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Akbar Patel : « Un match ne se joue plus sur le vécu »

10 juin 2010, 00:00

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Akbar Patel : « Un match ne se joue plus sur le vécu »

L’organisation de la Coupe du monde en Afrique est déjà un exploit en soi, estime l’entraîneur national de football, Akbar Patel. Les chances africaines seront le mieux incarnées, selon lui, par l’Afrique du Sud, pays hôte, et la Côte d’Ivoire. Quant à la désignation d’un favori, il pense qu’il est trop tôt pour se prononcer d’autant qu’il n’y a plus de petites équipes et que la culture du haut niveau est telle aujourd’hui que les surprises n’appartiennent plus au domaine de l’exception.

Nous sommes à la veille du début de la première Coupe du monde qui se tient sur le continent africain. Quel est le sentiment qui vous anime à quelques heures de ce grand rendez-vous ?

Déjà, c’est une première. Une phase finale de la Coupe du monde sur le sol africain, dans sa réalisation c’est déjà un exploit. C’est plus qu’un rêve. Cela paraissait difficile que la Coupe du monde se tienne en Afrique. Cela fait énormément honneur à l’Afrique toute entière, aux équipes africaines.

Nous savons les facilités dont bénéficient les équipes africaines par rapport aux autres grandes nations. Organiser la Coupe du monde en Afrique est à ce titre un exploit et un honneur pour le football africain d’autant qu’il y a beaucoup de potentiel qui émerge année après année de l’Afrique.

Pensez-vous que l’Afrique du Sud sera en mesure de relever le défi ?

Sur le plan organisationnel, l’Afrique du Sud a le know how, elle est bien avancée, bien développée.
Si elle a obtenu pareille organisation, c’est qu’elle possède les moyens humains et en termes organisationnels.

Sur le plan sportif, cela paraît plus compliqué mais mois après mois, l’Afrique du Sud est en train de se rattraper et devient cette équipe qui pourrait tenir le challenge de réussir une belle Coupe du monde chez elle. Sur le plan mental, en termes de qualité de travail, il faudra compter avec elle. Elle réalisera une bonne Coupe du monde. Dans la mesure du possible, avec les efforts des équipes africaines, ce sera un succès.

Entre la dernière Coupe du monde et celle qui débute demain, qu’est-ce qui a changé dans le monde du football ? Comment s’est poursuivie l’évolution ?

Nous avons pu voir qu’il n’y a pas d’équipe au-dessus du lot, qui frappe, qui est remplie de stars. Lors de la dernière Coupe du monde, même si l’Italie l’a emporté et si la France était finaliste, elles ne se sont pas montrées au-dessus du lot. Elles avaient atteint ce niveau grâce à un concours de circonstances.

Quand on voit dans cette présente édition la France qualifiée aux barrages, on doit s’attendre à ce que le football mondial connaisse prochainement des secousses prononcées.

Le Ghana a été champion du monde des moins de 20 ans, la Suisse, championne du monde des moins de 17 ans. Nous assistons à un changement dans l’ordre du football mondial avec le développement qui a cours dans les pays un peu plus en retrait.

En Afrique, en Amérique latine, économiquement moins fortes, le football se développe.

L’émergence de leurs joueurs en Europe apporte une culture du football de haut niveau. Nous assistons à un resserrement au plus haut niveau dans le classement mondial.

L’adage « il n’y a pas de petites équipes » sera-t-il de mise cette fois encore ?

 Il n’y a pas de petites équipes. On le voit, malgré les différences dans le classement mondial, par rapport à certains matches où des surprises sont enregistrées. Cela tient à l’opportunité qui est offerte aux joueurs d’évoluer dans les grands championnats. Tout se joue le jour du match, pendant le match. L’équipe qui rassemble le plus de facteurs à ce moment-là l’emporte. Un match ne se joue plus sur le vécu. On ne peut pas dire le champion du monde en titre va gagner. Tout dépend de la gestion des facteurs présents lors d’un match. Les joueurs ont l’habitude de gérer ces moments-là durant un match. Avant, les matches de haut niveau étaient réservés à un groupe. Aujourd’hui, en Europe, il y a un ensemble de joueurs multinational. Ils n’ont rien à apprendre au niveau international. Ils savent déjà ce qu’ils ont à savoir et ils ont le mental pour le réaliser. Dans le football mondial, il est difficile, valeur du jour, de dépister un éventuel vainqueur.

Quelle est votre analyse des forces en présence ?

Au vu de la performance du Brésil dans le Coupe des Confédérations, on peut s’attendre à ce qu’il fasse une bonne performance en Coupe du monde. L’Espagne, championne d’Europe en titre, possède une génération de joueurs bien redoutables. L’Angleterre aussi a un groupe de joueurs qui constituent une belle promotion. Malheureusement, elle n’a pas un bon gardien, ce sera un désavantage. L’Argentine, même si son entraîneur est très controversé, a le plus d’attaquants redoutables. Cette Coupe du monde se jouera sur très peu de choses. La Hollande aussi a une belle promotion. Ce n’est pas évident de désigner un éventuel vainqueur. L’Allemagne, en se basant sur la dernière Coupe du monde, a une équipe très jeune qui gagne en maturité. Les équipes se tiennent de près. Il faudra aussi compter avec l’élément chance au moment de la compétition, les éléments dont nous n’avons aucune notion à ce stade, comme les blessures, les suspensions, les imprévisibles qui font qu’une équipe qui a le moins de défections sera championne du monde.

Quelles sont selon vous les chances des équipes africaines ?

L’Afrique du Sud, le pays hôte, aura un avantage important car elle jouera à domicile : les conditions qui prévaudront, on est au début de l’hiver, l’altitude, le public. Même si cela paraît difficile dans sa poule, elle devrait être le leader des équipes africaines pouvant aller le plus loin possible.

En deuxième position, j’aurais pu placer le Ghana mais Essien a perdu ses atouts. Je crois plus en les chances de la Côte d’Ivoire qui possède plusieurs joueurs dans les grands championnats, des joueurs qui ont grandi ensemble. Le Cameroun a pris un coup de vieux. Leguen essaie de remettre du sang neuf dans son équipe pour plus de dynamisme. L’Algérie, je n’y crois pas personnellement. On l’a vu durant la Coupe d’Afrique, elle est différente de cette Algérie qui avait battu l’Egypte. Les deux équipes qui sortent du lot sont l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire. Elles peuvent inquiéter les grandes équipes dans un grand jour.

Avez-vous une préférence pour une équipe ? Y a-t-il une équipe qui s’impose comme la favorite du tournoi selon vous ?

Les experts sont d’avis que deux équipes ont le potentiel pour l’emporter, le Brésil et l’Espagne. Moi, je pense que ce ne sera pas une question de performances antérieures.

La Coupe du monde, c’est une compétition sur un mois, de très haut niveau, très disputée. Il y a beaucoup de facteurs à prendre en considération.

Les joueurs évoluant en Europe ont été très sollicités, ils sont usés. Quand on voit le nombre de blessures en amical, on se rend compte qu’ils sont au bout du rouleau. Les joueurs les plus en forme physiquement et mentalement et capables de répéter des matches intenses feront la différence. Le laps de temps entre les matches de qualification était grand. En phase finale, il faudra jouer à un rythme soutenu. Il faudra le mental, le physique et ce petit plus. On l’a vu à la dernière Coupe du monde, les équipes qui avaient débuté en fanfare n’ont pu poursuivre sur leur lancée dans la phase couperet.

Les joueurs qui ont été moins utilisés pendant les championnats et qui retrouveront leurs automatismes emmèneront leurs équipes selon moi. Mais il est trop tôt pour faire des pronostics. On sera en mesure de voir l’équipe qui sera le plus à même d’aller loin après deux ou trois matches.

Propos recueillis par Robert D’Argent