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Affaire Anil Gayan: ou comment l’ICAC serait utilisée par le pouvoir

31 octobre 2022, 16:00

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Affaire Anil Gayan: ou comment l’ICAC serait utilisée par le pouvoir

Le Senior Counsel Anil Gayan poursuit l’Independent Commission against Corruption (ICAC), qu’il accuse, entre autres, de l’avoir informé avec plusieurs mois de retard que le DPP avait recommandé «no further action» contre lui. Dans la plainte rédigée par la Senior Attorney Feroza Moolna, Mᵉ Anil Gayan reproche à l’ICAC d’avoir fait preuve de mauvaise foi et d’avoir démontré une intention de nuire dans la façon dont elle a traité l’affaire de la nomination en février 2015 de V. K. Sumputh comme directrice du Trust Fund for Specialised Medical Care et des allocations qui lui ont été attribuées.

Mᵉ Gayan affirme qu’un First Information Report (FIR), première étape d’une enquête de l’ICAC, a été fait par la commission anticorruption entre 2015 et 2017 (la date exacte n’est pas connue) et que ce n’est que le 27 septembre 2019 qu’il en a été avisé. La manière dont la commission anticorruption l’a convoqué ce même 27 septembre 2019 est aussi mise à l’index. Ainsi, dit Mᵉ Gayan, dans sa plainte, alors que la lettre est adressée à son domicile, les agents de l’ICAC sont venus la lui remettre à son bureau de ministre du Tourisme (où il a été muté en 2017 du ministère de la Santé) à 14 heures et que la procédure pour l’accès à son bureau l’exigeant, ces agents ont dû donner les détails de la raison de leur visite. Dans la lettre, il était demandé à Anil Gayan d’être présent à l’ICAC le 2 octobre 2019 dans le cadre d’une enquête sur de possibles délits de conflit d’intérêts et/ou de Public Official using office for gratification for another person en violation de la Prevention of Corruption Act (PoCA).

Mᵉ Gayan dit trouver étrange que cette lettre, strictement confidentielle, se soit retrouvée dans les médias. Mais ce qui suit dans la plainte est encore plus troublant. Il affirme qu’à la réception de cette lettre de l’ICAC, il est allé rencontrer le Premier ministre (PM), Pravind Jugnauth, qui lui aurait déclaré : «Mo ti dir zot pa fer sa aster la.» Cette déclaration présumée de Pravind Jugnauth fait dire à Anil Gayan que l’ICAC aurait, dès le début de l’enquête, travaillé en étroite collaboration avec le PM et que la date de sa convocation à la commission anticorruption a été calculée pour tomber presque à la veille des élections de 2019. D’ailleurs, ajoute-t-il, Ivan Collendavelloo l’aurait informé qu’il n’obtiendrait pas de ticket électoral en raison de sa prochaine arrestation et détention par l’ICAC.

Anil Gayan est d’avis que si la commission anticorruption avait démarré son enquête dès l’ouverture du FIR, le dossier aurait été envoyé au bureau du DPP, qui aurait promptement avisé de la marche à suivre. Justement, dans la plainte, il est décrit comment il a été interrogé «under warning» par Dawoodharry et d’autres agents de l’ICAC et comment il était resté dans le noir pendant de longs mois après. Ses e-mails en date du 15 et du 22 avril 2022 à la commission anticorruption étant demeurés sans réponse, Anil Gayan en a adressé un troisième, le 6 mai, dans lequel il informait l’ICAC qu’il lui a aussi envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception et qu’il attendait une réponse concernant l’accusation portée contre lui.

Ce n’est que le 17 mai 2022 que l’ICAC lui répond, lui disant que le dossier avait été référé au bureau du DPP – quand, on ne le sait – et que celui-ci a recommandé «no further action against you», depuis le 20 août 2021 ! Ce retard de neuf mois de la part de l’ICAC est dénoncé dans la plainte. «Vos préposés ont agi d’une façon injuste et arbitraire, se sont montrés comme un outil au service du pouvoir politique.» Anil Gayan rappelle également qu’il a été «cautioned» par l’ICAC depuis 2019 et vivait, depuis, constamment sous la menace d’une arrestation, d’une détention et autre «objection to departure». Le Senior Counsel et ex-ministre réclame des dommages de Rs 25 millions à la commission anticorruption pour faute commise par ses préposés dans cette enquête.

Personne n’est allé en prison pour corruption

Selon le dernier rapport annuel de l’ICAC couvrant la période juillet 2020-juin 2021, zéro accusé a été condamné à la prison pour corruption. Des seuls quatre condamnés pour corruption (on ne sait pas s’il y a eu plaider coupable), trois ont eu droit à des travaux d’intérêt général et une personne a obtenu la liberté, même pas des travaux communautaires, on ne sait pourquoi. Sur les six condamnés pour blanchiment d’argent, cinq ont payé en tout Rs 1 280 000 d’amende. Le sixième est allé en prison 18 mois. Pourtant, il y a eu 196 plaintes déposées contre des agents publics dont 35 concernent le désormais connu service de «procurement». Le gouvernement a subventionné Rs 198 M à l’ICAC durant l’année financière en question, dont Rs 179 M englouties dans le paiement des salaires et autres aux membres du personnel et de la direction.