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Comores : le difficile combat contre la violence à l’égard des femmes

17 juillet 2011, 00:00

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Comores : le difficile combat contre la violence à l’égard des femmes

Moussa Mariata est journaliste au  quotidien comorien Al-watwan. Elle a été l’envoyée spéciale de son journal à  la Rencontre régionale de lutte contre les violences faites aux femmes dans l’océan Indien, qui s’est déroulée la semaine dernière aux Comores. Moussa Mariata a accordé une interview à lepost.fr. Extraits.

Q. La violence aux Comores est la même qu’à La Réunion ?

R. Si à La Réunion et à l’Ile Maurice, il y a beaucoup de cas, c’est parce qu’on en parle, chez nous ça reste un sujet tabou. Chez nous, il est difficile de poursuivre son mari parce qu’il vous a tapé dessus ou tapé sur l’enfant. C’est également difficile de poursuivre le tonton parce qu’il a agressé sa nièce ou son neveu.

Q. Aux Comores, l’homme a tous les pouvoirs ?

R. L’homme est important aux Comores, c’est le mari, c’est le père, c’est le tonton, l’homme en tant que chef du village. L’homme a un double pouvoir dans notre société, surtout à la Grande-Comore.  Le poids du tonton maternel est supérieur à celui du mari et papa. C’est le tonton maternel qui prend toutes les grandes décisions de la famille. Il a une grande puissance. C’est le regard que nous avons sur nos hommes, c’est un regard de puissance et de domination.

Q.C’est toujours la religion qui prime par rapport à la loi ?

R.C’est vrai qu’il y a la religion, mais ce qui est triste c’est que les gens interprètent mal la religion. Les gens interprètent la religion selon leurs intérêts. Et ça c’est interdit par la religion. Un vrai religieux ne peut se servir de la religion pour faire du mal aux autres. Malheureusement, c’est ce qui se passe souvent.

Q. Les religieux peuvent interdire ces violences et ces actes d’agression ?

R. Les religieux peuvent le faire. Ils peuvent intervenir car sur ce genre de sujet, la religion a son mot à dire. Il y a un représentant du mouftora dans la plateforme nationale dans la lutte contre les violences faites aux femmes, cela veut dire que les religieux ont pris fait et cause pour nous.

Q. Ce n’est pas le cas de tous…

R.Ce n’est pas le cas de ceux qui ne sont des chefs religieux, mais qui s’inspirent de la religion pour imposer leurs règles. Ceux-là font du mal à notre religion. Car, je vois mal un "foundi" ou un "moufti" s’appuyer sur la religion pour battre sa femme. Ce n’est pas possible.

Q.Mais, ce n’est pas facile d’en parler ?

A partir du moment où on peut se réunir ici et en parler, j’espère que dans nos îles, nous pourrons prendre l’exemple de La Réunion et de Maurice, et commencer à dénoncer ces violences. Ce fléau concerne le monde entier.

Q.C’est d’abord un problème de société ?

R.C’est vrai que c’est un problème de société, mais chez nous c’est aussi un problème de justice. Quand le juge condamne l’auteur d’un acte violent, le jugement n’est pas forcément appliqué. L’agresseur qui n’est pas inquiété, peut recommencer. Même lorsque l’agresseur est placé sous contrôle judiciaire, il ne pointe pas, il peut même quitter le pays. Il y a là un problème de société, la justice ne joue pas son rôle de protecteur et de régulateur.

Q.C’est toujours la loi du silence ?

On ne peut pas continuer à se taire, ni continuer à subir. Personnellement, je vais continuer à en parler, d’écrire, de provoquer des interventions. Il faut que ça change. Quand la femme est battue, quand elle ne peut dénoncer cette violence, c’est tout un pays qui est pénalisé parce que la femme, elle aura toujours peur d’aller travailler, de faire ses activités. Là, c’est l’économie d’un pays qui est touché.

Q.C’est une question très personnelle, vous avez été victime de ces actes de violence ?

R. Non. Je suis fille d’imam. Papa nous a élevé selon les principes religieux. Il nous a aussi appris l’ouverture d’esprit et de liberté. Il nous a aussi inculqué deux règles : faire des études pour ne pas être mendiantes de notre mari, et aussi savoir dire non.

Publié par http://www.lepost.fr
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