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Fugues d’adolescents: un phénomène qui touche les filles et les garçons

30 janvier 2023, 14:00

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Fugues d’adolescents: un phénomène qui touche les filles et les garçons

Après cinq jours de fugue, Taliana, 15 ans, a été retrouvée saine et sauve. Ce phénomène de fugue chez les adolescents touche les filles aussi bien que les garçons. Pourquoi les cas concernant les garçons sont moins rapportés ? Outre la raison classique qui serait d’aller rejoindre son amoureux, existe-t-il d’autres motivations les poussant à s’enfuir ? Tour d’horizon.

Soulagement pour la maman de Taliana. L’adolescente de 15 ans avait fugué d’une Probation Home où elle avait été placée. Elle avait disparu depuis cinq jours. Selon sa mère, Taliana avait été renvoyée de son établissement scolaire, puis agressée par d’autres adolescents. Mais au lendemain de son admission en centre de probation, elle devait prendre la poudre d’escampette avec quatre autres résidentes.

Certes, les fugues d’adolescents de leur domicile comme de centres correctionnels sont souvent rapportées dans les médias. Si ce sont surtout les fuites de jeunes filles qui sont mises en avant, les cas concernant les garçons ne sont pas en reste. Car le phénomène touche bien les deux genres. «Beaucoup de cas concernant les filles qui fuguent sont rapportés par la presse et à la police. Quand les garçons s’enfuient, ce n’est pas forcément répertorié. On ne peut dire si les filles fuguent plus que leurs homologues masculins. Nous constatons qu’il y a des fugues en ce moment et que beaucoup sont dénoncées, quoique l’on ne peut dire que c’est en hausse», observe Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children.

Depuis les dernières années, il n’y a pas eu vraiment de changement majeur en termes de progression dans le nombre de fugues, souligne Krishna Seebaluck, psychologue. Pour lui, ce phénomène affecte 60 % des filles et 40 % des garçons. «Ceci indique qu’un bon nombre de garçons aussi s’enfuient», confie-t-il. D’après le psychologue, les motivations peuvent venir du besoin d’indépendance, de se rebeller, et d’échapper à un environnement abusif. L’adolescence est aussi une phase sensible et vulnérable, où les jeunes créent leur identité.

Hélas, mentionne Prisheela Mottee, présidente de Raise Brave Girls, les fugues augmentent, non seulement à Maurice mais dans plusieurs pays. «Dans le passé, il n’y avait pas tant d’influence des médias par rapport à ce phénomène. C’était une question de honte pour les familles concernées et personne ne s’attardait sur ce problème. Celui-ci est mis en lumière seulement quand l’aide de la police est sollicitée», constate-t-elle.

Dans plusieurs cas, les jeunes filles fuguent pour retrouver leurs petits amis. L’inverse est-il possible ? La société étant patriarcale, les garçons ne quittent guère leur domicile pour aller chez leurs copines, constatent les professionnels. «Dans les cas fréquents de fugues, on voit plus de filles mineures influencées par des hommes adultes pour les rejoindre», souligne Krishna Seebaluck. Prisheela Mottee avance que ce phénomène concerne plus les filles avec comme raison principale les relations amoureuses et le côté romanesque à la Roméo et Juliette. «Toutefois, sur le continent africain, nous pouvons analyser que plus de garçons fuguent pour explorer les nouvelles avenues d’une meilleure vie et position financière.»

Pour Rita Venkatasawmy, quand un enfant fugue, il donne un signal fort de souffrance par rapport à son lieu de vie. «On a tendance à les juger, à les qualifier d’enfants désobéissants et à leur coller cette étiquette. Or, il faut comprendre leur mal-être.» Quelles sont les autres motivations pour fuguer ? Selon elle, les jeunes sont parfois victimes de diverses formes d’abus dans leur famille et n’ont personne pour les écouter. De plus, elle évoque le phénomène de gangs. Donc, ici, les jeunes fuguent pour rejoindre un groupe qui peut les inciter à des pratiques pas forcément positives comme fumer, consommer de l’alcool etc. «J’ai eu certaines informations que des enfants s’enfuient pour aller vers un groupe d’amis. Au sein de cette formation, ces jeunes, surtout les filles, se sentent forts et pensent que personne ne peut les atteindre», affirme Rita Venkatasawmy. D’ailleurs, depuis ces dernières années, et plus récemment dans le cas de Taliana, plusieurs vidéos de bagarres impliquant des groupes de filles ont circulé en ligne.

Rita Venkatasawmy estime que ce problème de fugues s’aggrave à cause de la fragilisation des familles. La solution, selon elle, est de trouver des éducateurs spécialisés pour l’encadrement thérapeutique de ces enfants qui fuguent. Nous avons essayé d’avoir des statistiques auprès des autorités, en vain.