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Drogue: ces jeunes à l’école du trafic

20 mars 2023, 21:00

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Drogue: ces jeunes à l’école du trafic

Récemment, un adolescent de 13 ans, soupçonné de livrer de la cocaïne dans deux collèges, s’est retrouvé à l’hôpital après avoir tenté de mettre fin à ses jours. Un phénomène qui peut surprendre, vu l’âge du «dealer». Mais ce n’est pas un cas isolé, estiment des travailleurs sociaux. Tant dans la consommation que dans la vente de drogue, la jeunesse s’enlise davantage. Pourquoi ? Que faire ?

«Dépi laz 13 an mo’nn komans drogé. Mo ti pé pran sintétik. Mo’nn tenté par sa mwa. Sété dan lékol a traver kamarad. Lerla mo’nn vinn akro. Mo ti népli al lékol. Kouma lévé gramatin, rod ladrog mem. Apré sa, mo’nn komans vann sintétik. Enn kamarad ti pé donn mwa sa pou deal», confie Anthony, 15 ans, qui «dealait» en dehors de son école pour s’approvisionner en stupéfiants. «Pa koné komié létan mo’nn fer sa, mo’nn bliyé. Mé mo pé anvi sorti ladan. Si mo kontinié koumsa, mo pou al rant dan problem. Mo’nn trouv enn sékour dan Centre d’accueil Terre-Rouge. Zot pé fer tou pou ki mo népli res dan ladrog. Li danzéré sa. Mo dékonsey bann zénes rant ladan», avoue-t-il. 

D’ailleurs, l’adolescent constate que «beaucoup de jeunes s’adonnent à la vente de drogues» avec deux motivations : se faire de l’argent et se droguer. Ses uniques souhaits aujourd’hui : décrocher de la drogue et trouver un emploi, car, dit-il avec tristesse, «lékol pa pou répran mwa». Ce sentiment de désarroi anime bon nombre de ces jeunes dealers et consommateurs de drogue. Ainsi, le cas de cet adolescent-consommateur de 13 ans, soupçonné de vente de cocaïne dans des écoles, n’est pas passé inaperçu dans les médias. Il a dû être hospitalisé après une tentative de suicide et aurait indiqué à la police que son fournisseur serait un autre collégien. 

«Dan sertin kartié kot ladrog traversé, swa to viv mizer mem swa to viv kouma enn lérwa kan to enn zénes. Plizier plas mo trouv bann ti zénes inn tom net ladan. Dé konsomasion zot inn plonz dan dealing asterla», constate James, la vingtaine, qui, comme chauffeur, sillonne l’île pour son travail. À plusieurs reprises, il a été abordé par ces jeunes dealers aux poches achalandées d’une diversité de stupéfiants. 

Une situation récurrente, selon José Ah-Choon, directeur du Centre d’accueil de Terre-Rouge. Il évoque plusieurs cas d’élèves de 14 à 15 ans, référés par la cour, après des détections de gandia et autres stupéfiants dans leur école. Ces derniers sont motivés par les gains et les facilités et la plupart ont commencé à se droguer dès 13 ans. «Ils vendent du gandia et de la drogue synthétique qui est accessible. L’attraction de l’argent facile est tentante. Ils peuvent se faire entre Rs 1 000 et Rs 1 500 par jour. Si nous ne prenons pas les choses en main, la situation va se dégrader», prévient-il. Il observe un rajeunissement des consommateurs et dealers ainsi que l’usage des enfants par les trafiquants de drogue. 

Imran Dhanoo, directeur du centre Idrice Goomany, explique que, depuis 2014, alors que siégeait la commission Lam Shang Leen, des recteurs et représentants des autorités éducatives avaient déposé et reconnu le problème de consommation de substances psychoactives dans les établissements scolaires. «Nous avons eu des cas de consommateurs. Maintenant, je ne suis pas étonné que nous commencions à avoir des situations de jeunes revendeurs de ces produits illicites. Ce problème m’interpelle. Définitivement, l’âge de l’adolescent de 13 ans est préoccupant. J’avais déjà perçu ce phénomène ces dernières années, notamment pour le rajeunissement de la consommation des stupéfiants. Désormais, celui du drug dealing.» 

Quant aux raisons poussant les jeunes à la revente, Imran Dhanoo explique qu’après l’accoutumance aux produits, on peut se servir d’eux pour ces transactions en échange de leur dose. L’appât du gain revient aussi sur le tapis, surtout s’ils sont en condition de précarité. «Une étude de leurs profils donnerait des indications plus précises. Le facteur argent est déterminant. Y a-t-il une corrélation avec la pauvreté ? Il faudrait l’analyser. Mais cela fait peur d’autant que les enfants sont malléables à cet âge», précise-t-il. Ce constat est partagé par Edley Maurer, manager de l’ONG Safire. L’adolescence constitue une période où les jeunes sont très vulnérables et dépourvus de facilités dans certaines régions. «Ils sont alors à risque et deviennent des proies faciles. Sur le terrain, la situation est inquiétante avec ces jeunes revendant des drogues. Nous avons parlé avec certains et constaté qu’ils sont inconscients des dangers encourus et se laissent influencer. Beaucoup ignorent ce qui est légal et ce qui ne l’est pas», confie-t-il. Pour Anand Bheeca, président de l’Association parents enseignants du collège Saint-Joseph, un enfant qui se drogue, c’est déjà un enfant de trop. Donc, pas question que cela s’amplifie. «Nous devons prendre le taureau par les cornes et faire suivre les actions rapides et légales.» Forcément, dit-il, l’accès au matérialisme comme un nouveau portable ou plus de drogue agit comme incitatif au drug dealing. 

Que faire justement ? Selon José Ah-Choon, avant la pandémie, la sensibilisation était effective dans les collèges. Hélas, ces sessions n’ont pas repris. Des campagnes intensives ciblant davantage les jeunes doivent être entamées. Pour Imran Dhanoo, une étude de la prévalence des drogues dans les écoles primaires et secondaires est requise. Le Global Health Survey, auquel collabore le ministère de l’Éducation, comporte des données sur le tabac, l’alcool et les pratiques alimentaires. «Or, il est grand temps d’analyser l’ampleur de la drogue en milieu scolaire. Car pour s’attaquer au problème, il faut en connaître l’étendue», soutient-il. Notre interlocuteur s’interroge également sur ce qu’il advient des jeunes dealers. Il serait judicieux que les organismes gérant ces situations étudient leurs profils pour mieux les encadrer. À son sens, une politique de prévention de drogue doit être instaurée dans toutes les écoles primaires dès le Grade 5 et dans les collèges. «Tout citoyen vivant sur notre sol concède que la drogue constitue un enjeu majeur. Maintenant, d’autres questions se posent. Avec la promulgation de la Children’s Act, l’âge de responsabilité légale est de 14 ans. Je me demande si le recours aux adolescents de moins de 14 ans n’est pas une stratégie, voire un subterfuge, par ceux à la tête du trafic», souligne Imran Dhanoo. 

Edley Maurer s’aligne sur l’importance de procurer des formations professionnelles aux jeunes pour les détourner des fléaux comme la drogue. Ainsi, Maurice n’aurait pas à solliciter autant de main-d’oeuvre étrangère. De son côté, Anand Bheeca soutient que la vigilance des parents reste de mise. Ces derniers pourraient faire des constats à tour de rôle pour détecter toute anomalie à l’école.
 

Ailleurs: les plus petits recrutés pour dealer 

<p>Selon les médias européens, les trafiquants de drogue sollicitent davantage de très jeunes adolescents pour revendre la drogue. Ainsi, le 13 mars, un enfant de 12 ans a été appréhendé dans l&rsquo;Oise, en France, avec 400g d&rsquo;héroïne, 150g de cannabis et 8g de cocaïne dans ses poches. D&rsquo;ailleurs, il est connu comme <em>&laquo;le revendeur d&rsquo;héroïne du quartier&raquo;</em>, rapporte le site de RTL en France. Il aurait été arrêté cinq fois. Également dans la ligne de mire des trafiquants : des fugueurs de 10-11 ans. Deux autres dealers de cet âge ont été repérés par les policiers dans la même région, précisent d&rsquo;autres médias. À Montpellier, un autre jeune de 13 ans a été interpellé à la fin de février, rapporte le site midilibre.fr. Dans sa sacoche : cocaïne, résine et herbe de cannabis ainsi que 105 euros. Il a expliqué qu&rsquo;il voulait <em>&laquo;se faire de l&rsquo;argent pendant ses vacances&raquo;.</em></p>