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«Sniffing»: les non-réponses du PM inquiètent

27 octobre 2022, 11:30

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«Sniffing»: les non-réponses du PM inquiètent

On se souvient de la série de questions au Premier ministre du 26 juillet concernant le scandale de «sniffing» que l’opposition n’avait pu poser en raison de la très longue réponse de Pravind Jugnauth à la seule qui avait pu être adressée ce jour-là. Elle émanait de Kenny Dhunoo et concernait le traitement médical de Navin Ramgoolam en Inde.

Le 26 juillet, certains membres de l’opposition, comme Patrick Assirvaden, Mahend Gungapersad et Shakeel Mohamed, se sont laissés piéger par la réponse provocante de Pravind Jugnauth, ce qui avait allongé un peu plus les échanges et permis par la même occasion au PM de ne pas avoir à répondre au Prime Minister’s Question Time (PMQT) sur le «sniffing». Les autres questions sur le même sujet le 19 juillet étaient aussi restées sans réponses.

Le PM a donc pu prendre tout son temps, soit trois mois, pour réfléchir au contenu de ses réponses écrites qu’il vient de déposer au Parlement. Ces trois mois ont permis également d’oublier le scandale de «sniffing», que le PM a pu entre-temps qualifier, lors des meetings et conférences de presse notamment, de non-événement. Pravind Jugnauth et ses porte-parole disent même que c’est Sherry Singh qui lui doit des réponses alors que c’est lui qui devait des réponses à l’opposition. Il est certain que ses explications tardives vont faire renaître ce scandale de «sniffing», vu la vacuité de ces mêmes réponses.

Ainsi, à la question d’Osman Mahomed (B/926) qui voulait savoir, le 26 juillet, si le «survey» du 15 avril 2022 n’avait pas été effectué en violation du contrat avec le consortiume SAFE, Pravind Jugnauth répond que selon la section 6.1 du Construction and Maintenance Agreement liant SAFE à Mauritius Telecom (MT), celle-ci est la propriétaire du segment T 14 et seule responsable des opérations de ce segment. De ce fait, ajoute le PM, aucune autorisation n’est requise de SAFE et donc il n’y a pas eu de violation de l’accord. Osman Mahomed se dit étonné que le Premier ministre se réfère aux seuls articles 6.1 et 10 du Construction and Maintenance Agreement et non à l’article 26 de ce même accord qui stipule clairement qu’«all data and information that is acquired of or under this Agreement shall not be divulged to any third party without the approval of the Management Committee».

Un haut cadre de MT, lui, est d’avis que «no law allows you to intercept internet traffic whatever the bloody segment he is hiding behind».

Chut, secret-défense et compagnie privée

À la question B/863, prévue ce jourlà, Osman Mahomed voulait savoir si le président du conseil d’administration de MT, Nayen Koomar Ballah, avait obtenu l’approbation du board avant de convoquer Sherry Singh pour lui demander d’autoriser les «sniffers» indiens à intervenir à la station de Baie-du-Jacotet. Pravind Jugnauth répond que cela «is a matter that is internal to the Board of Mauritius Telecom, I have no personal knowledge of same».

«I am informed by MT that Government is not in presence…»

Dans sa question No B/859 au Premier ministre, en date du 19 juillet, Osman Mahomed, qui a en tout posé trois questions sur ce sujet, voulait savoir si Orange SA, le partenaire stratégique de MT, s’est plaint auprès du gouvernement à propos de l’intervention des techniciens indiens à la station de Baie-du-Jacotet. Réponse surprenante de Pravind Jugnauth que nous citons telle quelle : «I am informed by the Mauritius Telecom that, as at date, Government is not in presence of any representations from Orange SA.» Si l’on traduit en français simple, cela donne :«MT m’informe (moi, le chef du gouvernement) que (mon) gouvernement n’a reçu aucune plainte venant d’Orange à ce propos.» Osman Mahomed est perplexe. «Sauf si les rédacteurs des réponses du PM se sont trompés grossièrement, je me demande comment c’est à MT de dire ce que le gouvernement a reçu ou non comme correspondance.»

Quant à la PMQT B/927, dans laquelle Nando Bodha voulait connaître la composition de l’équipe indienne, les qualifications des membres de cette équipe, s’ils appartiennent à une compagnie privée ou à une agence gouvernementale, la durée de leur séjour à Maurice et s’ils ont soumis un rapport après le «survey», la réponse écrite et bien réfléchie de Pravind Jugnauth est la suivante : «Information pertaining to national security cannot be disclosed.» Il donnera quand même les dates du séjour des Indiens, mais cela, on le savait déjà.

Ce qui a fait réagir Nando Bodha. «Pravind Jugnauth a omis l’essentiel en se cachant derrière la sécurité nationale qui est justement menacée par l’intervention d’étrangers sur notre réseau. On ne sait donc toujours pas qui a commandité ce survey ou sniffing et si un rapport a été remis au gouvernement mauricien.» Nando Bodha avait une question supplémentaire pour le PM : «Est-ce que ces ingénieurs indiens sont rentrés en Inde le 16 avril 2022 dans le même avion que Pravind Jugnauth qui volait ce jour-là vers le Gujarat ?» Mais le PM a pu échapper à cette question et devrait remercier les trois trop bouillants députés travaillistes qui ont rendu cela possible.

Dans sa PMQT B/935, dans laquelle Ehsan Juman demandait si un échantillon de communication a été prélevé par les «sniffers» indiens et s’il est inclus dans un rapport, le PM répéteraqu’«in the interest of national security, no specific information such as that requested by the honorable member can be disclosed». Ehsan Juman commente. «Pravind Jugnauth a brandi la sécurité nationale pour ne pas répondre. Mais il est clair qu’il sous-entendait qu’il y a bien eu capture de données car sinon il aurait répondu par la négative.»

Arvin Boolell, lui, voulait savoir par le biais de sa PMQT B/941, si Girish Guddoy a été convoqué par le bureau du Premier ministre entre avril et juillet 2022 alors qu’il était «Chief Technical Officer de Mauritius Telecom», et si oui, pour quelles raisons. Dans sa réponse écrite, le PMreconnaît que Guddoy a bien été convoqué par Nayen Koomar Ballah qui l’a fait, non en qualité de membre du bureau du Premier ministre, mais comme chairman de MT, même si la rencontre a eu lieu au PMO. Et pourquoi cette convocation ? «To provide an accurate statement of facts on the survey at the Cable Landing Station of Baie-Jacotet following allegations made by the former Chief Executive Officer of Mauritius Telecom.» Et d’ajouter que Guddoy a soumis un rapport à Ballah «willingly and voluntarily». Pravind Jugnauth ne veut toutefois pas en dire plus car «une enquête policière est en cours».

Pour Arvind Boolell : «Il y a la dimension de relations bilatérales entre l’Inde et Maurice dans cette affaire avec l’Inde qui considère l’océan Indien comme son front garden. Pour la Grande péninsule, tout est bon pour contrer le projet de Collier de Perles chinois. Je me demande s’il n’y a pas eu de pressions exercées sur Pravind Jugnauth..»

À une autre question posée (B/862) par Arvin Boolell le 19 juillet, qui voulait savoir pourquoi l’intervention des techniciens indiens à Baie-du-Jacotet n’a jamais été abordée par le board de MT, le PM réitère : «To the extent that this is a matter that is internal to the Board of the Mauritius Telecom, I have no personal knowledge of same and hence, I cannot answer for the Board.» Mais il ajoutera quand même, en renvoyant la responsabilité à Sherry Singh, que l’ex-Chief Exeutive Officer aurait dû porter l’affaire de «sniffing» devant le board s’il n’était pas d’accord avec le «survey», insinuant donc qu’il sait que Sherry Singh ne l’a pas fait. Pour Arvin Boolell, Nayen Koomar Ballah, qui était le chairman de MT et en même temps secrétaire au cabinet du PM, ne peut changer de chapeau quand cela lui plaît. Et concernant l’enquête policière qui serait en cours, le député travailliste se demande si la police ne va pas passer un temps interminable sur l’enquête comme c’est le cas pour l’affaire Kistnen.