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Sports: défendre Maurice oui, mais à quel coût

10 avril 2023, 09:00

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Sports: défendre Maurice oui, mais à quel coût

On se souvient encore de la fièvre et de l’hystérie collective qui avait secoué les Mauriciens en 2019, lors des Jeux des îles (JIOI). Ils se sentaient tous fiers que les sportifs aient remporté autant de médailles et que le pays ait remporté cette 10ᵉ édition, tenue à domicile. Quatre ans après, il semble que l’ambiance ne soit plus la même, alors que la 11ᵉ édition des JIOI tend les bras aux athlètes, à Madagascar. «Cela fait dix ans que je suis en sélection nationale et à presque quatre mois des jeux, nous n’avons eu aucune rencontre de préparation ou de déplacement international. On ressent une absence incroyable. D’autant plus que 80 % de la sélection se trouvent au sein de mon équipe», dit Alison Labour, capitaine du Quatre-Bornes Volleyball Club (QBVBC). 

Pourtant, ses co-équipières et elle auront l’occasion d’avoir un «frottement» avec les joueuses du continent africain lors des Championnats d’Afrique qui se tiendront du 13 au 26 mai en Tunisie. Mais comment y aller alors que, financièrement, c’est la panne sèche ? Surtout que pour un tel déplacement, quelque Rs 2,2 millions seront requises. Mais ce n’est pas la première fois qu’elle se retrouve face à un tel problème ; c’est même devenu chose courante depuis quelques années. «On se bagarre pour remporter le championnat national, mais on n’obtient pas de récompense. Je me souviens que huit, voire dix ans de cela, les équipes championnes remportaient Rs 100 000 ou Rs 200 000. Et même les tournois pour lesquels elles étaient qualifiées par la suite étaient pris en charge par la fédération. Ce qui n’est plus le cas de nos jours», déplore la championne mauricienne. 

Cela rendait la compétition encore plus attrayante et surtout l’île Maurice était sûre d’être présente sur la scène internationale. «Déjà que nous avons eu à chercher un budget pour participer au Championnat des clubs de la zone 7. Nous avons eu un coup de pouce de certaines compagnies. Il y a le grant de la municipalité, ce qui fait que le club a un fonds. On se débrouille tant bien que mal.» Cette foisci, contrairement aux années précédentes, le QBVBC a le temps de s’organiser financièrement pour aller défendre les couleurs de Maurice en Afrique, mais est-ce qu’il pourra s’y rendre vu que ce n’est pas la joie au niveau financier ? «Parmi les frais, il faut aussi penser aux dépenses pour les soins médicaux. Que l’on se retrouve à payer de notre poche.» Ce problème ne touche pas que le volleyball. «Plusieurs sportifs sont concernés.» 

On leur a fait comprendre que pour attirer l’attention du ministre de l’Autonomisation de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs, il faut remporter des tournois. C’est ce qu’elles ont fait. «Nous avons le plus grand palmarès de volley du pays, incluant le championnat masculin. Nous faisons des sacrifices pour notre passion. Nous avons demandé à rencontrer le ministre, mais il demeure inaccessible.» On apprend que, lors de la réunion mensuelle du Steering Committee de la Team Mauritius du ministère, un montant de Rs 500 000 aux équipes participantes aux Championnats d’Afrique a été approuvé. Néanmoins, l’équipe s’organise en faisant un «crowdfunding». «On est arrivé à plus de Rs 200 000. Mais on se sent mal de mendier auprès du public mauricien pour qu’il nous aide à aller défendre les chances mauriciennes…» 

D’autres disciplines font face au même problème, comme le tennis. Considéré comme un sport pour les «gens aisés», le tennis attire pourtant beaucoup d’adhérents. C’est le cas de cette mère qui, par peur de représailles contre son enfant, préfère parler sous le couvert de l’anonymat. «Cela fait des années que mon enfant pratique cette discipline, et je dois reconnaître qu’il est doué. Mais pour aller encore plus loin, il lui faut du ‘frottement’. Et aller à l’étranger coûte très cher.» Certains jeunes se sont rendus en France pour un stage de plus d’un mois, qui a coûté plus de Rs 150 000 aux parents. «Comme il aime ce sport, on a essayé de lui faire plaisir.» Mais quand il s’agit des compétitions internationales où les tennismen défendent le drapeau mauricien, les parents s’attendent à ce que la fédération finance le déplacement. Or, ce n’est pas le cas. 

Cette mère avance que la fédération a payé les trois-quarts de la somme du déplacement. «L’argent de poche et le quart restant sont à la charge des parents.» Ce qui les agace le plus, c’est que ces jeunes défendent le quadricolore et qu’en retour, ils n’ont pas la considération qui leur est due. «On doit chercher des sponsors pour les déplacements. Les coûts deviennent de plus en plus conséquents…»

Il y a quelques années, les fédérations avaient les fonds nécessaires pour aider les sportifs lors de leurs déplacements, comme nous l’apprend le sprinteur Stéphan Buckland. «L’Association mauricienne d’athlétisme payait pour mes déplacements à l’étranger.» Et l’on sait qu’il a participé à plusieurs grandes compétitions et a fait flotter haut le quadricolore. «Aujourd’hui, je ne sais pas d’où vient le problème. Il faudrait que le ministère et les fédérations accordent leurs violons. Les fédérations doivent être capables de dire au ministère quelle somme doit leur être attribuée pour les déplacements d’une année.» 

Stéphan Buckland pense que le ministère se doit d’avoir des fonds réservés pour ces déplacements. Plus un sportif a un «frottement» à l’étranger, plus il peut réaliser de bonnes performances. «Je pense que le ministère doit revoir son mode opératoire afin que les sportifs en sortent gagnants. On ne peut pas envoyer plus de dirigeants lors des compétitions que d’athlètes. On ne peut pas favoriser les membres des fédérations ou ceux du ministère au détriment des athlètes.» Selon lui, le ministre s’occupe plus du terrain politique que de celui du sport. 

Les sportifs se sentent comme des laissés-pourcompte. On s’interroge sur les performances lors des prochains JIOI à Madagascar à ce rythme-là…