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Consommation: vers un Budget «fer labous dou»

28 mai 2023, 21:30

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Consommation: vers un Budget «fer labous dou»

Avec les législatives en ligne de mire, les critiques qui fusent de partout et les consommateurs qui sont écrasés sous le poids du coût élevé de la vie, que les prix laissent un goût amer, aura-t-on droit à un Budget «fer labous dou» vendredi ?

Le Budget 2023-2024 sera présenté le vendredi 2 juin prochain, à 17 heures. Depuis l’annonce de sa présentation, il y a des informations selon lesquelles le ministre des Finances annoncera des mesures populistes lors de son quatrième Budget. De l’autre côté, il est tellement difficile pour les consommateurs de joindre les deux bouts que des mesures visant à soulager la souffrance du porte-monnaie sont attendues.

La préparation du Budget dure depuis le 14 mars dernier avec les consultations prébudgétaires, dialogue entre les membres de la société civile, les parties prenantes et le gouvernement. L’exercice a pris fin le 15 mai. Suite aux nombreuses propositions recueillies pendant ces derniers mois, la balle est donc désormais dans le camp du Grand Argentier. En attendant le discours budgétaire, les possibles annonces trottent dans les têtes. En vue de la situation de misère que vivent les consommateurs, le Budget sera-t-il favorable ? À une année et peut-être quelques mois des élections générales – à moins qu’elles n’aient lieu avant – aurat-on droit à des mesures pour «fer labous dou» ?

Sans doute, mais pas trop quand même. Car selon la Budget Circular 2023/2024, la préparation de ce Budget se fait en considérant que cette année encore, les conséquences du Covid-19, de la guerre en Ukraine et de l’impact du changement climatique perdurent. L’objectif, est-il indiqué, sera de renforcer la stabilité macroéconomique en maintenant le déficit budgétaire à un niveau soutenable et continuer à insuffler de l’élan à la reprise économique, notamment à travers des progrès dans le secteur touristique, des investissements et des exportations plus élevés, une stratégie de substitution des importations, l’accélération de la transition verte et la lutte contre le changement climatique. Au début même des consultations pré-budgétaires, Renganaden Padayachy avait souligné que le Budget sera axé sur des mesures qui soulageront la grande majorité des travailleurs en contribuant à la construction de l’économie. De quoi garder espoir donc…

Pour sa part, Pravind Jugnauth, le Premier ministre, a déclaré, cette semaine, lors de la cérémonie de pose de première pierre de la construction de 200 logements sociaux par la New Social Living Development Limited, que le Budget sera un suivi de la philosophie et de la vision du gouvernement depuis 2014. «Nous aurions pu faire beaucoup plus. Malheureusement, il y a eu le Covid-19, il y a eu un ralentissement causé par l’effet de la guerre en Ukraine...» a-t-il laissé entendre.

Observations et attentes

Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), estime cependant que le gouvernement n’a d’autre choix que de rectifier la situation après les coups portés au pouvoir d’achat. «Le gouvernement a pris des mesures ‘anticonsommateurs’, telles que le maintien des prix des carburants malgré la baisse sur le marché mondial. Il y a eu intervention sur le taux de change pour déprécier la roupie. Cela agit comme un élément provocateur de l’inflation. Le pouvoir d’achat s’est détérioré. Et maintenant, il est temps d’apporter un soulagement pour atténuer les souffrances infligées aux Mauriciens.» Xavier-Luc Duval, le leader de l’opposition, a quant à lui déclaré lors d’une conférence de presse le 13 mai que le Budget est «la dernière occasion pour le gouvernement de redresser la situation».

Le dernier rapport de la Banque mondiale sur la sécurité alimentaire indique que l’inflation alimentaire à Maurice en avril s’élevait à 7,4 %. C’est en baisse par rapport à mars dernier, mais toujours élevé. Selon l’association Consumers’ Eye (CEA), l’inflation atteint toujours un niveau inquiétant. La roupie est en baisse par rapport aux devises étrangères, notamment le dollar américain, l’euro et la livre sterling. L’indice des prix à la consommation a augmenté de 113,3 points à 127,1 points entre décembre 2021 et décembre 2022, soit une augmentation de 12,2 %. De plus, le coût de l’électricité a grimpé depuis février de cette année. «La situation est plus inquiétante que jamais», indique Claude Canabady, secrétaire général de l’association. Selon Suttyhudeo Tengur, président de l’Association de la protection de l’environnement et des consommateurs, si ce Budget ne contient pas de mesures favorables pour rétablir le pouvoir d’achat, la pauvreté s’étendra encore davantage.

 Le coût de la vie augmente, que ce soit pour le logement, les factures, les courses, le carburant ou les frais de transport, avec un salaire inchangé. Avec la hausse des prix, le porte-monnaie étouffe. L’endettement et l’incapacité d’épargner mettent les consommateurs dans une situation difficile, et ils n’ont d’autre choix que d’espérer des mesures de soulagement dans le Budget 2023/2024. C’est le cas d’Anne-Marie, mère célibataire de 53 ans, qui estime qu’il faut faire baisser les prix des carburants et des aliments de base. Elle affirme que faire ses courses devient de plus en plus difficile et que manger sainement est un défi. Elle exprime également des appréhensions quant aux mesures budgétaires à venir. D’autres, comme Jacques, s’attendent à des mesures telles qu’une extension de l’allocation CSG, une augmentation des pensions de retraite et une augmentation de l’exonération PAYE.

Marge de manœuvre Au-delà des spéculations, selon Azad Jeetun, économiste, le ministre des Finances se trouve limité dans sa marge de manœuvre pour soulager les consommateurs compte tenu de la situation du pays. Selon lui, il est nécessaire de laisser le marché jouer son rôle et le gouvernement doit remplir le sien sans prélever l’ensemble de l’argent provenant des taxes.

L’économiste soutient qu’aucune nouvelle taxe ne devrait être introduite dans ce Budget, car cela entraînerait automatiquement une augmentation de l’inflation. Il souligne que sur le marché mondial, les prix ont tendance à baisser et cela devrait se refléter sur le marché local, notamment en ce qui concerne les carburants. C’est une mesure attendue par la population. L’économiste n’est pas favorable à une augmentation des subventions, car cela conduirait finalement à une augmentation des taxes pour les consommateurs. Azad Jeetun souligne que l’augmentation des salaires entraînerait une hausse des prix, ce qui n’est qu’une solution temporaire. Selon lui, pour une solution à long terme, il faut encourager la production locale, notamment dans le secteur agricole, car c’est ce qui ferait baisser les prix.

Nos interlocuteurs font également ressortir que si la dépréciation de la roupie se poursuit, les prix augmenteront. Il faut donc surveiller de près cette tendance, sachant que la dépréciation de la roupie a toujours été une bataille perdue d’avance. Les prix des carburants sont également au centre de toutes les préoccupations. Les coûts élevés des produits pétroliers ont un impact sur le transport en général. Les employeurs doivent payer davantage pour le transport des employés, les usines utilisent du diesel dans leur production, et le secteur manufacturier ainsi que celui de l’exportation sont touchés. Si les prix des produits pétroliers baissent, cela aura un effet en cascade sur de nombreux secteurs de l’économie, selon l’économiste.

Le 11 mai dernier, suite à la réunion du Comité des prix des produits pétroliers et à la recommandation d’augmenter le prix de détail du gasoil, qui a été désapprouvée par Soodesh Callichurn, ministre du Commerce, les prix des carburants sont restés inchangés. L’essence est à Rs 74,10 et le diesel à Rs 54,50. Cette annonce a déçu de nombreuses personnes. Diverses mesures ont été proposées par les représentants des consommateurs et les syndicats qui luttent pour les travailleurs. Reste à voir quelles mesures seront prises en compte pour le Budget 2023/2024

La CEA demande en tout cas un ciblage pour aider les personnes les plus vulnérables et en difficulté. Elle se réjouit de constater que de nombreux autres soutiennent cette demande, selon Claude Canabady. D’autres associations estiment qu’il est grand temps de réduire le prix de l’essence et de supprimer certaines taxes qui s’appliquent également à ce produit, compte tenu de l’impact considérable sur les prix des denrées alimentaires en général, notamment les produits de base. Ils demandent également une augmentation du salaire minimum pour aider ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts. La CEA a proposé, ces deux dernières années, que le ministre des Finances introduise une taxe progressive pour ceux qui ont des salaires élevés, afin de soulager les plus démunis de la société. Elle suggère également une taxe supplémentaire sur les articles de luxe.

Il est également considéré comme nécessaire de mieux protéger les droits des consommateurs et de leur permettre de les revendiquer lorsqu’ils sont lésés. Dans ce contexte, la CEA estime qu’il est nécessaire de mettre en place une nouvelle loi sur la consommation qui est en préparation depuis 2014 et dont l’introduction est promise chaque année. L’ACIM propose de son côté une révision de la structure des prix des carburants, en particulier de l’essence et du diesel, afin de réduire les prix de détail des produits pétroliers. L’association réitère sa demande de suppression de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur tous les produits alimentaires. Avec la dépréciation rapide et continue de la roupie, le coût de divers produits, y compris les produits alimentaires, augmenterait. La suppression de la TVA, en particulier sur les produits de base tels que les conserves, les légumes surgelés, les pâtes, les nouilles et les légumes préemballés, soulagerait les consommateurs. L’ACIM demande également que la TVA sur le savon, y compris les savonnettes, soit nulle.

En ce qui concerne les prix de la viande, du poulet, du poisson, du lait en poudre, du thé local et de nombreux autres produits qui ont augmenté au cours des deux dernières années, l’ACIM propose un contrôle des prix sur divers produits de base afin de contrer l’exploitation excessive et la surenchère des prix pratiquées par les entreprises.

«Azad Jeetun n’est pas favorable à une augmentation des subventions, car cela conduirait finalement à une augmentation des taxes pour les consommateurs.»

L’association estime que de nombreuses entreprises réalisent d’énormes bénéfices mais ne paient que 15 % d’impôts. Par conséquent, selon l’association, le gouvernement devrait augmenter les impôts et les recettes plutôt que de charger les consommateurs de taxes sur le pétrole, de prix plus élevés pour l’électricité, de la dépréciation de la roupie et de l’augmentation exorbitante des droits de douane, comme c’est le cas dans de nombreuses autres économies libérales.

Les syndicats, tels que la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé, ont proposé un salaire minimum mensuel de Rs 15 000 avec une augmentation de l’allocation de revenu CSG à Rs 1 500 afin d’éviter que les personnes en bas de l’échelle ne souffrent de malnutrition. Ils proposent également des facilités de formation pour permettre aux femmes d’accéder au monde du travail.

De nombreuses mesures ont été proposées et des spéculations sont faites sur les éventuelles annonces populaires et favorables du Budget. Il reste une dernière semaine d’attente pour connaître les décisions qui ont été prises.

Aura-t-on le sourire après ce Grand oral ? Ou rira-t-on jaune ? Réponse bientôt.