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Andry Rajoelina : Un TGV que rien n’arrête

13 février 2009, 01:00

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Il aura fallu une crise politique majeure pour que ce jeune homme devienne l’une despersonnes les plus médiatisées du moment. Andry Rajoelina, ex-maire de Tana, pourrait sembler innocent, ne représenter aucun danger. Pourtant, derrière un visage enjôleur,presque candide, c’est un fin politicien, un coriace opposant qui prend l’ascendant.

On lui donnerait le bon Dieu sans confession. Et pourtant, les évènements récents font mentir l’adage. Andry (Ange) Rajoelina, maire destitué le 3 février dernier de Antananarivo, la capitale malgache, ne fait pas ses 34 ans, et son visage juvénile, ses manières courtoises, son ton posé, sont à l’opposé de sa pugnacité politique.

Propriétaire d’une chaîne de télévision privée et de la station de radio Viva, Andry Rajoelina est un entrepreneur à succès. Son ascension en politique, il la doit aussi à cela. A la manière de Marc Ravalomanana, actuel président contesté, il est avant tout un homme du privé. Comme lui encore, il est devenu maire de Tana dont il est originaire. La comparaison aurait pu s’arrêter là si la Grande Ile n’avait pas connu des soubresauts autorisant d’autres parallèles. L’ambition est, certainement, encore un point qu’ont en commun les deux opposants. Et Andry Rajoelina en a à revendre.

Surnommé TGV lorsqu’il mène campagne pour la présidence du conseil municipal de la capitale malgache, le jeune Merina (de l’ethnie dont il est issu, celle des hauts plateaux malgaches appelés l’Imerina) a connu un parcours politique fulgurant, qu’il a su accéléré dernièrement. Habile, il a placé les jeunes au centre de son programme politique pour la Mairie de Tana. Comme dans tout pays en voie de développement, la population est jeune, et en s’adressant à eux, Andry Rajoelina a réussi à défaire le parti présidentiel du maroquin municipal.

Ce n’est donc pas un hasard si son parti, Tanona Malagasy Vonona, c’est-à-dire «Jeunes Malgaches prêts» a pu s’imposer sur l’échiquier politique de la Grande Ile. Lorsque nous l’avions rencontré en janvier 2008, alors fraîchement élu le 12 décembre 2007, réservant sa première visite officielle à l’étranger à Maurice, le jeune maire insistait: «Mon but est de démontrer que, malgré ma jeunesse, je suis capable d’apporter des solutions, de l’innovation pour la gestion de la ville en étant ouvert au dialogue».Sans conteste, il s’est surtout affirmé comme un redoutable opposant politique, devant rapidement le leader de l’opposition au régime Ravalomanana – opposition qui regroupe les anciens caciques, entre autres, de l’ère Ratsiraka. Depuis le début des évènements, c’est finalement un autre Andry Rajoelina que le monde a découvert. Il s’est montré vindicatif, sachant compter sur le soutien populaire, maniant adroitement le ras-le-bol généralisé face aux dépense  de l’Etat – commande d’un nouvel avion présidentiel par exemple – et à l’augmentation du coût de la vie.

Jouant sur les antagonismes existants, et profitant de la décision du gouvernement d’interdire d’opération sa chaîne de télévision, Viva TV, suite à la diffusion intégrale d’une interview de l’ancien président Didier Ratsiraka réfugié en France, Andry «TGV» s’est montré intransigeant à l’égard du gouvernement. Demandant la réouverture de sa chaîne, plus de transparence, en bref «plus de démocratie»,Andry Rajoelina a bénéficié du soutien des opposants et de nombreuses personnalités de la société civile. L’élanpopulaire n’est pas loin surtout qu’il n’a pas hésité à défier le président Ravalomanana en lançant un ultimatum. Flirtant avec le populisme il a d’ailleurs lancé lors d’un rassemblement: «Mieux vaut être haï par les rois que par le peuple». Coup de maître en somme. Andry TGV s’est naturellement affirmé comme le chef de file de l’opposition.

Presque inconnu, Andry Rajoelina a fait une entrée fracassante sur la scène internationale. Stratège, il a su conforter ses appuis de la capitale tout en élargissant son discours. Aveu clair au sujet de ses ambitions. Ce n’est donc pas une surprise qu’une fois limogé il s’autoproclame président, défiant encore plus fermement le président malgache.

Tenace, habile politicien, jeune et dynamique, Andry TGV s’affirme comme le nouvel homme fort de l’échiquier politique de la Grande Ile. L’art oratoire n’a que peu de secretspour lui. Il sait réunir les foules, délivrer un message convaincant, d’autant qu’il sait profiter d’une situation tendue, de la contestation du pouvoir en place et de sa jeunesse. Il s’érige, sans le dire, en modèle pour les jeunes générations de Tana, mais aussi du reste du pays. Il se montre soucieux de rassembler les Malgaches, d’abolir les clivages existants notamment entre habitants des hauts plateaux et côtiers.

A la tête d’une nouvellement instituée Haute Autorité de Transition, il vient de nommer un Premier ministre. La détermination se lit clairement sur le visage d’Andry Rajoelina autant qu’elle s’entend dans ses propos et se devine dansson action. Pourtant, l’année dernière Andry Rajoelina ne pipait mot sur un éventuel destin national préférant mettre en avant ses ambitions locales, ses administrés.

«Marc Ravalomanana, actuel président malgache, a été maire de la capitale. Doit-on, pour les années à venir, vous souhaiter le même destin ?» lui demandions-nous. «Je le dis toujours, je souhaite agir pour le bien des habitants de Tana» éluda-t-il. Poursuivant, il précisait: «j’ai néanmoins à coeur le bien de la population en général. Il est trop tôt pour penser à un destin national. Je n’ai que 33 ans et ma priorité reste ma ville. En plus, l’âge minimal fixé par la Constitution pour être candidat aux présidentielles  est de 40 ans». En l’espace d’une année, Andry Rajoelina a été rattrapé par ses ambitions, et a montré que malgré les dispositions constitutionnelles, il était possible, à Madagascar, de défier et de s’imposer.