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Crise en Côte d’Ivoire : des Mauriciens dans la tourmente

16 décembre 2010, 00:00

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Crise en Côte d’Ivoire : des Mauriciens dans la tourmente

Les compatriotes vivant à Abidjan vivent dans la crainte. Avec deux présidents à la tête du pays et les appels à des manifestations, ils bouclent leurs bagages au quart de tour.

Les troubles survenus en Côte d’Ivoire à l’issue des élections présidentielles du 28 novembre dernier, préoccupent fortement la petite communauté de Mauriciens installée à Abidjan, la capitale. Au nombre d’une demie douzaine de personnes, nos compatriotes bouclent leurs bagages avant que la situation ne se détériore, surtout avec deux présidents à la tête du pays.

Oudarao Apajee, 60 ans, affectueusement appelé Maurice, est l’un de ceux qui veulent quitter la Côte d’Ivoire au plus vite. Après avoir vécu 31 ans dans ce pays, il a vendu tous ses biens. Cet ancien chef de production de Parfums Ghandour, une firme libanaise, prend l’avion avec son épouse, Fariba, une Iranienne, ce 31 décembre en espérant un nouveau départ avec la nouvelle année dans l’île.

Ce jeudi 16 décembre, de sa maison au Boulevard Giscard d’Estaing, à Abidjan, Oudarao Apajee a été témoin de la manifestation appelée par Alassane Ouattara, le président désigné par la commission électorale de la Cote d’Ivoire, contre son rival, Laurent Ggabgo, le président sortant qui s’est proclamé vainqueur des élections par un de ses proches au sein du Conseil constitutionnel. « Du gaz lacrymogène a été lancé, heureusement c’était assez loin de chez nous », confie Oudarao Apajee joint au téléphone cet après-midi.

Environ 400 jeunes voulant se diriger vers la Radio télévision ivoirienne (RTI) - principal levier de pouvoir dont dispose Laurent Gbagbo et qui est accusée de diffuser des nouvelles partiales - ont été dispersés par les officiers des Forces de défense et de sécurité (FDS). Oudarao Apajee, lui, ne sait si la situation va se calmer. Son seul souhait pour l’instant, c’est de rentrer au pays et de profiter de sa maison à Vacoas.

Ses 31 ans en Côte d’Ivoire ne sont pas des plus mémorables. C’est vrai qu’il a rencontré sa femme là-bas en 1982, en fuyant le chômage à Maurice, alors qu’il venait travailler pour l’industrie sucrière. La Persane Fariba était alors employée à l’ambassade américaine d’Abidjan. Ils se sont mariés et ont coulé des jours heureux à Cocody, un quartier au nord d’Abidjan. Depuis 1999, après un coup d’Etat, ça a été la spirale infernale. Cinq ans plus tard, après une succession de coups d’Etat, Oudarao Apajee a dû la faire venir à Maurice, avec leur fille, Shirin, à cause de la guerre civile.

Des rafales de mitraillettes et des coups de feu crépitaient dans la capitale. Une balle perdue s’est fichée dans la maison du Mauricien. Il la garde d’ailleurs en souvenir mais, cette fois, mieux vaut prendre la décision de partir, au lieu de prendre une balle au corps. Surtout qu’à l’époque, la chasse aux expatriés était ouverte, les bureaux administratifs saccagés et les écoles françaises brûlées. 

A l’époque, une trentaine de compatriotes réunis au sein de l’Association des Mauriciens en Côte d’Ivoire (Amauci) ont plié bagages pour trouver refuge dans les pays voisins. Tout le monde vivait dans la peur de se faire attaquer par les pilleurs armés de machettes, de barres de fer et de gourdins.

Le 7 novembre 2004, les Apajee ont cru leur dernière heure arrivée. Des rebelles ont fait irruption chez eux. Ils ciblaient tous ceux qui étaient claire de peau. Il a fallu l’intervention de leurs voisins ivoiriens pour les sortir d’affaire. Deux familles mauriciennes ont, elles, dû se réfugier ans un camp militaire français.

« Il était 4 heures du matin. Ma fille et moi dormions. Mon mari était avec un ami ivoirien. Notre ami est sorti et leur a dit que la maison était la sienne et qu’aucun étranger n’y habitait. C’est probablement ce qui nous a sauvés », racontait alors Fariba à l’express-dimanche.

D’Abidjan, mère et fille ont dû être évacuées par la Royal Air Force (RAF) vers Accra, au Ghana. Elles ont ensuite transité par l’Afrique du Sud avant rallier Maurice. A l’époque, des Mauriciens engagés dans l’industrie sucrière ont été rapatriés. Harel Frères possède des intérêts dans ce pays, à travers Sucrivoire, mais depuis ces troubles, aucun compatriote n’est posté sur place, assure-t-on du côté de ce conglomérat. 

Comme Oudarao Apajee, le couple Jean et Claudette Brenon sont également inquiets. Lui est Français et, elle, Mauricienne. Chaque jour, ils transmettent des courriels aux amis et proches pour les mettre au courant de l’actualité ivoirienne.

« Bataille de rues et guérillas dans les quartiers depuis 14 heures, mais surtout à Cocody où on entend des tirs de canon et de mitrailleuses, des rafales de Kalachnikov et surtout des explosions de grenades lacrymogènes. Déjà, entre 4 et 10 morts… A suivre. Pour nous, on est tranquille à la maison, mais inquiets… » écrivent-ils dans un courriel à 15h56.

Les batailles de rue font rage et toujours par courriel, les Mauriciens demandent à leurs compatriotes de prier pour eux et pour qu’enfin la Côte d’Ivoire soit libre.