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François Calvia: «L’enfant ne fait pas obligatoirement le bonheur»

14 mars 2023, 10:10

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François Calvia: «L’enfant ne fait pas obligatoirement le bonheur»

L’auteur français François Calvia, qui a remporté le prix du Roman Gay avec son livre «Coïncidence» en 2022, récidive avec un essai philosophique et sociologique sur la parentalité, qui fera certainement débat et qui s’intitule «Tu prends perpète quand tu fais un enfant». Il développe ce choix de thème pour «l’express».

Votre roman «Coïncidence» que nous évoquions dans nos colonnes l’an dernier, a remporté le prix du Roman Gay. Qu’est-ce que ce prix et pourquoi avoir embrayé avec un essai philosophique et sociologique sur la parentalité ?

Le prix du Roman Gay a été créé il y a dix ans. C’est un prix littéraire français décerné tous les ans au mois d’octobre à Paris. Il comporte plusieurs catégories (policier, érotique, humoristique, épistolaire, etc.) La thématique «gay» des ouvrages présentés permet à tout un chacun d’entrer dans la fiction et dans le processus d’identification, sans se sentir mis à l’écart. Il est certes le critère de sélection mais ce sont bien les qualités littéraires qui sont récompensées. Rien ne laisse supposer, dans le résumé de la quatrième de couverture, que Coïncidence est un roman gay.

C’est au lecteur de le découvrir au fil des lignes. Le personnage central, tout au long de l’histoire, à travers des rencontres, va chercher sa voie, tant sur le plan professionnel que sexuel et affectif, pour finalement faire un choix et décider de vivre avec un homme après de nombreuses expériences. C’est ce qui a plu au comité de lecture, qui lui a décerné le prix 2022 dans la catégorie Gay-friendly. Coïncidence, c’est l’histoire d’une famille atypique, avec une intrigue policière en filigrane, inspirée de ma propre expérience. N’étant pas enclin à reproduire l’image désastreuse de ma propre famille, dans mon épilogue, j’ai ouvert une brèche sur la procréation et la parentalité.

Estimez-vous que la parentalité n’est pas indispensable pour cimenter un couple et qu’au final, l’enfant ne fait pas le bonheur ?

Souvent, les couples font des enfants sans se poser de questions au préalable. Ils le font «pour faire comme tout le monde». Au cours des premières années, ils se consacrent entièrement à les élever et ils en font leur centre d’intérêt quotidien, le centre de leurs conversations… au détriment d’autres activités. Une fois les enfants élevés, certains couples ont le sentiment de ne plus rien avoir à se dire et, parfois, ils se défont. Pendant plusieurs mois, j’ai effectué de nombreuses enquêtes personnelles sur le terrain en interviewant des mères ou des couples, qui se sont livrés sans retenue, et beaucoup m’ont affirmé que l’enfant ne faisait pas obligatoirement le bonheur. Comme il est écrit dans le préambule de mon livre : «Bien sûr qu’il y a des parents et grandsparents qui sont heureux de leur progéniture, et ils sont nombreux, fort heureusement d’ailleurs.» Mon propos n’est pas basé sur ceux-là mais sur ceux des autres qui ont retenu mon attention.

 Votre titre est très fort : «Tu prends perpète quand tu fais un enfant.» Pour vous «enfant» égal «prison» ?

Le titre peut paraître provocant, voire choquant en apparence, mais il mérite une explication. Il faut le prendre au second degré. En aucun cas, je n’assimile l’enfant à la prison. En lisant des articles dans la presse écrite (quotidiens ou magazines) sur des actrices de cinéma et de théâtre, de gens célèbres, une interview de l’actrice française Béatrice Dalle m’a interpellé. Des journalistes lui posaient une question sur le fait qu’elle n’avait pas d’enfant. Elle a répondu, avec son franc-parler habituel pour conclure son argument, avec cette phrase un peu populaire : «Tu prends perpète quand tu fais un enfant.» Alors qu’elle avait une relation avec un détenu, qui avait écopé d’une lourde peine de prison, soit la perpétuité, dont le diminutif est perpète, elle a fait un parallèle avec la mise au monde d’un enfant dont on doit s’occuper par la suite pendant des années, jusqu’à l’âge adulte parfois, et tout particulièrement dans la société actuelle.

...Je rends hommage aux femmes qui se sont battues pour défendre leurs droits et leur liberté. Je songe aux politiciennes et avocates comme Simone Veil ou Gisèle Halimi, aux journalistes comme Françoise Giroud ou aux écrivaines comme simone de beauvoir.»
 

Dans mon essai sur ce sujet, il y a un chapitre sur «la génération Tanguy» en lien avec le célèbre film. «Prendre perpète» s’adresse donc non pas à l’enfant mais à la mère qui va devoir prendre en charge son enfant sur une longue durée, d’où la notion de perpète ou perpétuité, un clin d’œil au terme de prison qui signifie être enfermé jusqu’à la fin de sa vie. J’ai décidé de reprendre cette phrase pour le titre de mon essai car il résume son contenu en partie et spécialement en ce qui concerne le choix des femmes qui ont décidé délibérément de ne pas procréer.

 Pourquoi avoir choisi la période de la Journée internationale des femmes pour publier cet essai ?

C’est un pur hasard. Pour la publication de cet ouvrage, j’ai fait appel à un éditeur engagé, soit Ex-Aequo, dirigé par une femme, qui a été séduite par le sujet et il s’agit de Virginie Cailleau. L’essai a été classé dans la collection Les Savoirs. Après la signature du contrat avec une maison d’édition, plusieurs mois s’écoulent avant sa parution. Le hasard a fait que le livre paraisse au début du mois de mars, à quelques jours de la Journée internationale des femmes. Ce n’est qu’un pur hasard du calendrier. Mais le hasard fait bien les choses.

 Quel est le message que vous voulez transmettre aux lecteurs ?

À travers mon essai sur la procréation et la parentalité, je rends hommage aux femmes qui se sont battues pour défendre leurs droits et leur liberté. Je songe aux politiciennes et avocates comme Simone Veil ou Gisèle Halimi, aux journalistes comme Françoise Giroud ou aux écrivaines comme Simone de Beauvoir, sans oublier ces actrices célèbres ou écrivaines engagées qui continuent aujourd’hui d’ailleurs, avec courage, à se battre pour faire évoluer les mentalités. Je sais que toutes les lectrices et tous les lecteurs ne seront pas toujours en accord avec le texte de cet essai. Sa vocation n’est pas de juger mais de provoquer un débat sur un sujet d’actualité, qui peut diviser. La société évolue et les nouvelles générations n’ont plus les mêmes préoccupations ou les mêmes désirs que leurs aînées. L’amour maternel existe et bien évidemment, les femmes qui ont eu des enfants les aiment, mais là n’est pas la question. Elles peuvent regretter, en effet, parfois de les avoir eus face aux difficultés qu’elles ont rencontrées et qu’elles continuent à rencontrer.

 Sur votre quatrième de couverture, il est dit que vous explorez ces différents aspects avec humour. En utilisant l’humour, ne croyez-vous pas que vous banalisez un sujet important à vos yeux au point de lui avoir consacré un essai ?

Afin que le lecteur ne soit pas rebuté par le sérieux du sujet, j’ai parfois utilisé quelques mots d’humour, des citations amusantes en faisant référence à des films, à des personnages ou à des écrits de personnages célèbres. Mais le sujet n’est pas banalisé pour autant, au contraire, il maintient l’attention du lecteur avec un peu de fantaisie. 

À qui s’adresse cet essai ?

La page de garde du livre est explicite : «À toutes celles et ceux qui ont décidé délibérément de ne pas faire d’enfants et à toutes celles et ceux qui en ont fait et qui le regrettent.»

 Où pourra-t-on se procurer votre essai à Maurice ?

On peut le commander sur internet à travers le site de l’éditeur Ex-Aequo ou sur Amazon Kindle ou encore à travers la FNAC. Il sera disponible également en prêt à la médiathèque de l’Institut français de Maurice à partir du 18 mars.