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Educateurs spécialisés de l’APEIM : Entre angoisse et attente

29 avril 2013, 08:39

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Educateurs spécialisés de l’APEIM : Entre angoisse et attente

 

 

Ce n’est pas tant la colère que la tristesse, l’angoisse, et le sentiment de ne pas être reconnus à leur juste valeur qui animent les éducateurs spécialisés de l’Association des parents d’enfants inadaptés de l’île Maurice (APEIM).

 

Leur sort est incertain puisque les neuf écoles dans lesquelles ils encadrent 250 handicapés intellectuels de six à 16 ans n’ouvriront pas leurs portes en 2014. À moins d’un changement de fond du ministère de l’Enseignement et une vraie responsabilisation de l’État. «Je ne comprends pas pourquoi nous devons nous justifier pour nos enfants handicapés alors que tout devrait leur revenir de droit comme c’est le cas pour les enfants dits normaux. Ti bizin enn zafer normal, enn droit aki. Nou pa ti mem bizin la pe diskit sa…» La voix de Maryline Gungaram se brise.

 

Cette mère d’un enfant handicapé intellectuel, ancien élève de l’APEIM, travaille comme éducatrice spécialisée auprès de cette organisation non gouvernementale. Elle peine à retenir ses larmes. Une fois avalée la boule qui lui nouait la gorge, elle s’excuse d’avoir laissé l’émotion prendre le dessus. «C’estcomme demander de la charité au ministère et ça, ça fait mal.On a l’impression de se battre dans le vide», ajoute-t-elle.

 

Un sentiment partagé par Paul Virassamy, chef de service et plus ancien employé, car il compte 36 ans de service. «Quand je pense à nos débuts dans les années 70 et comment, ces derniers temps, nous pensions être tirés d’affaire. D’un seul coup tout s’écroule. C’est très dur. Je ne comprends pas comment le ministère peut rester indifférent. Le gouvernement devrait être fier et nous dire merci car ce travail d’encadrement des enfants handicapés intellectuels devrait lui revenir». Il aurait voulu terminersa carrière «avec des roses plutôt qu’avec des épines».

 

Cela fait deux ans que la direction de l’APEIM les a avertis de ses difficultés financières et de son impossibilité à n’obtenir, ne serait-ce qu’une rencontre, avec le ministre de l’Enseignement. La menace quant au devenir des écoles s’est précisée le 21 mars dernier. «Lorsque la direction nous a informés qu’elle a écrit au ministère de l’Enseignement pour annoncer la fermeture de ses écoles, cela a été une douche froide pour nous», relate Maryline Gungaram.

 

Autant pour Paul Virassamy et pour Marie-Claire Maingard. La dernière a été enseignante du primaire avant de rejoindre l’APEIM il y a 28 ans. Elle a été tour à tour éducatrice spécialisée, chef de section et conseillère pédagogique. Pour eux deux, leur carrière est presque achevée. Toutefois, pour Maryline Gungaram qui ne compte que huit ans à l’APEIM, elle est loin d’être terminée. «Ma crainte est de ne plus avoir de boulot», confie-t-elle

 

Ils ont le sentiment de ne pas être valorisés pour un travail somme toute plus exigeant que le simple métier d’enseignant dans le circuit scolaire normal. Marie-Claire Maingard qui connaît bien les deux mondes, avoue avoir adoré travailler avec les élèves brillants. «Cela flattait mon égo. Lorsque j’ai été approchée par l’APEIM, je me suis dit, pourquoi pas. C’est en y étant que j’ai réalisé que le programme d’études d’une école normale est au centre de tout ce que font les instituteurs. Par contre, dans une école spécialisée, l’enfant est au centre et le programme d’études est taillé sur mesure, pour l’aider à avancer.»

 

Pour dispenser un encadrement de qualité, l’APEIM a organisé des formations pour ses éducateurs, assurées par l’Institut Régional du Travail Social et le Centre International d’Etudes Pédagogiques de France. «Nous avons beaucoup appris en termes deprise en charge pour que ces enfants soient autonomes, communiquent, parlent, socialisent, aient des activités cognitives, informatiques et créatives. Ils ont aussi droit à des activités pré-professionnelles pour assurer leur placement dans le monde du travail. Ces formations qualifiantes, pour lesquelles nous avons obtenu des diplômes, sont reconnues par l’État français mais pas par le gouvernement mauricien», explique Marie-Claire Maingard. Le salaire n’est pas à la hauteur du travail accompli. Pour preuve, le salaire moyen d’un éducateur spécialisé après cinq ans de service est de Rs 6 000, alors que celui qui compte 13 ans de service gagne Rs 8 000. Des montants incomparables aux salaires des enseignants dans le circuit scolaire public.

 

L’APEIM refuse de n’être qu’une baby-sitter.«Nous ne voulons pas brader l’éducation spécialisée. L’APEIM a des écoles et non pas des day-care centres qui mélangent les handicaps lourds. Nous offrons des services spécialisés où les déficiences moyennes sont regroupées en fonction du type de handicap», déclare uncadre au sein de l’association. Il enchaîne : «Il y a une radio éducateur-enfant pour sept. En sus de la prise en charge dispensée, une équipe de psychologues, de kinésithérapeutes et de médecins est là en appui. Nous pensons avoir une solide expérience et des compétences reconnues dans ce secteur.» L’association accueille des stagiaires de la France, la Réunion, l’Australie et la Scandinavie.

 

L’APEIM projette à tort l’image d’une organisation aidée de tous, selon Marie-Claire Maingard. «Nous avons droit au Corporate Social Responsibility au même titre que les autres ONG, ni plus, ni moins. Nous sommes dans le rouge. Il ne faut pas oublier qu’en sus de l’encadrement dispensé, nous faisons aussi de la prévention, du dépistage et établissons un diagnostic avant de faire un suivi médical. Nous nous occupons également de la rééducation, de la prise en charge des familles et des visites à domicile», précise-t-elle. Elle ajoute que «tout cela a un coût. Nous ne voulons pas non plus brader l’éducation gratuite en faisant les parents payer pour nos services». Pour décanter la situation, il faudrait, selon eux,que toutes les parties concernées s’attablent et discutent. «Il est temps que nous soyons reconnus comme de vrais partenaires et que nous soyons respectés comme des professionnels qui assurent une formation dequalité aux enfants ayant un handicap intellectuel… »