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Arnaud Carpooran: «pa kapav fer foutan ek zanfan Repiblik Moris»

1 octobre 2022, 21:00

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Arnaud Carpooran: «pa kapav fer foutan ek zanfan Repiblik Moris»

Cela fait 200 ans que le premier texte littéraire en «kreol» a été publié. «Les essais d’un bobre africain» a été transformé en spectacle vivant, le lundi 26 septembre au Caudan Arts Centre. Cela fait aussi 10 ans cette année que le kreol est entré à l’école comme matière optionnelle. Si l’année prochaine, il sera pour la première fois une des matières offertes au «School Certificate», Arnaud Carpooran y pense déjà comme matière principale au «Higher School Certificate» en 2025.

Est-ce que la littérature en kreol a une histoire, un corpus assez riche pour devenir une matière à part entière au «Higher School Certificate» (HSC) ? Ce débat, vous l’avez relayé dans votre discours de présentation de «Zistwar depi enn bob afrikin».

La vraie question est : est-ce que le kreol sera proposé comme matière au HSC.

Après le «kreol» au «School Certificate» (SC) l’année prochaine, n’est-ce pas acquis ?

C’est acquis dans l’esprit de tout le monde, mais quand on pose la question au Mauritius Examinations Syndicate (MES), la réponse est qu’il n’y a pas encore eu de policy decision l’invitant à y travailler pour le HSC. C’est logique qu’après le kreol au SC, on passe au HSC, sauf qu’il faut lancer les préparatifs au minimum deux ans avant. Les intellectuels, les pédagogues, les techniciens, les linguistes doivent prendre le dossier avant même la policy decision, pour que ce ne soit pas au moment où la décision tombe, qu’ils commencent le travail. Le processus a été enclenché. Suivant cette logique, si le kreol devient une matière principale au HSC, il faudra un volet littéraire.

Nous n’avions pas envisagé la littérature en kreol comme une matière à part entière au collège. Jusque-là, c’était un sujet dans lequel on intégrait des éléments littéraires. En HSC, le kreol devra être comparable aux autres langues, que ce soit l’anglais, le français ou les langues orientales. Avec pour nouveauté, la littérature en kreol comme un sujet en lui-même. Cela existe déjà à l’UoM. J’enseigne un module sur la littérature kreol comparée.

Le MES a participé à une table ronde de l’«Akademi Kreol Repiblik Moris» (AKRM), qui fédère les institutions concernées par le «kreol» au HSC.

Le MES ne prend pas de décision. Mais c’est lui qui a dit qu’il fallait s’y prendre à l’avance pour constituer une liste de textes. C’est fort des observations des techniciens du MES qu’il y a eu par la suite d’autres réunions pour poursuivre les débats. Certains techniciens du ministère de l’Éducation avaient l’impression qu’il n’y a pas assez de textes en kreol, que ce n’est que maintenant que les gens se mettent à écrire en kreol.

Ces débats vous ont poussé à célébrer les 200 ans du premier texte littéraire en «kreol», «Les essais d’un bobre africain» ?

Pas uniquement. À l’université, nous avions le devoir de rappeler que la littérature en kreol a 200 ans. C’était mon devoir de remettre le nom de François Chrestien dans le circuit parce qu’on l’a oublié. Dimounn rapel inpe Charles Baissac, nou koz li pli souvan. Mais il reste méconnu. Bientôt, il y aura quelque chose autour de Baissac comme ce que nous avons fait pour François Chrestien. Ti bizin koumans par nimero enn. Le corpus littéraire en kreol date de 200 ans et cela ne s’est pas arrêté depuis. Avec une explosion après l’indépendance inaugurée par Dev Virahsawmy. Cela continue jusqu’aujourd’hui. Dans ce riche corpus, il faut faire le tri pour savoir quels textes sont appropriés pour les élèves en HSC.

Selon quels critères cela sera-t-il décidé ?

L’une des questions posées est : quand Dev Virahsawmy traduit Tempest de Shakespeare (NdlR : Toufann) est-ce que c’est de la littérature anglaise créolisée ou de la littérature en kreol ? Autre question : est-ce que la littérature en kreol morisien, c’est la même chose que la literatir kreol morisien ? Est-ce que la littérature kreol doit se limiter à la littérature écrite ou est-ce que la littérature orale, les proverbes, sirandann tousala rant ladan ?

Quelles sont les réponses à toutes ces questions ?

Elles sont débattues au fur et à mesure. À l’université, comme j’enseigne un module de littérature kreol comparée, nous sommes dans cette analyse épistémologique-philosophique.

Pour enseigner le module à l’université, vous avez fait un choix d’œuvres. Avez-vous inclus des traductions ?

Oui. Il y a le recueil de Michel Ducasse qui a traduit des poèmes de grands auteurs comme Baudelaire, Blake, Tagore, Enn bouke bwa tanbour.

La retranscription d’œuvres en kreol dans la graphie officielle fait-elle toujours débat ?

Y a-t-il des auteurs qui refusent l’harmonisation ? Pour moi, il n’y a pas de débat. C’est absolument nécessaire que les œuvres soient dans le kreol que les élèves apprennent à l’école. Les institutions devront assumer les frais de l’harmonisation des textes.

Un texte valable dont l’auteur refuse qu’il soit retranscrit dans la graphie officielle ne sera pas étudié à l’école ?

S’il veut que son texte soit étudié à l’école, il devra faire des concessions sur cette validité. Des auteurs tombés dans le domaine public ont été retranscrits dans la graphie officielle. Si des auteurs vivants veulent maintenir leur propre manière d’écrire, just too bad. C’est leur choix.

On pense notamment à «Ledikasyon Pu Travayer» (LPT)

 Ledikasyon Pu Travayer ena enn desizion pou pran. LPT était un membre full-fledged de l’AKRM, représenté par Alain Ah Vee. Il a voté pour l’orthographe officielle. Pushpa Lallah a représenté Playgroup. Elle a voté pour la graphie officielle. Dev Virahsawmy était là au début avant de démissionner. Il a accepté de modifier ses textes en écrit. Ledikasyon Pu Travayer bizin konpran. Soit on est schizophrène jusqu’au bout, soit on a une démarche logique. Si, après avoir voté en faveur de l’orthographe officielle, LPT ne souhaite pas que ses textes soient harmonisés, li bizin al fer enn konsiltasion. Tou dimounn kinn asiz dan AKRM pa kapav fer foutan ek zanfan repiblik Moris, vinn sanz lide landime. Pena okenn kata-kata lorla.

Qui dit études littéraires, dit anthologie de textes en «kreol». Est-elle complète ?

Il y a le Panorama de la littérature créolophone à Maurice publié par Robert Furlong et Vicram Ramharai en 2007. C’est le premier volume. Zot pann gagn letan kontinie.

Dix ans après l’entrée du «kreol» à l’école, vous comprenez ceux qui demandent en quoi cela va contribuer à l’avancement des enfants ?

Je peux comprendre. Sa arive ki enn bis pass divan nou me nou pa rant ladan. Certains restent coincés dans une appréciation du monde tel qu’il était avant. À cause de leurs réticences de départ, ils n’ont jamais suivi toutes les réalisations concrètes. C’est leur droit le plus strict. Je connais beaucoup de gens qui ont changé d’avis à 100 % une fois qu’ils ont compris cette dynamique, y compris à l’université de Maurice. Zot ti lev nene lor la. En revanche, je ne connais personne qui aurait été en faveur du kreol à l’époque, par militantisme, par conviction en faveur du mauricianisme, et qui aurait changé d’avis. Ce phénomène n’existe pas.

Où en est l’introduction d’une «BA Creole Studies» à l’université de Maurice ?

La réflexion est entamée. D’ici deux ans, il y aura un programme axé sur le kreol plutôt que les French and Creole studies, comme c’est le cas actuellement.

Cela arrivera à temps pour ceux qui auront choisi le kreol comme matière principale au HSC ?

Effectivement. Mais pas uniquement. Nous croulons sous les demandes de traductions de tous types de textes, des softwares, etc., de divers ministères et institutions. Pas plus tard qu’hier, j’ai reçu une demande du ministère de la Sécurité sociale et une autre du ministère du Transport. Cette année, nous avons lancé le foundation course en kreol morisien à l’UoM. Une deuxième cohorte arrive. Nous espérons que de plus en plus de fonctionnaires seront libérés pour suivre ce cours.

Dans le premier groupe, quel était le pourcentage de fonctionnaires ?

Il y en avait 30 % et les gens des médias, 30 % ; le reste, c’était le grand public.

Le «kreol» au Parlement : atelier de terminologie courant octobre

<p>L&rsquo;AKRM a mis en place une commission terminologique. Sa mission : trouver un registre technique pour diverses disciplines, y compris le Parlement, les administrations, les lois, les sciences, les mathématiques etc. Quel est le calendrier de ce comité terminologique ? Arnaud Carpooran précise que ce mois-ci, dans le contexte de la journée de la langue maternelle, célébrée le 28 octobre, des ateliers seront organisés pour déterminer les objectifs. Est-ce qu&rsquo;en dehors des techniciens du langage, des parlementaires seront conviés ? <em>&laquo;Oui, il faudra l&rsquo;ouvrir à un panel plus large : des juristes, des gens qui connaissent le fonctionnement du Parlement.&raquo;</em></p>