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Sécurité routière: L’imprudence et l’irresponsabilité à l’origine de la plupart des accidents

26 mai 2023, 18:00

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Sécurité routière: L’imprudence et l’irresponsabilité à l’origine de la plupart des accidents

Il ne passe pas un jour sans qu’un accident ne se produise sur nos routes. Les usagers de la route, principalement les piétons et les deux-roues, sont de plus en plus vulnérables aux accidents. Avec le tram, qui fait dorénavant partie du paysage du transport routier, la vigilance des usagers de la route est de mise. Selon les statistiques, 44 usagers de la route ont perdu la vie dans des accidents depuis le début de l’année. De plus, les accidents de la route coûtent plus de Rs 6 millions à l’État par an.

Le samedi 13 mai, un automobiliste de 76 ans s’est retrouvé sur les rails à Curepipe. Un autre accident, qui s’est produit à Bassin-Blanc, aurait pu avoir des conséquences graves lorsqu’un bus de Triolet Bus Service (TBS) a fait une sortie de route, avant de terminer sa course dans le caniveau. Un accident dû au chauffeur qui aurait mal négocié un virage, selon la police. Sur la quarantaine de passagers que transportait l’autobus, une dizaine ont été blessés. Hier soir peu après 20 h 30, un piéton a été fauché sur un passage clouté par une voiture à Rose-Belle, en face de la banque Absa. Le piéton, dans un état critique, a été transporté à l’hôpital.

«Il est regrettable de constater que du 1er janvier au 15 mai de cette année, comparé à l’année dernière, il y a eu une hausse de 58 % des accidents fatals et une hausse de 48,4 % du nombre de victimes», analyse Alain Jeannot, président de l’ONG Prévention routière avant tout (PRAT) et du National Road Safety Council (NRSC). Cependant, il rappelle qu’en 2021, certaines restrictions sanitaires étaient toujours en vigueur. Elles réduisaient non seulement le volume de piétons et d’automobilistes, mais également les risques.

Alain Jeannot met en garde contre une hausse croissante du nombre de morts si la tendance se maintient. «Nous sommes à 108 morts et, si nous continuons à ce rythme, nous pourrions atteindre environ 130 victimes, chiffres d’avant le Covid.» Selon son analyse, 81 % des victimes appartiennent à la catégorie d’usagers dits vulnérables, soit les piétons et les deux-roues. «43 % des accidentés sont des motocyclistes et 39 %, des piétons. Par rapport aux piétons, les personnes âgées sont surreprésentées parmi le nombre de victimes. Six piétons sur dix sont âgés de plus de 60 ans. Il y a une augmentation de 75 % par rapport à la période correspondante de l’année dernière. (NdlR, du 1er janvier au 15 mai).» Notre interlocuteur estime que les personnes âgées circulent beaucoup plus dans un contexte où le nombre de véhicules a augmenté de 4 %, et où les automobilistes roulent au-dessus de la limite de vitesse et sont inattentifs au volant.

Autre analyse que fait Alain Jeannot, 52 % des victimes d’accident, y compris ceux qui sont fatals, le sont pendant le week-end. Les raisons : «Les sorties, les loisirs, l’alcool, la vitesse et, de manière un peu marginal, la drogue. On a des moyens de contrôler la drogue au volant.» Il y a également l’inattention causée par le téléphone portable.

De son côté, Barlen Munusami, auteur du Guide complet du conducteur, parle lui de l’attitude et du comportement des usagers de la route, qui seraient les principales causes d’accidents. «90 % des accidents sont causés par une erreur humaine. L’attitude affecte le comportement.» L’expert en sécurité routière cite d’autres facteurs comme l’indiscipline, le non-respect mutuel de la route et l’égoïsme. Il cible également les jeunes nombreux à périr dans les accidents de la route pour les mêmes raisons. «Ils sont immatures et n’ont pas d’expérience.» Selon lui, l’excès de zèle et une montée adrénaline sont souvent décrits comme un cocktail dangereux car «ils n’ont pas de contrôle sur le véhicule. Ce qui provoque des accidents, des dérapages, des tonneaux».

L’ancien ministre des Infrastructures publiques et du transport se désole que la sécurité routière ne soit pas une priorité du gouvernement. «C’est avant tout pour sauver des vies et diminuer le nombre de morts.» Nando Bodha explique que lorsqu’il était ministre, une commission ministérielle et un comité national technique avec des spécialistes, présidé par le Premier ministre, avaient été mis en place. Ces comités se réunissaient régulièrement.

Or, fait-il ressortir, il n’y a pas de suivi. Pour diminuer le nombre d’accidentés parmi les deux-roues, il souhaitait introduire les motos-écoles. Selon lui, il aurait fallu une subvention de Rs 3 000 à Rs 4 000 pour encourager les motards à suivre une formation. Mais le projet a été abandonné. «Il n’y a pas de volonté réelle pour s’attaquer à ce problème (Ndlr, la sécurité routière). On agit émotionnellement dans un premier temps, et politiquement, dans un deuxième temps. (…) Nous perdons souvent des jeunes dans des accidents… J’avais même fait venir un expert en accidentologie car je voulais sauver des vies.» Pour les férus de vitesse, il y avait même un projet de circuit automobile. L’ancien ministre explique qu’il y a un laisser-aller avec la route qui devient une jungle. «Il n’y pas de responsabilité des différents usagers de la route.»

Que faire pour diminuer le nombre d’accidents sur nos routes ? Nando Bodha estime qu’il faut une responsabilisation de l’État pour s’attaquer aux problèmes de sécurité routière. Selon lui, non seulement le Premier ministre doit donner l’exemple, mais, il faut remettre en place toutes les structures pour que la sécurité routière devienne une priorité dans l’éducation.

Barlen Munusami parle, lui, de la responsabilité des parents. «Les parents ont un rôle indirect à jouer. Ils ont un droit de regard. Kouma zanfan la gagn 18 an, paran deryer zot pu al tir zot lisans. Zot asté enn loto, donn zot. Les parents pensent que les accidents n’arrivent qu’aux autres.» Autre solution que l’expert préconise, c’est de rendre le permis probatoire obligatoire. «Pour les jeunes qui n’ont pas d’expérience, c’est une façon de les contrôler.»

De son côté, Alain Jeannot, fait ressortir qu’il faut adopter de bonnes pratiques lors des sorties. «Organisez vos sorties. Pratiquez le système de Bob. Prenez un taxi ou le transport en commun.» Il affirme également que les hôtes ne doivent pas encourager le «drink and drive». 70 % des accidents causant mort d’homme et blessés sont dus à un dépassement. «Il y a la dimension de la fatigue avec laquelle il faut jongler.» Aux deux-roues qui se trouvent en haut de la liste des plus vulnérables, Alain Jeannot les exhorte à respecter le code de la route, la limite de vitesse, de porter un gilet rétro réfléchissant, de bien porter leur casque, et de ne pas slalomer entre les véhicules.

Avec l’hiver qui pointe le bout de son nez, Alain Jeannot estime qu’il faut sensibiliser les piétons à la couleur des vêtements à porter pour être visibles aux autres usagers de la route. «Il n’y a pas de ségrégation sur les routes. Dans certains endroits, il n’y a pas d’éclairage. Il faut se faire voir. Portez des vêtements clairs.»

Semaine meurtrière sur nos routes

Jason Sagai et Neeraj Mattarooa sont décédés cette semaine des suites d’accidents de la route.

Le nombre de morts est passé à 51 depuis le début de l’année, soit 18 de plus que l’année précédente. La dernière victime en date est Jason Sagai, un habitant de Baie-du-Tombeau. Le jeune homme a été victime d’un accident il y a quelques jours. Il est la troisième victime cette semaine. Mardi, deux autres, un jeune homme de 35 ans et une habitante de Terre-Rouge âgée de 59 ans, ont rendu l’âme après avoir passé de nombreux jours à l’hôpital.

Jason Sagai, un jeune père de deux enfants, qui a vécu pendant un long moment, en Angleterre, se trouvait sur sa moto à Baie-du-Tombeau lorsqu’il est entré en collision avec une autre moto. Il a dérapé avant d’être projeté sur l’asphalte. Transporté à l’hôpital pour des soins, son état de santé s’est détérioré et il a poussé son dernier souffle, hier, à l’hôpital. Une autopsie a été pratiquée en fin de journée pour déterminer la cause de son décès.

Sahida Bibi Usuree, âgée de 59 ans, a, elle, été percutée par une camionnette conduite par un mécanicien de 31 ans, habitant Camp-Fouquereaux, le 27 avril. Selon des sources policières ayant visionné les images des caméras de Safecity, la victime avait été vue aux alentours de 15 h 54, attendant sur un trottoir près des feux de circulation sur la route principale de Terre-Rouge. Alors que les feux étaient toujours verts, Sahida Bibi Usuree a soudainement traversé derrière un véhicule qui attendait de tourner à droite pour se diriger vers le rondpoint de Terre Rouge. C’est à ce moment-là que la camionnette, qui sortait de Port-Louis pour se diriger vers Pamplemousses, a percuté la quinquagénaire. Un test d’alcoolémie a été effectué sur le mécanicien, qui s’est révélé négatif.

Grièvement blessée, Sahida Bibi Usuree a été transportée à l’hôpital SSRN de Pamplemousses par la police. Elle a reçu les premiers soins avant d’être transférée aux soins intensifs, sous assistance respiratoire. Son état de santé s›est détérioré et, mercredi en début de soirée, Sahida Bibi Usuree est décédée. Une autopsie pratiquée dans la nuit par le Dr Monvoisin a attribué son décès à des lésions crânio-cérébrales.

Par ailleurs, Neeraj Mattarooa, un habitant de Tranquebar âgé de 35 ans, a été victime d’un accident de la route le 13 mai. Il roulait en direction de Moka lorsque, au niveau du pont Colville Deverell, quand une collision entre deux motos s’est produite. Le trentenaire a perdu le contrôle de sa moto et a été projeté sur l’asphalte. Selon des témoins de l’accident, deux voitures sont passées à côté de lui sans que les conducteurs ne s’arrêtent pour lui porter secours, tandis qu’une troisième lui aurait roulé sur le bras. Son frère, Avinash, qui revient sur les derniers instants de son frère, a du mal à accepter son départ. «Si seulement ces deux conducteurs s’étaient arrêtés pour lui porter secours, peut-être qu’aujourd’hui il serait encore en vie», lâche-t-il.

Neeraj Mattarooa, qui était très engagé socialement et toujours prêt à aider, était le plus jeune d’une fratrie de quatre garçons. Sa cousine, Reema, de qui il était très proche, le décrit comme quelqu’un de sympathique avec qui on ne pouvait pas rester fâché. «Nous étions tellement proches. Les rares fois où je me mettais en colère contre lui, il trouvait toujours quelque chose pour me faire rire et oublier», raconte-t-elle. Il laisse derrière lui un fils âgé de neuf ans. Son autopsie a attribué son décès au syndrome de détresse respiratoire acquise.