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Interview | Sanjeev Teeluckdharry: «Le fameux sac d’Akil Bissessur est l’élément central de sa défense.»

11 septembre 2022, 16:00

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Interview | Sanjeev Teeluckdharry: «Le fameux sac d’Akil Bissessur est l’élément central de sa défense.»

Avec son accent, sa diction, la tonalité de sa voix, son éloquence «différente», Sanjeev Teeluckdharry est reconnaissable entre mille. Mais ce n’est pas sa plus grande singularité. L’avocat est surtout dans tous les coups où le rôle de la police n’est pas très net. Alors que l’opinion publique est divisée sur l’affaire Akil Bissessur, dans cet entretien, l’avocat navigue méticuleusement entre les éléments «sub judice» de cette affaire particulière et dévoile d’autres affaires peu connues pour jouer ce qu’il appelle son rôle de «gladiateur des temps modernes».

Peut-on parler de l’affaire Akil Bissessur sans causer de préjudice à la poursuite ou à l’accusé ? 
L’accusé a déjà subi des préjudices car il y a eu beaucoup de discours, par exemple, celui du Premier ministre ; et il y a eu la fuite d’un clip vidéo réalisé par la police. La police est censée agir en toute indépendance et non être téléguidée. Le Premier ministre a dit «Akil lor nou radar». A-t-il donné des instructions à la police ? A-t-il donné des ordres à la police ? Y a-t-il eu un accord entre la police et le Premier ministre pour que la police procède à cette mission ? Le Premier ministre a fait un aveu de complot au sommet de l’État. Dans tout pays civilisé, il aurait face à une motion of no confidence et une inculpation pour complot. 

Attendez. Tout comme dans le journalisme, dans une telle affaire, les faits sont plus importants que la source. Peu importe l’identité de l’informateur de la police, les faits ici sont que de la drogue a été retrouvée chez votre client.  Si chaque accusé se met à «challenge» la façon dont la police a obtenu ses informations… 
(Il nous interrompt). Non, je ne vous parle pas de la façon dont la police a obtenu des informations. Suivant le discours du Premier ministre, nous avons vu une hitlist avec le nom d’Akil Bissessur en pole position… 

(On l’interrompt) On démarre sur de mauvaises bases pour cet entretien, permettez. Cette soi-disant «hitlist» est un vulgaire document qui a circulé sur les réseaux sociaux. Vous n’y prêtez pas foi, j’espère ? Et elle est apparue après l’arrestation d’Akil Bissessur. 
Peu importe. On a vu cette hitlist. On ne sait pas qui l’a faite. De toute façon, une hitlist ne sera jamais un document authentifié, notarié, minuted and gazetted.  

 

Elle ne sera donc jamais acceptée dans une cour de justice ! 
La cour décidera de son admissibilité. Je vous invite à voir l’affaire dans son ensemble et à rassembler les pièces du puzzle. Akil Bissessur est une political target. Pourquoi ? Il y a plusieurs raisons. Chacune d’elles, en isolation, est convaincante. Il est une des plus grandes critiques du Premier ministre, ses députés, ses nominés. Il critique le système et l’action gouvernementale. Il a même contesté la pension présidentielle de sir Anerood Jugnauth. Quand vous prenez tout cela, Akil Bissessur soulève une défense très valable. L’opération de la police, son arrestation, sa détention, tout est politically motivated. Pourquoi le gouvernement a-t-il créé une Special Striking Team ? Ce n’est pas quelque chose de prévu dans ses Standing Orders. Il y a la CID, le CCID, l’ADSU, la MCIT, la SSU, la SMF. Pourquoi cette unité a-t-elle été créée ?  

Le commissaire de police «in his own judgment» dans le «management» de la police, peut créer et démanteler des unités comme bon lui semble. 
Je vous invite à voir au-delà de qu’il a le droit de faire ou pas, et de réfléchir au pourquoi. Son bureau est une vieille grange, avec du mobilier en mauvais état, et il n’y a même pas d’ordinateur. Est-ce que c’est une unité de police créée et mandatée après une réflexion stratégique dans l’intérêt public ? Ou est-ce une milice ?  J’ai été dans les locaux de cette unité deux jours avant l’arrestation d’Akil, pour un autre client qui s’était fait arrêter. 

Une autre victime politique ? 
Non. 

Ce qui prouve que la «Striking Team» ne mène pas uniquement des actions contre des opposants.  
Cette unité ne mène que des opérations. Elle n’enquête pas. Li zis trapé, ek fer l’ADSU, CCID, CID, al fer lanket.  

Pourquoi n’est-ce pas acceptable ? 
On attend de la police qu’elle soit sérieuse et rigoureuse. Quand vous arrêtez quelqu’un, il y a toute une procédure à suivre : la déposition des policiers pour substantiate l’affaire, celle de l’accusé, la safe custody des pièces à conviction pour qu’elles soient présentées en cour sans que personne n’y ait touché, la déposition de l’exhibit officer, etc. C’est comme ça que la police doit faire condamner un accusé ; en étant sérieux et rigoureux. Cette striking team n’a rien de tout cela. Voilà pourquoi la police se fait tout le temps remonter les bretelles et ridiculiser par les magistrats. Akil leur a remis son téléphone en bon état, et ils l’ont littéralement mis en pièces. Pourquoi ? Je ne sais pas. Pourquoi ils ont fait voler les vitres ? Derrière ces vitres, il y avait des barrières antivols. La Striking Team savait qu’elle ne pourrait pas y passer, donc pourquoi les briser ? 

Pour filmer les faits et gestes d’un suspect qui ne veut pas se plier à un mandat de perquisition, peut-être. 
Selon mon client, le mandat ne lui a été présenté qu’après la perquisition. Que le mandat ait été signé par un magistrat ou un haut gradé de la police, la police doit procéder avec tact et discipline. Si vous pensez que la drogue est cachée dans la télé, démontez-la, mais ne la détruisez pas. La Striking Team a beaucoup à apprendre de l’inspecteur Ramlagun du CCID qui a conduit une deuxième perquisition dans l’appartement d’Akil.  Même Akil les félicite et nous a dit que le CCID a eu une approche professionnelle. Avant de commencer, ils ont présenté l’équipe de la perquisition à l’accusé ; ils lui ont montré leurs poches vides, et ils sont passés de pièce en pièce en présence d’Akil alors qu’ils filmaient le tout. Ils ont minutieusement démonté sa table de billard avant de la rassembler. So larmwar ti déza an ord, linn vinn plis an ord apré sa search la. (Sourires !) This was an excellent search carried out under professional standards. 

Mais vous êtes d’accord que dans une enquête sur un trafic de drogue, il y a l’effet surprise qu’il faut créer pour éviter que le suspect ne se débarrasse des «exhibits».  
Cela n’empêche pas la transparence. Cela ne vous oblige pas à détruire les caméras. Que voulaient-ils cacher ? Au final, qu’est-ce que vous voulez ? Trouver la drogue et surtout mettre toutes les chances de votre côté pour faire condamner le suspect, n’est-ce pas ? Ou bien ou anvi zis intimidé, ek fer dézord ? Dimounn la pa pé ouver ? Ok, enfoncez la porte et ne cassez pas les vitres. Je connais deux ex-policiers qui sont aujourd’hui avocats et qui comptent chacun une quinzaine d’années au barreau après une longue expérience comme policiers affectés à la CID et à l’ADSU. Ils m’ont donné une dizaine de failles sur la façon dont cette opération a été conduite.  

Concédons les failles. Je me mets à la place de ce citoyen qui a vu cette vidéo montrant Akil Bissessur prendre un sac… 
(Il nous interrompt). Get sa, Akil inn fini rakont sa dan so défans et il est impatient de tout raconter à la cour. Si l’affaire va en cour… 

Comment ça, «si l’affaire va en cour» ? 
Cette affaire est un dead horse. Plus nous avançons, plus elle s’affaiblit. L’absence d’empreintes fait qu’elle est mort-née. Mais si la police ne le poursuit pas, Akil va loger des plaintes au civil, il va loger des private prosecutions et nous aurons l’occasion d’écouter sa version sur ce sac. 

Petite parenthèse sur les empreintes. Mon but n’est pas de juger l’affaire et de me substituer au magistrat mais de vous interroger de la part de ce citoyen qui doit voir que justice est faite ; «the man on the Clapham omnibus».  
D’accord… (Il sourit et nous écoute). 

«Bé boss, si enn dimounn pann manipil bann ti sasé ladrog et ki linn trap sak ki ti kontenir sa bann sasé-la, normal pa pou éna so lanprint lor bann ti sasé-la.»  
Vous connaissez Antoine de Saint-Exupéry, n’est-ce pas ? Il a écrit Terre des Hommes, Vol de nuit, mais aussi Le Petit Prince. Saint-Exupéry raconte que le petit prince lui dit «dessine-moi un mouton». (Il voit notre impatience). Je réponds à votre question, soyez patient et cela va éclairer vos lecteurs, même si vous avez déjà saisi où je veux en venir. Donc Saint-Exupéry dessine plusieurs croquis mais le petit garçon trouve que le dessin ressemble à un bélier, ou un mouton trop vieux, ou trop malade. Saint-Exupéry dessine une boîte en lui disant que le mouton est dans la boîte. Et le petit prince en est tout heureux. Donc, tout est dans la boîte. Aujourd’hui la Striking Team veut que tout – tout ce que la population imagine, tout ce que la Striking Team invente – soit dans ce fameux sac.  

Mais qu’il ait pris juste ce sac-là, ce n’est pas l’imagination de la population ou une invention de la police. 
J’aurais tellement aimé tout vous dire et vous auriez été immédiatement convaincu. Mais je me dois dans l’intérêt de mon client de ne pas violer le sub judice de l’affaire et the integrity of the police enquiry. Mon client a fourni une défense qui tient complètement la route. Même si la police se rétracte de cette affaire criminelle, il logera un procès au civil pour faire éclater la vérité. Rama Valayden l’a dit, et je le répète. Cette vidéo n’est qu’une partie de l’histoire. Quand je vous dis qu’il y a beaucoup d’éléments, c’est qu’il y en a. À quelle heure la police était-elle arrivée sur les lieux ? Était-ce avant même qu’Akil, sa compagne et sa belle-mère ne rentrent ? Qu’ont-ils fait ? Attention, le fameux sac peut devenir l’élément central de la défense d’Akil Bissessur. Vous savez, Sanjeev Teeluckdharry pa fer konfians dan sa lapolis là ! Je respecte quelques policiers et je peux croire en leur parole. Certains policiers peuvent écrire des scripts à succès pour Netflix ! 

N'est-ce pas vous qui êtes en train de faire un script autour du synopsis «la drogue plantée chez un opposant»
(Il fait semblant de ne pas nous entendre). Posez-vous la question : d’où provient la drogue qu’ils sont en train de planter. Qui leur fournit cette drogue ?  

Mais avouez que «drug planting» n’a jamais été prouvé dans aucune affaire. L’affaire John Brant (NdlR : l’ADSU avait prétendu arrêter un trafiquant dans la rue avec un sac contenant de la drogue à la main, mais des images CCTV ont par la suite démontré que l’homme n’avait pas de sac) est en bonne voie pour la défense, mais c’est toujours la défense de tout trafiquant de drogue. Jamais un trafiquant de drogue n’avoue. 
Vous connaissez seulement John Brant. Moi j’ai des dizaines d’affaires similaires. Vous oubliez Shah Baaz Choomka, étudiant en BSc Accounting with Finance, sans histoire, qui a passé 467 jours en détention pour qu’au final, le FSL vienne dire que ce n’est pas de la drogue ! Votre propre journal en a parlé. Vous oubliez la famille Reetun. Le jeune homme est étudiant à l’université, son frère est banquier, son papa comptait 28 ans de service à Mauvilac, sa mère avait un étal au marché de Quatre-Bornes, a well-to-do family. 1,5 kg de cannabis synthétique d’une valeur de Rs 6 millions ont été découverts soi-disant chez eux. Père, mère et fils sont arrêtés. Le jeune homme est battu pour qu’il passe aux aveux en lui faisant du chantage émotionnel sur la détention de ses parents. Les parents obtiennent la liberté conditionnelle après quatre mois contre des cautions exorbitantes ; et ce sont des proches qui ont contribué. Le jeune homme lui reste en détention pendant 14 ou 16 mois. Et puis, en décembre 2021, alors que l’arrestation avait eu lieu en mai 2018, le FSL émet un rapport négatif. Il n’y a aucune trace de drogue sur ces pièces à conviction. Et vous savez ce qui va se passer ? La police revient chez la famille ! Cette fois ils inculpent le jeune homme pour possession of material to be used for production of dangerous drugs. La police d’elle-même du coup retire la première affaire de drug dealing et le jeune homme est libéré au bout de six autres mois en détention pour la nouvelle accusation. Voilà comment la police opère ! Vous savez que jusqu’à l’heure, la police refuse de nous donner une copie du rapport du FSL pour la première accusation ? Si ce n’est pas une mafia, alors c’est quoi ?  

«Le fameux sac d’Akil Bissessur est l’élément central de sa défense.» 

Quel est l’intérêt de la police à planter de la drogue chez des citoyens lambda et sans histoire ? Si on ose croire à votre théorie de «drug-planting» chez Akil Bissessur, il y a le mobile ; c’est un fervent opposant politique. Mais les autres ? Je ne vois pas pourquoi la police ferait ça.  
Je ne sais pas. Inn lér pou lapolis aret fer mari ar ti dimounn.  Je peux vous donner d’autres exemples encore. Jean Noel Ravina, un chauffeur de taxi, accusé de trafic de Rs 100 millions de drogue parce qu’il a transporté deux passagers qui venaient d’atterrir et avaient de la drogue sur eux. Après quatre ans – quatre ans de détention ! – la police affirme qu’elle n’a pas de preuves contre lui. Peut-être que l’affaire Christopher Pierre-Louis peut apporter un élément de réponse à votre question. Cet homme qui – en passant – est représenté par nul autre qu’Akil Bissessur, rappelez-vous, n’a commencé à raconter son histoire que quand les vidéos de sa torture par la police ont fuité. Un chauffeur-propriétaire de camion que les policiers ont pris pour une vache à lait. Et il leur donnait de l’argent ! Quand il n’a plus voulu, ils ont fabriqué des accusations contre lui. C’est de l’extorsion ! Des méthodes de mafia. Si les vidéos n’avaient pas fuité, cet homme n’aurait jamais rien dit. Vous vous rendez compte ? Des injustices pareilles ? Ce sont des drames terribles ; des tragédies humaines. Il y a aussi le sadisme de certains policiers. Akil Bissessur défend David Jolicoeur, accusé à tort de meurtre, détenu pendant trois ans et demi, torturé et humilié par la police. Jolicoeur vient d’être acquitté.  

Une autre explication à cette pratique de drug-planting, c’est que des officiers veulent être reconnus comme de grands combattants du trafic. Tap lestoma, gouvernma vinn kapitaliz lor la, fer krwar ki pé amenn bel konba. Dans cette propagande, ce sont des innocents qui sont broyés. Les vrais trafiquants, les vrais cartels eux, on ne les arrête jamais. Même la commission d’enquête sur la drogue n’a pas démantelé de cartel. Elle a simplement terni la réputation des avocats, ekrir napa lor zot, et nous avons tous gagné nos procès contre la commission. Pourquoi ne cherche-t-on pas l’assistance d’Interpol dans le combat contre la drogue ? On aurait pu proposer l’amnistie aux mules importatrices en échange de véritables informations sur ce qu’elles savent. Mais non, on utilise des innocents pour faire croire qu’on combat le trafic de drogue. La saisie de cocaïne dans la tractopelle aux côtés du tram Mauricio, ce n’est pas la police. Ce sont les mécaniciens d’une compagnie privée qui ont découvert la drogue. Qu’y avait-il sur le Wakashio ? 

Il n’y avait rien. La cour a statué qu’il y avait une fête à bord. C’est l’imprudence qui a conduit à un accident. Le reste, ce sont des spéculations. 
Voilà pourquoi nous avions logé une private prosecution pour Act of War against the State. Pour faire parler le capitaine. Sous la menace de 60 ans de prison, il aurait parlé. Son équipage aurait parlé. 

«Ce n’est plus une question de ‘’si’’ la drogue a été plantée, mais ‘’qui’’ l’a fait !» 

Ce ne sont que des spéculations. 
Get sa, mwa mo koné. Yusuf Mohamed, un des plus grands criminal lawyers de ce pays, le savait. Qu’a-t-il dit avant de sortir de l’affaire ? «Des forces occultes ont peur que la vérité sur la cargaison du Wakashio éclate» ! N’est-ce pas ? Qu’avait-il à gagner ? Il était au crépuscule de sa carrière.  

Votre «private prosecution» n’a convaincu ni le DPP, ni le magistrat. 
J’ai fait mon devoir. Je ne peux pas convaincre tout le monde, mais je peux continuer à me battre sur tous les fronts pour faire éclater la vérité, par exemple, dans le cas Kistnen. Là aussi, vous me direz qu’il n’y a pas de preuves ? Une magistrate a établi deux mobiles possibles. Soit les Kistnen Papers, soit des contrats publics. Un homme qui a servi le MSM, et le MSM ne fait rien pour essayer de savoir qui l’a tué ? Pourquoi la police n’a pas prélevé l’ADN de certaines personnalités politiques qui avaient un intérêt à éliminer Kistnen ? 

Parce qu’elle n’a pas été sommée de le faire ? 
Pourquoi ces personnalités n’ont-elles pas volontairement fourni leur ADN ? Mon client Akil Bissessur a fourni le sien volontairement. Kot bizin fer lanket pa pé fer ! Il y a des cas où il y a des overwhelming evidences, plus que beyond reasonable doubt, et la police ne fait absolument rien. Certains policiers font un bon travail, mais certains ne sont que des marionnettes du pouvoir en place ! Ils préfèrent mener des opérations contre Rama Valayden, Akil Bissessur et consorts. 

Votre métier, c’est d’innocenter vos clients ou faire éclater la vérité ? 
C’est une question centrale qui anime les classes d’éthique des cours en droit. Quand un accusé est innocent, la question ne se pose pas. L’avocat doit faire tout ce qui en son pouvoir pour faire éclater la vérité et innocenter son client. Mais si celui-ci est coupable, l’avocat doit s’assurer que la condamnation repose uniquement sur des preuves et témoignages crédibles. 

S’il est coupable et qu’il prétend être innocent ? 
L’avocat a le devoir de représenter son client selon les instructions de celui-ci. Mais il ne peut pas induire la cour en erreur, inviter son client à mentir devant la justice, avoir recours à des moyens tordus comme de faux alibis pour faire innocenter son client. Par contre, il peut s’appuyer sur le manque de preuves, le peu de crédibilité des témoins ou leurs témoignages contradictoires. Le public a tendance à oublier que c’est la poursuite qui doit prouver la culpabilité beyond reasonable doubt.  

Dans l’affaire Akil Bissessur, quand je vous écoute, il semble que vous n’allez pas vous contenter d’un éventuel bénéfice du doute ou d’un acquittement, faute de preuves beyond reasonable doubt. C’est vraiment la guerre entre la défense et la police. 
La première approche de la police doit être scientifique. S’il n’y a pas ses empreintes et son ADN sur la drogue qui lui est attribuée, qu’il n’y a que l’ADN des policiers. Que fait-on ? Il faudra alors savoir qui a donné les instructions pour planter la drogue. Est-ce le monsieur qui dit détenir un radar ?  

Avant cela il faudra prouver qu’il y a eu «planting» !  
Laissons l’affaire suivre son cours. Mais pour la défense, nous avons déjà passé ce cap. Nous travaillons à présent sur la question de «qui» a voulu faire tomber Akil.  

Mes radars me disent que la défense prépare un coup de théâtre. 
Je ne sais pas ce que vous appelez un coup de théâtre. Mais ce que je sais, c’est que si M. Pravind Jugnauth était un empereur des temps romains, il aurait, sans procès, jeté Akil Bisessur dans l’arène aux lions. Heureusement qu’à l’époque, il y avait des gladiateurs ; aujourd’hui il y a les Avengers, les gladiateurs des temps modernes. Nous œuvrons dans l’intérêt de la vérité et de la justice.  

Ça ne vous dérange pas qu’on vous décrive comme l’avocat de prédilection des marchands de la mort ? 
Je ne le suis pas. Les addictions m’attristent. Voir mes amis sous l’emprise du tabac m’attriste. Même si je défends les fumeurs de cannabis, je n’encourage pas la consommation. La drogue est un véritable problème de ce pays. Je suis juste un avocat qui tente de remettre la police sur les bons rails. Les vrais rails. Ceux qui conduisent au démantèlement des cartels. Cela passe par faire dérailler la mafia qui prétend être «the good guy » de l’histoire quand elle ne l’est pas. 

«Inn ler pou lapolis aret fer mari ar ti dimounn.»

On avait dit la même chose de sir Gaëtan Duval. Allez lire les débats parlementaires autour de la Dangerous Drugs Act de 1986. Il raconte l’affaire Rambhujun, un jeune qui vient de compléter ses études d’ingénieur et qui se fait piéger quand, pour aider, par humanisme et par naïveté, il déclare une valise d’un groupe d’indiens comme étant le sien. Elle contenait de la drogue. Sir Gaëtan Duval, dans toute sa grandeur, va prouver le piège en appel en Cour suprême. Maintenant, je vous pose cette question. Que ferez-vous si pendant que vous dormez dans un avion, quelqu’un glisse un colis de drogue dans votre bagage de cabine ? (Il marque un temps de silence). Ça vous fait réfléchir, n’est-ce pas ? Il vous faudrait alors un avocat de la trempe de sir Gaëtan Duval ou de Yousuf Mohamed pour vous sortir de ce pétrin.  

Je ne juge pas mes clients. Comme un médecin qui est censé s’occuper de tout malade indistinctement, un avocat doit représenter ses clients. Nous n’établissons pas la culpabilité. C’est à la poursuite de le faire. Un avocat qui refuse un client accusé de possession ou de trafic de drogue, je pense qu’il n’est pas un avocat. Un avocat qui refuse de représenter un meurtrier présumé, ce n’est pas un avocat. Un avocat ne choisit pas ses clients. C’est le cab-rank rule qui est un principe établi. À moins qu’il n’y ait un conflit d’intérêts, ou si l’avocat estime que ce ne serait pas dans l’intérêt du client.  

Choisissez un seul de ces scénarios : un vrai trafiquant innocenté ou un homme piégé par la police qui se fait condamner ? 
Le grand juge Blackstone a dit : «Vaut mieux 10 coupables en liberté, qu’un innocent condamné injustement.» C’est le système du droit. Un juge et ses jurés ne devraient pas avoir un seul iota de doute en rentrant chez eux sur la possible innocence d’un individu qu’ils viennent de condamner. Toute personne a droit à un procès équitable. La police doit faire condamner les coupables. Mais si elle use de moyens obscurs, de menaces et de chantage, elle se tire une balle dans les pieds, se décrédibilise, fait le contraire de qu’elle est censée faire, et fausse le cours de la justice.  

Quelle est la différence entre la vidéo où l’on voit John Brant sans sac, ce qui décrédibilise complètement l’ADSU, et la vidéo où l’on voit Akil Bissessur avec un sac ? Pourquoi dans le 1er cas, la défense a le droit de se réjouir ; et dans le 2e cas, c’est un préjudice à l’accusé ? 
John Brant a demandé que l’on consulte ces vidéos. Pour Akil, on demande juste à la police pourquoi elle a fait fuiter une séquence de l’opération à un moment crucial de la demande de remise en liberté conditionnelle ? Akil n’avait même pas fini son statement quand cette vidéo a été fuitée. Il avait uniquement répondu à trois questions : son nom, son adresse et ses revenus d’avocat. La police ne l’a pas confronté à cette vidéo avant qu’elle ne soit diffusée. Quel était le but, sinon déclencher un énorme lynchage public et médiatique ? Police viciated the fairness of its own enquiry. Cette vidéo ne nous pose aucune difficulté sur le fond. Les explications d’Akil sont convaincantes et satisfaisantes.  

Akil sera innocenté ou est-ce que la vérité va éclater ? 
La vérité l’innocentera. 

Mes sources à «Lakwizinn» me disent que vous êtes dans leur collimateur. 
Vous êtes en train de confirmer qu’il y a une hitlist, donc ! (Très calmement). Tell them, anytime, anywhere, most welcome. Lapli, soléy, tsunami, mo fer mo travay avoka dapré mo serman !