministre à l’Assemblée nationale, insistant à plusieurs reprises pour une réflexion nationale sur le sujet. Elle a proposé « humblement » à Navin Ramgoolam de considérer la possibilité de mettre sur pied « un comité des sages » pour se pencher sur la question.

Le chef du gouvernement n’a pas été convaincu par la proposition de la députée. Il a affirmé qu’il est sûr de devoir chercher « avec une torche » les sages capables de constituer un tel comité.

Si les militants de Rezistans ek Alternativ accueillent positivement l’idée d’un débat sur la notion de « sécularité », ils font ressortir qu’ils n’attendront pas que les dirigeants politiques. Ils sont convaincus que leur contestation constitutionnelle de l’obligation de déclaration d’appartenance ethno-religieuse fera avancer les choses.

« Débat ou pas, nous avons bien l’intention de forcer un changement constitutionnel en faveur d’un Etat séculier », promet Ashok Subron.