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Anne Sophie Julienne: «L’arrêt des opérations signifie que tous les employés de MTCSL perdent leur emploi»

16 mars 2023, 17:30

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Anne Sophie Julienne: «L’arrêt des opérations signifie que tous les employés de MTCSL perdent leur emploi»

Amertume et frustration ! C’est du moins ce qui ressort après ce long entretien dans lequel la Chairperson de la MTC Sports & Leisure Ltd (MTCSL), Anne Sophie Julienne, se livre sans langue de bois. Les sujets abordés : le paiement de compensation aux employés, les explications liées au problème de pension – qui va se poser si la vente de Floréal ne se concrétise pas –, le «cost sharing agreement» de People’s Turf PLC (PTP), le non-nouvellement du bail au Champ de Mars en septembre 2022 et, bien sûr, la chronologie des événements ayant mené à la chute de l’organisateur historique de courses à Maurice.

La décision a été prise par les membres du MTC le vendredi 3 mars. La MTCSL n’organisera plus de courses en 2023. Où en est la situation de la compagnie exactement, ainsi que celle de l’actionnaire qu’est le MTC ?
La MTCSL est une compagnie qui existe toujours mais elle a cessé toutes ses activités. Elle n’est plus organisatrice de courses. Nous sommes en train de finaliser certaines procédures avant de procéder formellement à la liquidation. Le MTC, actionnaire unique de la MTCSL, est, lui, toujours bien vivant. Le board du MTC, présidé par M. Gavin Glover, a déjà fait passer le message qu’ils n’ont aucunement l’intention de disparaître.

Pourtant, la MTCSL et le MTC avaient terminé l’année 2022 sur un ton enthousiaste. Que s’est-il passé pour arriver à la décision des membres de quitter la scène ? On souhaiterait connaître la version de la Chairperson de la MTCSL à ce sujet…
Les membres du MTC avaient mandaté la MTCSL en août de l’année dernière pour aller de l’avant avec un plan de restructuration dont le succès dépendait d’un certain nombre de facteurs. Nous avons travaillé sur l’implémentation de ce plan. Sur la mise en place progressive d’un nouveau business model. Car un business ne peut survivre avec des coûts qui supposent l’exclusivité de l’organisation des 40 journées de courses alors que les journées allouées ont été divisées par deux. Cela, sans compter la longue liste de revenus qui ont été expropriés à travers la résiliation illégale du bail du Champ de Mars. Notre plan de restructuration prévoyait également que nous puissions avoir au moins 20 journées, que nos journées de courses n’allaient pas être boycottées par les entraîneurs, que nous ayons une piste qui soit courable et que les conditions de notre bail sur le Champ de Mars soient acceptables. La décision illégale de la GRA d’empêcher la MTCSL d’importer des chevaux, le bail qui nous enlève l’intérieur du Champ de Mars, le parking, les gradins extérieurs et le «cost sharing agreement» honteux de PTP ont donné le ton en début d’année sur les intentions des autorités de faire tout ce qui était possible pour que nous arrêtions, tout en donnant l’impression qu’ils n’y étaient supposément pour rien…

Vous dites que la proposition de «cost sharing agreement» était honteux mais en même temps PTP maintient que les chiffres proposés ne sont guère différents de ce que la MTCSL avait elle-même proposé à PTP pour le partage des coûts de la piste auparavant…
Notre lettre à la COIREC (NdlR : Côte-d'Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd) spécifiait que nos coûts d’entretien pour la piste sur la période de janvier à mai 2022 étaient de Rs 3 174 769,92. Rs 634 953 par mois et nous demandions 50% du coût encouru. Donc Rs 317 476 ! Nous avions aussi informellement proposé nos «false rails» pour Rs 50 000 par journée et nous avions réduit ce montant à Rs 35 000 par journée car l’Etat de la piste était notre priorité.

Et quelles était les demandes «honteuses» de PTP dans ce fameux «cost sharing agreement» ?
On nous demande Rs 650 000/Rs 850 000 par mois pour la piste. En hors saison et en saison. Puis, Rs 1 million sur l’année pour le sable et Rs 100 000 par journée pour les falses rails. Faisons le calcul. Si nous avons besoin d’utiliser les falses rails 12 fois dans l’année, le coût annuel que nous devrions payer est de Rs 1,2 million. Ajoutons les Rs 1 million pour le sable et Rs 9,1 millions pour la piste. Ce qui fait un total de Rs 11,3 millions, alors que nous, nous demandions à PTP de contribuer à hauteur de Rs 4,3 millions. La proposition de PTP est Rs 7 millions plus chère.

Le non renouvellement du bail du Champ de Mars par la MTCSL en septembre dernier a été mis sur le tapis à plusieurs reprises. Outre PTP, le super conseiller du PMO et directeur du board de la GRA, Dev Bheekary, lors de sa récente intervention à la MBC, a insisté que le bail a été enlevé à la MTCSL en raison de ce dépassement de délai.
Nous n’avons pas été avertis de la date butoir dans les temps. Il y a eu un retard certes, mais notre demande ne nous donnait aucun droit sur le renouvellement. Le nouveau bail dépendait de la discrétion absolue de la Coirec. Si nous étions en train de traiter avec une Coirec indépendante, les discussions sur le nouveau bail auraient dû avoir lieu depuis longtemps. De façon transparente et juste. Le cost sharing agreement que nous avons reçu le 27 février a révélé que PTP aurait eu son bail exclusif le 18 novembre 2022. On se demande pourquoi la Coirec attendait encore qu’on lui donne nos chiffres pour la maintenance de la piste hors saison s’il était clair que nous n’allions plus faire partie de la scène hippique en 2023. Pourquoi PTP, la Coirec et la GRA ont-ils passé sous silence le breaking news du siècle ? Soit celui d’un bail exclusif qui allait avoir pour conséquence de rayer la MTCSL de la carte hippique. Lorsqu’il y a une réunion MTCSL/PTP pour discuter du cost sharing agreement, nous avons été reçus avec une dizaine de photographes et caméramen de PTP en live sur Facebook, mais quand PTP obtient l’exclusivité du bail, ça ne fait pas de bruit. Il y a de nombreuses choses qui clochent dans leur histoire.

Certains estiment que la MTCSL aurait dû limiter la casse en refusant d’emblée de signer le bail de la COIREC et mettre la clé sous le paillasson immédiatement ?
Bon… les conditions du bail de la Coirec étaient, d’elles-mêmes, déjà inacceptables car le bail nous imposait de nous livrer à PTP pour ce qui est de l’entretien de la piste. Reste que nous avions un devoir d’obtenir les informations pour pouvoir les mettre sur la table le jour où la décision serait prise. On ne décide pas d’arrêter 210 ans d’histoire et de mettre 220 personnes à la porte sous la précipitation. Nous avons avancé étape par étape et au final, les conditions du cost sharing agreement ont démontré parfaitement l’état d’esprit des autorités et de PTP. Il nous était absolument impossible de signer ce document et personne aujourd’hui ne pourra en dire autrement.

Estimez-vous avoir été naïve, vous et les autres à MTCSL et au MTC, de croire en la bonne volonté des autorités et de PTP ?
Nous n’avons jamais cru que les autorités et PTP voulaient le bien du MTC et de la MTCSL, mais nous pensions que PTP, SMS Pariaz et l’Etat s’en sortiraient mieux financièrement avec une MTCSL sous perfusion qui finançait beaucoup de dépenses pour l’industrie, plutôt qu’une MTCSL morte. La MTCSL permettait également à PTP de blâmer quelqu’un d’autre pour ses problèmes et pour justifier son existence non sans donner une certaine apparence d’intégrité à l’industrie. La MTCSL assurait également la participation de certaines écuries aux courses. Plus les courses sont intègres, plus le public s’intéresse aux courses. Sans la MTCSL, nous anticipons un impact négatif sur l’intérêt que portera le public aux courses et sur les revenus de toute l’industrie, à commencer par le betting.

Le «collateral dommage» de cette guerre entre MTC/MTCL et PTP demeure les employés. Que se passera-t-il en ce qui les concerne ?
L’arrêt des opérations signifie que tous les employés de la MTCSL perdent leur emploi. Nous nous sommes battus pour eux pendant des mois mais nous ne contrôlons pas l’industrie hippique. Nous ne faisons pas les lois. Les conséquences sont dramatiques. Nous portons ce poids sur nos épaules depuis des semaines déjà. Nous ne portons cependant pas le poids de la responsabilité de la fermeture de la MTCSL. Les employés sont aujourd’hui très en colère et nous les comprenons. Ils n’ont rien demandé dans toute cette histoire. Malheureusement le board de la MTCSL doit exécuter les décisions qui s’imposent et nous ne pouvons faire des miracles. Nous tenterons cependant d’accompagner dans la mesure de nos moyens les employés qui n’auront pas retrouvé d’emploi à décrocher un autre job. Nous espérons qu’un maximum de palefreniers retrouvera du travail chez les entraîneurs ou chez PTP.

On parle du salaire pour le mois de mars et la pension due. La MTCSL indemnisera-t-elle ses employés ?
La MTCSL est insolvable et nous ne sommes malheureusement pas en mesure de payer une indemnité au-delà de celle que prévoit la loi dans les circonstances.

Le paiement de la pension est-elle garantie ou ces pauvres employés ne sont pas au bout de leur peine ?
La pension a été garantie par le MTC et la vente de Floréal a été décidée pour pouvoir combler l’apport financier nécessaire au fonds de pension. Le trou dans le fonds de pension ne résulte pas, comme certains le pensent, du fait que certains auraient volé l’argent du fonds de pension, mais du système de «defined benefit scheme» qui fait qu’il y a toujours une différence importante entre les contributions faites par l’employeur et le lump sum à payer on retirement. Beaucoup de compagnies qui ont suivi ce scheme se sont retrouvées dans la même situation, avec un trou financier qui s’agrandissait et l’impossibilité de le combler à temps. Le defined benefit scheme est très bien pendant les années glorieuses de l’employeur mais pose problème au moindre affaiblissement financier. C’est pour cela que le MTC a pendant plusieurs années tenté de convaincre ses employés et les autorités de passer à un defined contribution scheme qui ne comportait pas de risque financier au-delà des contributions mensuelles à payer. C’est dans cette optique que des déductions ont été faites du salaire des employés qui étaient sous le defined contribution scheme, car ces contributions devaient être transférées dans un nouveau plan de pension une fois l’accord de l’autorité obtenue. La situation n’a malheureusement pas pu être débloquée, car le consentement de tous les employés pour changer de scheme n’a pu être obtenu. Nous avions l’intention de rouvrir ces discussions dès que possible avec les autorités et les employés après les redundancies que nous avions prévus pour cette année. Les déductions de contributions ont été faites principalement sous le MTC. Le MTC travaille en ce moment sur la mise en place du remboursement aux employés de ces déductions, avec intérêts.

Des réunions ont eu lieu avec le ministère du Travail et le syndicat ?
Oui, deux réunions ont eu lieu à laquelle notre représentant légal a communiqué au ministère et au syndicat que la MTCSL n’était pas en mesure de payer plus que ce qu’elle serait obligée de payer de par la loi dans le cadre de sa liquidation.

Le poste de Chairperson de la MTCSL a forcément était très challenging dans la conjecture actuelle. Un mot de fin Anne Sophie Julienne ?
Nous avons la lourde tâche aujourd’hui de fermer la MTCSL et ce faisant, nous devons tenir des discours et prendre des actions qui reflètent nos rôles de directeurs et nos obligations légales. C’est toutefois à contrecœur que nous le faisons, car nous sommes nous-mêmes tout aussi en colère du sort des employés et tout aussi peinés des conséquences dramatiques qui vont s’ensuivre. Le board de la MTCSL et celui de la MTC, sous le leadership de Gavin Glover, nous avons tout essayé ces derniers mois pour tenter de sauver les emplois et le patrimoine culturel que représente l’organisation des courses au Champ de Mars par le MTC/MTCSL. Gavin Glover et moi-même remercions ici tout d’abord les employés de la MTCSL pour leur service et loyauté, ainsi que les directeurs de la MTCSL et les administrateurs du MTC que sont Bertrand Rivalland, Kheshal Soobhug, Nathalie Henry, Philippe Hardy, Rye Kaleechurn, Santosh Gujadhur, Stéphane de Chalain et Thomas Empeigne.