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Manière de voir l Nos vieux, un fardeau ou un business ?

10 juin 2023, 13:09

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Manière de voir l Nos vieux, un fardeau ou un business ?

Les traditions et la culture ne sont pas les mêmes dans tous les pays. Au Japon, quand un vieux s’aperçoit qu’il est devenu encombrant pour sa famille, par sa propre volonté, il disparaît. Il trouve refuge dans un quartier pauvre et une sorte de caisson lui sert de lit. Exit. Il en va de même du vieil esquimau. Il laisse partir sa famille nomade, s’assied dans la neige et se laisse sereinement mourir. Tout cela nous mène au problème de nos vieux. La natalité est en baisse à Maurice et l’espérance de vie beaucoup plus longue. La population commencera même à décroître en 2025. Ici, comme ailleurs, on travaille plus pour pouvoir perpétuer les acquis sociaux et la pension de vieillesse. D’où, pour les économistes, l’obligation de produire toujours plus.

Capacités de financement

Avec la longévité, l’État doit payer de plus en plus longtemps la pension. L’endettement devra s’accroître pour régler ces hausses. Quant aux générations actuelles actives, comment les bénéfices sociaux auxquels ils auront droit pourront-ils être préservés ? Ce serait inhumain que nos vieux soient considérés comme un fardeau. Certains experts, en revanche, estiment que cette situation va créer une industrie d’avenir. Plus de logements spécialisés, plus d’équipements médicaux, plus de services et de soins, et plus de création d’emplois. Une perspective proactive purement économique qui ne tient peut-être pas compte de ce qui se passe pour l’humain, devenu vieux sur le terrain.

Jusqu’à la fin du siècle dernier et avant, nos vieux, même malades ou handicapés, restaient le noyau de la famille et mouraient à domicile, entourés des leurs enfants et petits-enfants. Notre société change. Pour ne parler que de la bourgeoisie, le mode de vie ou d’habitation, et les horaires de travail ont été bousculés. De nos jours, les jeunes qui montent ne peuvent plus garder leurs vieux parents avec leurs enfants dans un domicile de plus en plus restreint en espace et construit à la verticale.

Une première solution s’offre à eux via le réseau des carers. Ne nous réjouissons pas trop vite. Un article récent dans l’express a été consacré à ces derniers, dont les tarifs sont souvent exorbitants. Aucun contrôle n’est exercé sur leur rémunération: Rs 600 pour un bain par jour ; pour une semaine, le tarif quotidien fluctue de Rs 800 à 1 000 roupies, et certaines agences fixent la fourchette mensuelle entre Rs 35 000 et 45 000. Le cahier des charges comprend le bain, l’hygiène, le changement de draps, le service des repas, la prise de médicaments et leur transport… La demande dépasse l’offre et, pour les plus modestes, il faut compter Rs 35 l’heure. Évidemment, tout le monde ne peut pas rétribuer de telles sommes, sauf certaines catégories sociales.

Ouvrons ici une parenthèse. Nous constatons tous les jours les mauvais comportements (harcèlements, bagarres, menaces envers les enseignants…) dans le milieu scolaire. Des incidents parfois même graves. Auparavant, les grands-parents, en l’absence des parents, transmettaient à leurs petits-enfants des principes fondamentaux et modelaient leur éducation. La disparition de cette transmission pourrait expliquer en partie une certaine violence. Il n’y a presque plus de role model ou de father figure dans la nouvelle société.

Quid des «retirement homes» ? Des pensionnats ou maisons de retraite font florès. Il existe quelques homes modernes bien équipés avec du personnel qualifié. Mais ils sont inabordables au niveau des tarifs même pour la moyenne bourgeoisie. Blié ! On trouve de nos jours un florilège de ces homes aux tarifs les plus divers. Certains peuvent être recommandés, alors que d’autres, malgré des prospectus prometteurs, ne remplissent pas les conditions minimales, telles que présence d’un médecin en cas de malaise pendant la nuit, qualité de la nourriture… Faudra faire face si on ne trouve pas d’autres solutions. Signalons, hélas, que parfois les visites se font rares, plus le temps passe. N’oublions pas, comme le prédit si bien Jacques Brel (voir encadré), que notre tour viendra.

Une autre catégorie pour les démunis ne se résume qu’à de piètres maisons de retraite où les vieux n’ont droit qu’à une visite par mois des leurs, qui se contentent de signer le chèque mensuel. Il ne faut pas alors s’offusquer de certains cas de maltraitance. On peut supposer que le ministère de la Santé exerce un certain contrôle sur ces établissements asizé bez kas. Un business comme un autre ! Attention à la déshumanisation de notre société. Une psychologue clinicienne spécialisée en gérontologie a confié à un confrère : «Beaucoup de personnes âgées que je rencontre ont le désir de se laisser mourir.» Quid de l’euthanasie que notre société repousse, mais il faudra bien aborder le problème ?

Soins palliatifs

Un pas en avant a été fait. Il faut ici citer le cas de la clinique Ferrière qui a consacré toute une aile et du personnel formé à ce qu’on appelle des soins palliatifs. Rien à voir avec l’euthanasie. Un(e) malade est atteint(e) d’un grave cancer incurable. Il ou elle souffre le martyre. La science décrète que cette personne est condamnée. Le patient ne va pas survivre avec son mal qui l’emportera dans un délai très bref. C’est alors qu’avec l’accord de tous, on peut recourir aux soins palliatifs.

Ces derniers ne sont pas destinés à hâter le décès, mais à gérer les souffrances du patient. Ils vont l’apaiser et l’entourer, dans un cadre propice à la sérénité de façon à laisser partir le patient dans les meilleures conditions humaines possibles. Cette prise en charge est toutefois coûteuse. Il faudrait que d’autres établissements soient formés en ce sens par des professionnels. Pour notre part, nous vous invitons à rendre une petite visite à un des deux «abris de nuit», l’un à St-Jean et l’autre à Trou-Fanfaron, à nos vieux, qui autrement seraient abandonnés.

Les commentateurs du nouveau Budget s’accordent pour estimer que c’est un budget social au détriment de l’économie. Avec des arrièrepensées électoralistes, comme l’aurait fait tout autre gouvernement. Relevons quelques mesures qui vont un tant soit peu soulager les conditions de vie de nos vieux : la TVA enlevée sur 15 produits alimentaires de base, la hausse minime de la pension et de l’allocation pauvreté, une personne ayant à sa charge deux personnes et touchant un salaire inférieur à Rs 50 000 ne paiera pas d’impôt, l’amélioration des infrastructures de santé (urgent besoin dans certains hôpitaux) dotée de Rs 2,2 milliards, la réfection des dispensaires… Pourvu que tout cela ne reste pas lettre morte. In limbo!

D’ailleurs, les Nations unies ont décrété 2021-2030 la décennie du vieillissement. En 2050, le nombre de vieux aura doublé sur terre. Mais quand peut-on dire qu’un être humain est vieux ? Cela peut inclure un éventail de personnes selon leurs capacités physiques ou mentales. Qui décidera ?

Dan bwa ki éna dibwa !

La chanson de Brel

<p>Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux</p>

<p>Même riches ils sont pauvres, ils n&rsquo;ont plus d&rsquo;illusions et n&rsquo;ont qu&rsquo;un cœur pour deux</p>

<p>Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d&rsquo;antan</p>

<p>Que l&rsquo;on vive à Paris, on vit tous en province quand on vit trop longtemps</p>

<p>Est-ce d&rsquo;avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d&rsquo;hier</p>

<p>Et d&rsquo;avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent aux paupières</p>

<p>Et s&rsquo;ils tremblent un peu, est-ce de voir vieillir la pendule d&rsquo;argent</p>

<p>Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit &laquo;<em>je vous attends&raquo;</em></p>

<p>Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s&rsquo;ensommeillent, leurs pianos sont fermés</p>

<p>Le petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanter</p>

<p>Les vieux ne bougent plus, leurs gestes ont trop de rides leur monde est trop petit</p>

<p>Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit</p>

<p>Et s&rsquo;ils sortent encore bras dessus bras dessous tout habillés de raide</p>

<p>C&rsquo;est pour suivre au soleil l&rsquo;enterrement d&rsquo;un plus vieux, l&rsquo;enterrement d&rsquo;une plus laide</p>

<p>Et le temps d&rsquo;un sanglot, oublier toute une heure la pendule d&rsquo;argent</p>

<p>Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, et puis qui les attend</p>

<p>Les vieux ne meurent pas, ils s&rsquo;endorment un jour et dorment trop longtemps Ils se tiennent la main ils ont peur de se perdre et se perdent pourtant</p>

<p>Et l&rsquo;autre reste là le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère</p>

<p>Cela n&rsquo;importe pas celui des deux qui reste se retrouve en enfer Vous le verrez peut-être vous la verrez parfois en pluie et en chagrin</p>

<p>Traverser le présent en s&rsquo;excusant déjà de n&rsquo;être pas plus loin</p>

<p>Et fuir devant vous une dernière fois la pendule d&rsquo;argent</p>

<p>Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit &laquo;<em>je t&rsquo;attends</em>&raquo;</p>

<p>Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non et puis qui nous attend.</p>