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Dr Vasantrao Gujadhur: «Dan gouvernman, zot gagn lésans kado...»

4 décembre 2022, 20:00

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Dr Vasantrao Gujadhur: «Dan gouvernman, zot gagn lésans kado...»

L’ancien directeur des services de santé est aux côtés de Nishal Joyram depuis plusieurs jours. Pour surveiller l’évolution de la santé du gréviste certes mais aussi pour soutenir sa cause. Si la politique n’est pas d’actualité, il dit œuvrer dans le social depuis sa retraite. Le médecin évoque aussi les maux dont souffre le pays, avec le franc-parler qui le caractérise.

Pourquoi cette présence assidue aux côtés du gréviste de la faim ?

Je ne connaissais pas Nishal Joyram. Mais j’ai suivi son combat à travers les journaux. Il a débuté sa grève et j’ai pris la décision de venir le rencontrer quelques jours après. Nous avons eu une longue conversation et il m’a expliqué sa démarche. Nishal est une personne aisée financièrement, mais il a vu que le prix de l’essence impacte grandement le pouvoir d’achat de la population surtout celle de la classe moyenne. Sé sa so konba. Il se bat pour les Mauriciens. C’est une cause noble, juste visant à soulager les ti-dimounn. Ailleurs, le prix des carburants a baissé (NdlR, l’Inde a annoncé une baisse de Rs 14) pourquoi pas à Maurice alors ?

Est-ce votre façon de dire au gouvernement que vous êtes aussi pour une baisse des prix des carburants ?

Justement, je suis là pour dire au gouvernement que je ne suis pas d’accord avec sa décision. D’ailleurs, c’est le cas de toutes ces personnes qui sont venues soutenir Nishal Joyram. Mais je suis là aussi en tant que médecin pour veiller à la santé du gréviste. Je fais des analyses pour voir s’il peut continuer sa grève, sans que cela ne cause des dégâts irréversibles à son organisme. Il peut y avoir des séquelles à long terme.

N’y avait-il pas d’autres moyens de faire pression selon vous ?

Pour qu’une personne décide d’entamer une grève de la faim, il faut qu’il n’y ait aucun autre recours. Vous souffrez, vous vous infligez une souffrance en ne mangeant pas pour montrer au gouvernement qu’aujourd’hui vous êtes là et que vous avez décidé d’agir. C’est un problème qui touche tout le monde. Il y a des gens aujourd’hui, avec le coût de la vie, qui peuvent à peine manger à leur faim, des enfants qui vivent avec tass enn dité pir par jour.

Vous êtes un ancien haut cadre du ministère de la Santé. N’avez-vous pas peur d’afficher votre position contre le régime actuel ?

Je mène une bataille qui est justifiée. Je demande au gouvernement de revoir sa position et de comprendre la souffrance de la population qui est dans une situation très difficile. Gouvernman, zot bann dimounn ki pé gagn lésans kado, zot pa pé santi li. Mais les Mauriciens paient le prix fort. Ma prise de position contre ce gouvernement est pour une cause justifiable ! Je n’ai pas peur, pourquoi devrais-je avoir peur ?

Que pensez-vous des propos de Pravind Jugnauth sur la grève de la faim de Nishal Joyram ?

Cette déclaration d’un Premier ministre est très mal vue. Ce n’est pas seulement mon opinion mais celle de la population dans son ensemble. Nishal fait une grève aujourd’hui car le gouvernement l’a poussé à bout. Il ne demande pas une maison, une voiture, mais de baisser le prix pour tous. Le gouvernement c’est quoi ? C’est pour gouverner le pays, pour s’assurer que la population ne souffre pas. Il a le devoir de s’assurer que ses citoyens ont un minimum de confort. Il ne peut pas venir dire qu’il n’y a pas d’argent dans les caisses et qu’il ne peut pas baisser les prix. Sé so travay gété kouman li kapav soulaz nou. Nou pa pé demann lésiel la.

Vous êtes au front depuis le Covid-19 et encore aujourd’hui. Est-ce que vous comptez vous lancer en politique bientôt ?

Non, je n’ai aucune affiliation politique. J’entretiens de bonnes relations avec des politiciens de tous bords. Je n’ai pas d’agenda politique pour l’instant mais je ne sais pas non plus ce que l’avenir me réserve. Je fais du social depuis que j’ai pris ma retraite, il y a deux ans et demi. J’aide les gens là où je peux. J’ai mon bureau où je rencontre des personnes qui ont besoin de mon aide mais c’est du social.

 

Nishal fait une grève aujourd’hui car le gouvernement l’a poussé à bout. Il ne demande pas une maison, une voiture, mais de baisser le prix pour tous. Le gouvernement c’est quoi ? C’est pour gouverner le pays, pour s’assurer que la population ne souffre pas.

 

Qu’en est-il de la situation du Covid19 dans le pays ?

Il y a une résurgence des cas de Covid-19, même si je n’ai pas vraiment eu le temps de suivre l’évolution de ces derniers jours comme il se doit. Mais ce que je peux vous dire, c’est que depuis la semaine dernière, selon les chiffres officiels du ministère de la Santé, dans les hôpitaux, nous avons très peu de cas (NdlR, 118 cas positifs du 17 au 23 novembre et 118 autres cas du 10 au 16 novembre). Mais je suis en contact avec des pharmaciens et les autotests de Covid sont en grande demande. Ce qui veut dire qu’il y a des cas qui ne sont pas recensés par le ministère. Moi, j’estime que nous avons 1 500 à 2 000 cas par jour.

Quelles sont les causes de cette hausse ?

Beaucoup de facteurs peuvent l’expliquer. Par exemple, d’avoir enlevé le port du masque dans les transports publics alors qu’à ce moment-là, il y avait plusieurs cas positifs et nous avions des indications qu’il y aurait une vague. Puis, le ministère de la Santé ne communique pas assez avec le public et ne dit pas la vérité. Il ne parle que des cas détectés par des tests PCR mais pas des tests faits à la maison. De plus, nous ne faisons pas de tests aléatoires sur des passagers qui foulent le sol mauricien. C’est l’hiver en Europe. Il y a beaucoup de cas et ils sont nombreux à venir à Maurice actuellement. Il ne faut pas oublier que dans plusieurs cas, le Covid-19 est asymptomatique et que, si on ne se fait pas tester, on ne le saura pas.

Regardez le dernier séquençage fait par le ministère de la Santé, il est dit que dans 82 cas envoyés pour être analysés, aucun n’était importé. Or, dans ce séquençage, il explique qu’il a détecté de nouveaux variants à Maurice. Be kouman in gagn sa ? Kot sorti sa ? Par exemple, le variant BA 2.75 est majoritaire dans le pays, soit 40 des 82 cas analysés. Mais on sait que ce variant est très présent en Inde, il est donc clair qu’il a été transmis par des personnes qui ont voyagé. Nou pa ti ena moris sa, be bizin kikenn in amenn li non ? Le ministère ne peut pas venir dire qu’il y a zéro cas importé. Il ne fait ni tests, ni surveillance des passagers. Qu’ils soient Mauriciens ou touristes. Je mets l’accent sur le fait que même si le Covid-19 est mild actuellement, il est toujours dangereux pour les personnes âgées et souffrant de comorbidités. Je demande à tous de s’isoler s’ils sont positifs.

Quel conseil justement aux Mauriciens en cette période de fêtes qui approche ?

Ce que j’ai à dire aux Mauriciens, c’est que pour le moment, nous avons beaucoup de cas. Je ne sais pas comment cela va évoluer. Mais de toujours prendre leurs précautions – soit de toujours porter leur masque dans la foule et cela s’applique surtout aux personnes âgées et malades. Puis d’utiliser le gel hydroalcoolique. Si nou anvi viv ek covid, nou bizin pa ignor li! Le virus est là, bel et bien présent. Les précautions doivent être prises.

Plusieurs allégations de négligence médicale ont été rapportées récemment. Savez-vous ce qui ne fonctionne pas dans le système de santé ?

Je ne ferai pas de commentaires là-dessus. Car il s’agit là de cas de négligence médicale alléguée et qui ne sont donc pas prouvés. Puis, je n’ai pas toutes les informations sur ces cas. Mais vous savez, encore une fois, avec la cherté de la vie, le nombre de personnes qui se dirigent vers les centres de santé publics a augmenté. De nombreuses personnes ne peuvent plus se tourner vers les cliniques privées. Avec cette hausse du nombre de patients, le corps médical a trop de travail. Il faudrait plus de vigilance.

Vous parlez de personnel surchargé, vous avez des informations sur l’état actuel des services de santé ?

Non, je n’ai rien entendu à ce sujet.

Et la pénurie de plusieurs médicaments sur le marché ?

Oui, nous savons tous qu’il y a effectivement une pénurie de plusieurs médicaments. Le ministère quand il achète ces médicaments, il le fait selon le trend habituel mais le fait que plus de personnes se dirigent vers la santé publique maintenant, la demande est en hausse. C’est une des raisons du manque. Ce qui veut certainement dire qu’il faut revoir la demande avant de passer la commande de plusieurs médicaments désormais, afin d’éviter toute pénurie.