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Relations bilatérales avec la Chine et l’Inde: Une vraie stratégie de diplomatie économique pour optimiser nos échanges commerciaux

7 septembre 2022, 20:09

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Relations bilatérales avec la Chine et l’Inde: Une vraie stratégie de diplomatie économique pour optimiser nos échanges commerciaux

Les Mauriciens sont d’avis que la Chine et l’Inde, nos deux partenaires historiques, ont une influence positive sur le pays, selon l’étude conjointe de StraConsult/Afrobarometer. Si Maurice est signataire d’un accord de libreéchange avec ces deux pays, le déficit commercial reste important malgré une meilleure performance de nos exportations sur ces deux destinations en 2021. Or, il nous faut aussi être réaliste, Maurice étant un «net importer», on ne peut pas s’attendre à ce que cet écart soit drastiquement réduit. En revanche, le faible niveau d’investissements en provenance de ces deux pays soulève des interrogations. N’est-ce pas le moment de définir une vraie stratégie de diplomatie économique ?

Face à la crise économique et le spectre d’une récession mondiale, Maurice ne peut négliger aucune piste pouvant mener à une croissance solide de notre PIB, estimé à Rs 538 milliards par la MCB pour 2022. Sans aucun doute, atteindre nos objectifs de croissance sur le long terme passera inévitablement par une meilleure performance des investissements entrants dans le pays, en particulier dans les secteurs à valeur ajoutée. C’est là que nos accords de libre-échange avec ces deux super-puissances asiatiques, soit l’Inde et la Chine, sans oublier d’un autre côté, l’African Continental Free Trade Area (AfCTA), peuvent et doivent être optimisés pour redynamiser les investissements entrants dans le pays. Or, pour ce faire, une synergie entre ministères, institutions, départements et le secteur privé est primordiale. Enter la diplomatie économique.

Pour commencer, faisons un tour d’horizon de nos échanges commerciaux avec ces pays. Selon les chiffres de l’ambassade de Chine à Maurice, le volume des échanges commerciaux sino-mauriciens en 2021 a atteint USD 914 millions, soit une augmentation de 25,8 % par rapport à l’année précédente ; et l’exportation mauricienne vers la Chine a connu une croissance de 35,1 %.Justement, le dernier rapport de Statistics Mauritius affiche la valeur totale de nos exportations vers la Chine et Hong Kong (Special Administrative Region of China) à environ Rs 1,4 milliard pour l’année 2021 et Rs 418 millions pour le premier semestre de 2022. En 2020, nos exportations se chiffraient à environ Rs 1,1 milliard vers la Chine.

En comparaison, nos importations totales affichaient Rs 38,9 milliards pour 2021 et Rs 21,9 milliards pour le premier semestre de 2022, contre Rs 28,7 milliards en 2020. Évidemment, dans les deux cas, il ne faut pas oublier que nos échanges commerciaux se font en devises étrangères et que la valeur en roupies est donc sujette au taux de change pratiqué en moyenne sur ces périodes. De plus, à Maurice comme en Afrique continentale, l’achat de vaccins et autres équipements médicaux de Chine est à considérer dans le bilan de nos importations. Voyons maintenant nos échanges avec l’Inde. Au niveau des exportations, nous en sommes à Rs 1,9 milliard pour 2021 contre Rs 1,3 milliard en 2020 et la même somme pour le premier semestre de 2021. Au chapitre des importations, la note affiche Rs 33,5 milliards pour 2021, Rs 15,9 milliards en 2020 et Rs 15,2 milliards pour le premier semestre de 2022. À ne pas oublier que pour l’année financière 2020-2021, nous importions notre carburant de l’Inde.

«Les institutions publiques doivent penser globalement en matière de relations internationales, de diplomatie, de marketing et d’options d’investissement,# le tout dans un esprit de diplomatie économique.»

Si l’on note une légère amélioration des chiffres d’exportations vers ces deux destinations, la note d’importation reste salée même s’il nous faut mettre en exergue la position de Maurice en tant que net importer. Or, ne pouvons-nous pas faire mieux à travers ces accords de libre-échange ? Quid de nos difficultés persistantes d’accès à ces deux marchés ? «Autre que la signature des accords de libre-échange, d’autres éléments entrent en jeu à l’instar des réglementations phytosanitaires. Quand nous exportons des produits agricoles, il y a des test-risk assessments qui se font avant l’exportation pour éviter les contaminations, entre autres, et le tout doit être en règle avec le pays qui recevra nos produits. L’exportation de produits agricoles prend donc plus de temps. Dans le cas de la Chine, le processus est enclenché. Dans le cas de l’Inde, les discussions entre les institutions pertinentes, à savoir le ministère de l’Agro-industrie et son équivalent en Inde, sont en cours», dit Sunil Boodhoo, directeur du commerce international au ministère des Affaires étrangères. Selon lui, les exportations domestiques de Maurice vers l’Inde étaient de l’ordre de Rs 1,7 milliard en 2021, représentant une hausse de 59,6 %. Les exportations totales vers la Chine sont de l’ordre de Rs 1,4 milliard pour 2021. «Nous prenons nos chiffres des départements de la douane et nous évaluons la performance de cet échange commercial tous les trois mois.»

Maurice importe une grande partie des médicaments génériques de L’Inde.

Intéressons-nous à présent aux montants des investissements en provenance de ces deux pays. Selon les chiffres de la Banque de Maurice (BoM), les investissements directs étrangers en provenance de Chine affichaient Rs 312 millions en 2021, contre Rs 1,1 milliard en 2020, Rs 1 milliard en 2019 et Rs 2,4 milliards en 2018. Pour l’Inde, les investissements étaient de l’ordre de Rs 233 millions en 2021, Rs 830 millions en 2020, Rs 794 millions en 2019 et Rs 545 millions en 2018. Ne pouvons-nous pas faire mieux en nous appuyant sur ces accords ? Y a-t-il suffisamment de synergie entre les institutions et les entreprises pour pénétrer ou s’étendre sur ces marchés ? Chaque institution est-elle au courant de l’agenda marketing ou de lobbying de l’autre suivant une stratégie commune ?

Maurice étant signataire de ces accords bilatéraux a pourtant un avantage certain, d’autant plus que l’Afrique est un partenaire important pour la Chine de même que l’Inde. À titre d’exemple, la valeur des échanges entre l’Afrique et la Chine qui a augmenté de 35 % par rapport à 2020 pour atteindre USD 254 milliards en 2021. De plus, il faut mentionner que la Chine a annoncé en août dernier l’annulation des dettes de 17 pays africains. On se souviendra aussi qu’en 2020, un exercice similaire avait été entrepris pour 15 pays africains. La Grande péninsule n’est pas en reste, renforçant aussi ses liens avec l’Afrique continentale, les échanges commerciaux étant de l’ordre de USD 90 milliards, selon The Economic Times.

Si Maurice exporte du sucre vers l’Inde et la Chine, en revanche, le riz est importé en majeure partie de l’Inde.

Quid de notre niveau de diplomatie économique ? «Pour commencer, est-ce que nous avons une diplomatie économique ? Ça fait longtemps qu’on en parle mais est-ce que cette politique a été bien définie et s’est-on donné les moyens pour la réaliser ? Quand j’avais été appelé à faire des recommandations sur la restructuration des ministères, j’avais proposé, entre autres, la fusion du ministère des Affaires étrangères et celui du Commerce international car cela nous donnerait les moyens d’une nouvelle orientation de notre diplomatie. Cette proposition avait été retenue et la fusion entre les deux services de l’État avait démarré. Mais le nouveau gouvernement qui a pris le pouvoir en 2000 a renversé la décision prise par le gouver- nement précédent. Ce ne sont pas les compétences qui manquent au niveau de nos diplomates. C’est l’absence d’une direction politique et un engagement pour privilégier la diplomatie économique qui fait défaut», explique Milan Meetarbhan, ancien ambassadeur à l’Organisation des Nations unies (ONU).

En effet, plusieurs pays préparent des plans d’action de diplomatie économique couvrant une année financière avec des objectifs clairs et un processus bien établi. Par ailleurs, le guide de l’International Trade Centre (ITC) sur la diplomatie économique et commerciale aborde plusieurs stratégies à mettre en place, que ce soit à travers la synergie des institutions, la technologie, la recherche et la compréhension des marchés visés, et le networking, entre autres, pour attirer les investissements et booster les exportations. Pour commencer, les stratégies commerciales et d’investissement sont directement liées au plan de développement économique national. La diplomatie économique est donc une activité inter-organisationnelle impliquant l’ensemble du service des affaires étrangères, d’autres ministères et autorités, ainsi que des acteurs du secteur privé.

Il faut évidemment donner priorité à certains marchés selon nos objectifs à long terme, comprendre ces marchés, explorer de nouveaux marchés, communiquer de manière efficace, faire le bon networking et évidemment rester proactifs et mesurer les performances. «Pour assurer cette synergie, le conseil des ministres a mis sur pied un comité interministériel pour veiller à l’application de ces accords de libre-échange et aussi à ce qu’il y ait une bonne synergie entre les institutions étatiques et le secteur privé. Les ambassades ont aussi un rôle à jouer pour rencontrer des investisseurs, nouer des liens avec des institutions responsables du commerce dans les pays où ils sont assignés et justement booster les investissements entrants dans le pays», précise Sunil Boodhoo.

En effet, les ambassades ont un rôle important à jouer dans tout cela. Selon le rapport de l’ITC, il incombe aux chefs de mission des ambassades de trouver le moyen d’avoir accès aux ministères importants, de faire le lobby sur toutes les politiques commerciales pouvant être bénéfiques en termes d’investissements ou d’exportations pour le pays, de faire du lobby business et d’aider à donner plus de visibilité aux entreprises exportatrices de son pays dans le marché ciblé. Donc, il est clair que nous ne pouvons pas avoir des ambassadeurs postés dans des pays pour marquer une présence diplomatique, symbole de la bonne entente entre les pays uniquement, surtout que nous sommes un petit État insulaire avec un budget limité. Nos ambassades doivent pouvoir ouvrir la voie à nos opérateurs commerciaux locaux avec l’aide de nos représentants de l’Economic Development Board dans ces pays clés, à savoir l’Inde et la Chine.

La signature d’accords de libre-échange nous donne les moyens de participer efficacement au commerce mondial, mais nous devons aussi renforcer notre stratégie de régionalisation avec l’Afrique pour complémenter, si ce n’est améliorer notre force de frappe sur ces deux marchés, à savoir l’Inde et la Chine. Les institutions publiques doivent donc penser globalement en matière de relations internationales, de diplomatie, de marketing et d’options d’investissement, le tout dans cet esprit de diplomatie économique. Il serait donc souhaitable que nous ayons des professionnels comprenant des économistes, des responsables du tourisme et du commerce, entre autres, basés dans nos ambassades clés à l’étranger avec pour mission de se concentrer sur les questions relatives à l’investissement, l’analyse des marchés, le networking pertinent et le marketing, entre autres. Nous ne devons donc pas négliger nos accords africains qui peuvent nous permettre de renforcer nos actions régionales.